En ces temps demondialisation, les arts traditionnels, notamment le théâtre classique,Tuông, tombent progressivement dans l’oubli. Avis du professeur HoàngChuong, directeur général du Centre de préservation et d’études de laculture nationale. * Vous êtes une personneprofondément attachée aux arts traditionnels du Vietnam, notamment ceuxdu théâtre. Que pouvez-vous nous dire du Tuông et de son répertoire ? Le théâtre classique, appelé Hát Tuông dans le Nordet Hát Bôi dans le Sud, relève des genres classique et savant des artsde la scène. De fait, le Tuông est le premier des arts traditionnelsvietnamiens. On le classe au même rang que l’opéra de Pékin en Chine(genre de spectacle combinant musique, danse acrobatique, théâtre etcostumes flamboyants et faisant le récit d’histoires tirées du passéhistorique et du folklore chinois) et le Nô au Japon (genre ayant uneconception religieuse et aristocratique de la vie). Né il y a entre cinqet sept siècles, le Tuông comprend de la danse, du chant, une narrationet de la musique hautement stylisés et symbolisés. Une pièce de Tuôngcô - de style ancien - porte sur un récit du passé dont le sujet est,généralement, d’aider l’homme à distinguer le bien du mal. De ce style,il demeure aujourd’hui de 500 à 600 pièces, mais elles sont préservées àla Bibliothèque royale du Royaume-Uni. En outre, à l’époque colonialefrançaise, de nombreuses pièces ont été emportées en France où ellesconservées dans plusieurs bibliothèques. Et au Vietnam, nos artistes ontreconstitué une centaine de pièces.
Le public désaffecte les pièces de Tuông aujourd'hui.
Ces dernierstemps, de plus en plus de scénarios de Tuông se sont perdus. Lescomédiens professionnels n’avaient en effet que peu d’occasions detransférer leur culture aux générations successives, et plusieursamateurs et anciens comédiens ont disparu sans pouvoir léguer leurrépertoire comme leur passion... * Dans quelle situation se trouve ce genre classique actuellement ? Aujourd’hui, force est de constater que le Tuông est de plus en plusen mal de public. À Hanoi et dans les grandes villes plus généralement,les artistes peuvent consacrer toute leur passion à l’interprétation degrandes pièces, seuls quelques spectateurs sont présents. En revanche, et bien heureusement d’ailleurs, il bénéficie toujoursd’un accueil et d’un intérêt chaleureux en zone rurale... Avec l’intégration de notre pays au monde, les arts traditionnels neséduisent plus que peu ou prou les jeunes, et les amateurs de Tuông necessent de diminuer. Les jeunes préfèrent en effet regarder des films,en particulier chinois et coréen, ou écouter de la musique moderne commela pop, le rock et, dans une moindre mesure, le jazz, plutôt qued’aller voir des pièces de théâtre traditionnel. Autre indicateur, cettefois-ci pour la perpétuation du genre, l’Université de théâtre et decinéma de Hanoi n’a pu encore recruter une seule promotion suffisantepour le Tuông. Enfin, et c’est ce qui me conduit àlancer une alerte, les comédiens spécialisés en Tuông sont de moins enmoins intéressés, car la défection croissante de leur public les conduità gagner de faibles revenus, de l’ordre de 100.000 à 200.000 dôngs pourune pièce... à comparer au cachet de 5 à 10 millions d’un chanteur pourun seul concert. De même, les scénaristes de Tuông sont peu nombreux.Il devient donc urgent de former des professionnels, notamment descomédiens et metteurs en scène, sachant que la création etl’interprétation d’une pièce de qualité est très difficile. * Que comptez-vous faire pour sauver le Tuông ? Si nous menons à bien des campagnes de sensibilisation, le public duTuông se reconstituera de façon appréciable. À mon avis, il fautreprésenter plusieurs fois et en divers lieux une bonne pièce de Tuôngafin que les spectateurs puissent en témoigner auprès de leurs procheset relations. Nous avons aussi besoin d’organiser des festivals dans leslocalités afin que les gens aient l’opportunité de rester en contactavec cette culture traditionnelle. C’est ainsi que nous pourrons, parailleurs, remotiver les comédiens. Communiquer et sensibiliser, c’estpour moi la meilleure manière de séduire à nouveau les spectateurs. * Les théâtres dépendent d’abord du public. Comment ferez-vous pour le séduire, en particulier les jeunes ? Un nombre non négligeable de jeunes vietnamiens «tourne le dos» auxarts traditionnels car ils ne comprennent pas encore toute la beauté ettoutes les valeurs qu’ils recèlent. Il est donc difficile, mais toutaussi urgent, d’agir afin d’y remédier, pour que les jeunes lespréservent et les valorisent. Des formations, à mon avis, s’imposentici. Par ailleurs, l’État doit prendre despolitiques culturelles et pour l’enseignement à l’école des artstraditionnels. Nous devons aussi assurer des formations continues desartistes professionnels du Tuông. Pour l’heure, nombre d’entre eux sontde plus en plus âgés et souhaitent transmettre leur savoir et leurexpérience à des successeurs. L’État doit donc réellement agir afin dedisposer d’une relève. -VNA