Comment valoriser la formation professionnelle
Les filières professionnelles qui attirent
encore peu de jeunes au Vietnam, souffrent encore d’un déficit d’image
et d’un cloisonnement qu'il faut briser pour qu’elles soient reconnues
au même titre que les autres.
Selon l’Institut des sciences de l’éducation du Vietnam, le pays
possède 300 centres d’enseignement technique général et d’orientation
professionnelle capables de former 800.000 personnes chaque année,
alors que le nombre d’élèves est près du double. Par ailleurs, beaucoup
d’écoles sont en larges sureffectifs, tandis que d’autres n’ont que peu
d’étudiants en raison d’une formation de faible qualité, souffrant d’un
manque d’attrait pour les jeunes.
Chaque année, sur les plus
de 700.000 élèves sortant de collège en n’ayant pas le niveau d’aller
en lycée et lycéens ayant échoué au baccalauréat, seuls 10.000 d’entre
eux environ entrent dans une école professionnelle du secondaire.
Quelque 37% des diplômés d’université ne trouvent pas de travail parce
que le marché de l’emploi est saturé dans leur secteur professionnel.
Par ailleurs, 57% d’autres doivent apprendre un métier différent du
cursus suivi, et près de 50% des étudiants en université n’ont pas
d’intérêt pour la discipline qu’ils apprennent...
De nombreux
secteurs de l’économie ont un cruel besoin de ressources humaines
auquel le marché de l’emploi ne peut remédier, ainsi des technologies
de l’information, des arts graphiques et du multimédia.
Selon
l’Association des entreprises de logiciel du Vietnam (VINASA), le pays
aura besoin lors des années à venir de 17.000 professionnels dans
l’industrie graphique et du multimédia. Un recrutement qui aujourd’hui
demeure chimérique pour les employeurs : peu nombreux sont les
étudiants formés dans ce domaine, et ceux qui le sont ne satisfont pas
aux exigences professionnelles des entreprises.
« Notre
système d’éducation ne parvient toujours pas aujourd’hui à répondre aux
besoins de notre marché de l’emploi», insiste Cao Tiên Sâm, directeur
adjoint du Département général de la formation professionnelle. «Le
déséquilibre entre secteurs professionnels de nos ressources humaines
représente réellement un gaspillage de matière grise, mais aussi de
temps et d’argent pour les jeunes, leurs familles et la société »,
estime-t-il.
Mesures à prendre
Pour la période 2010-2020,
le ministère de l’Éducation et de la Formation s’est fixé pour objectif
d’attirer 30% des élèves sortant de collège dans les écoles
professionnelles du secondaire. Les élèves de 9 e année - la dernière
année en collège - bénéficieront d’une réduction de 50% de leurs frais
de scolarité, et ceux pauvres ou originaires de minorités ethniques en
seront exonérés.
Cela suppose d’abord un certain
travail en amont. En effet, les parents pensent en grande majorité que
leurs enfants ne pourront réussir dans la vie qu’en ayant le niveau
d’éducation le plus élevé, en d’autres termes, universitaire, et
poussent donc leur progéniture dans cette voie. Or, faute de capacités
ou tout simplement par goût, tous ne seront pas docteurs ou agrégés...
« Il faut lutter contre l’idée préconçue de notre société selon
laquelle seules les personnes d’un niveau élevé peuvent avoir un bon
emploi », affirme Trân Thi Tâm Đan, ancienne présidente de la
Commission de la culture, de l’éducation, de la jeunesse et de
l’enfance de l’Assemblée nationale.
Le vice-ministre du
Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales, Nguyên Ngoc
Phi, ajoute : « Il faut davantage communiquer afin que les gens
comprennent précisément la place comme le rôle de l’éducation
professionnelle dans notre société, que ce soit en termes d’économie,
de structure de nos ressources humaines nationales ou de marché de
l’emploi, sans parler sur un plan plus général d’un développement
durable pour notre pays ». Selon lui, tout le monde doit être conscient
de son importance comme de son utilité, ce qui conduira davantage de
jeunes à vouloir apprendre concrètement un métier plutôt que de se
diriger vers une formation universitaire.
Il faut ensuite
que les écoles professionnelles se renouvellent, en améliorant la
qualité de leur formation. D’après Cao Tiên Sâm, elles doivent
privilégier l’enseignement de compétences et de comportements
professionnels, dans un environnement pratique correspondant aux
conditions rencontrées dans la vie active. « Dans cette mesure, la
formation professionnelle sera alors à même de répondre aux besoins des
entreprises, et attirera par ailleurs davantage de jeunes »,
reconnaît-il.
Le directeur adjoint du Service de
l’éducation et de la formation de Hô Chi Minh-Ville, Pham Ngoc Thanh,
indique pragmatiquement que les politiques salariales pratiquées par
les employeurs sont l’élément des plus déterminants du choix
d’orientation professionnelle de nombreux jeunes. « Il faut donc
d’abord faire en sorte que celles-ci soient meilleures si l’on veut
qu’ils se dirigent vers un enseignement professionnel », conclut-il. -
AVI