Déambulations dans les dédales des ruelles de Hanoi
Hanoi est
émaillée de lacs, d’avenues ombragées et de jardins publics verdoyants.
La capitale vietnamienne héberge de nombreux musées et lieux de culte.
Elle est célèbre pour sa gastronomie, comme le nem et le pho, des
spécialités aujourd’hui connues et reconnues dans le monde entier.
Une autre «spécialité» de la ville, souvent étrangère aux visiteurs :
ses ruelles sous forme d’impasses, aux enchevêtrements parfois
inextricables pour le néophyte.
Labyrinthe urbain
Hanoi abrite beaucoup de quartiers et de zones résidentielles
constitués d’étroites ruelles sinueuses, que l’on peut rencontrer
presque partout dans la ville. Nul ne saurait dire leur nombre exact.
Trouver une adresse ici ? Pas simple ! Surtout pour
les maisons situées dans une ruelle interminable, elle-même se séparant
en plusieurs embranchements formant autant de petites impasses. Une fois
engagé dans une ruelle reliée directement à la rue principale, il faut
s’engager dans une autre - de niveau 2 -, puis se frayer un chemin dans
une autre petite impasse où se trouve la maison en question. De quoi
mettre à l’épreuve même les caractères les plus patients.
Du charme à toutes les encablures
Si les rues, considérées comme le visage du centre urbain, proposent
un festival de couleurs et une animation parfois étourdissante, ces
ruelles foisonnent aussi de vie avec leurs marchands ambulants, leurs
gargotes, leurs vendeurs de thé vert, leurs jeux. Ces activités forment
en quelque sorte l’âme de la ville. Elles aident les citadins à se
rapprocher, à créer des liens, renforçant le sentiment de «propriété
communautaire».
«Pour les gens qui vivent depuis
longtemps à Hanoi, les ruelles sont une catégorie de zone résidentielle
représentative de la capitale», souligne le poète Giang Nam. C’est ici,
dans ce cadre au charme certain, que se perpétue le mode de vie
traditionnel. Ces ruelles font entre 2 et 4 mètres de large dans
l’immense majorité des cas, et peuvent cacher de larges maisons-jardins.
«Beaucoup de bâtisses abritent encore des jardins avec des
pamplemoussiers, des aréquiers, des bambous. Cela donne à leurs
occupants un espace de vie beaucoup plus salubre que ceux des
habitations ayant pignon sur rue, qui doivent essuyer toute la journée
les gaz d’échappement», remarque l’architecte Pham Thanh Tùng.
Mme Suu, née en 1949, habite dans la ruelle 281, rue Truong Đinh,
arrondissement de Hoàng Mai, depuis qu’elle s’est mariée, il y a une
quarantaine d’années. Avant que l’urbanisation ne tisse sa toile,
c’était ici un ancien village nommé Tuong Mai. Elle vit avec les
familles de ses deux fils dans un espace de 400 m², dont 300 m²
consacrés à une grande cour hébergeant différentes plantes : champaca,
manguier, aréquier, bambou... «Ma maison a été restaurée à plusieurs
reprises. Mais je garde toujours ce jardin créé par mes beaux-parents.
Aujourd’hui, mes petits-enfants apprécient cet espace vert», confie Mme
Suu.
Une identité qui se dévoile au compte-gouttes
Chaque impasse a son identité propre. La ruelle Tam Thuong est
actuellement réputée comme adresse gastronomique des jeunes. Si la rue
Ðinh Liêt, dans le Vieux quartier, n’est déjà pas bien large, elle donne
sur une impasse qui l’est encore moins : Trung Yên. Un coin bien gardé
par les connaisseurs. «Personne vivant dans le Vieux quartier ne peut
être considéré comme véritable Hanoïen s’il n’a jamais pris de Pho Suong
dans la ruelle Trung Yên», tonne le poète Giang Nam. Pho Suong est,
comme son nom l’indique, un tout petit restaurant de pho, où le soleil
ne pénètre jamais. Mais il est bondé du matin au soir. C’est
certainement «le plus hanoïen des restaurants de pho de Hanoi», comme
quelqu’un l’a si bien exprimé.
À quelques pas de là,
la ruelle numérotée 6 Ðinh Liêt. Une impasse si étroite qu’elle
pourrait barrer l’accès à un sumotori ! Mais au bout, telle une oasis
improbable, un superbe espace vert apparaît. Des aréquiers poussent très
haut dans le ciel, à côté d’un vieux puits dans la cour. C’est l’unique
villa-jardin à se tenir encore debout dans cette rue ancienne. Une
bâtisse à deux étages d’architecture française, mais très vietnamienne
dans son aménagement. Une association des plus harmonieuses.
Qui a pu percer tous les secrets que dissimulent les ruelles de la
capitale ? Certainement personne. La ruelle Xóm Ha Hôi est romantique
comme un poème d’automne. La ruelle Ðông Xuân (à côté du marché Ðông
Xuân) suffirait à écrire quelques livres sur la gastronomie. De même
pour la ruelle Phât Lôc. Sans compter moult autres impasses nommées,
mais aussi anonymes. «Lors de mes promenades, je sens que Hanoi cache
ses volets les plus intéressants dans ces ruelles sinueuses», partage le
poète Giang Nam.
Hanoi ne s’apprivoise pas
facilement. Il ne s’agit pas de mets précuisinés, encore moins de
fast-food. Non, cela nécessite du temps, comme lorsqu’un chef étoilé
procède au choix des meilleurs ingrédients. Le travail peut paraître
fastidieux, mais au final, ô combien gratifiant. Hanoi l’authentique
n’est pas contée dans les guides touristiques. Elle s’apprécie, se
dévoile au fil de ses ruelles, que si l’on y met son cœur, son âme.
Hanoi est belle, Hanoi est éternelle... – VNA