En 1993, lesjupes à l’occidentale fleurissent à Hanoï avec une telle profusion qu’auquartier chic de la cité, on se croirait perdu dans quelque coin d’Europe. Audébut des années 1990, nombre de citadines ont adopté le jean ou le T-shirtmais la blouse et le pantalon noir étaient de règle, pour le travail comme pourles loisirs.
Dans l’ensemble,une seule amélioration par rapport au temps de guerre, la blouse a remplacé lekaki militaire, on a troqué le bleu ouvrier ou le blanc classique contre lestons chauds de l’arc-en-ciel et les fleurs flamboyantes du tissu imprimé.
L’austéritévestimentaire a fait son temps. Le pantalon noir, dernier vestige du costumeféminin traditionnel, ne résiste plus que chez les femmes d’un certain âge. Lepantalon adopte délibérément les indiennes, exhibant des jambes collantes oubouffantes.
Parfois, ilrevient au blanc pour s’harmoniser avec le séduisant áo dài, "robelongue" aux pans flottants, qui moule à merveille le corps svelte desfemmes vietnamiennes. Cette dernière fut une création d’artistes sortis del’École supérieure des beaux-arts d’Indochine qui ont modernisé (style ditLemur) dans les années 1930 l’ancienne tunique tonkinoise à quatre pans ou latunique aristocratique de Huê.
Vitalité de lamode
Vers les années1920-1930, les Hanoïennes ont abandonné la jupe paysanne pour porter lepantalon en crêpe ou en satin noir. Les plus "in the newest fashion"arboraient franchement le pantalon blanc en soie ou en lin, ce dernier étantconsidéré au début comme l’apanage des "geishas" de la rue KhâmThiên.
Revenons auxjupes. Autrefois, la femme vietnamienne ne portait que la jupe. Au XVe siècle,les Ming occupant le pays ont voulu pratiquer une politique de sinisationradicale. Ils ont obligé le peuple conquis à s’habiller à la chinoise, lesfemmes devant renoncer à la jupe pour porter le pantalon. La résistanceculturelle a fini par sauver la jupe.
En 1665, le roiLê Huyên Tông interdit aux femmes de porter ceintures et pantalons.
Mais en 1828, leroi Ming Mang (qui régna de 1820 à 1840) interdit le port de la jupe. Unechanson populaire de l’époque disait : "Au 8e mois lunaire, un édit royalfrappe les gens de stupeur, Il est interdit de porter le pantalon sans fond. Sije ne vais pas au marché, il n’y aura pas assez de monde, Si j’y vais, je doisprendre le pantalon à mon mari, quelle pitié !"
Ce que n’a pufaire ni le colonialisme chinois, ni le despotisme indigène, la mode l’a fait.Dans la deuxième moitié du XXe siècle, le pantalon féminin a régné en ville età la campagne. Mais la jupe revient à la charge grâce aux copies de Dior,Cardin, Chanel…-Huu Ngoc/CVN/VNA