Chez les Co Tu, la hotte se porte comme un charme
Dans le Centre du pays et comme d’autres minorités ethniques, les Co Tu utilisent des hottes pour transporter tous leurs objets usuels. Plus qu’une nécessité, une tradition.
Objet somme toute très ordinaire, la hotte est pourtant un outil indispensable pour les populations vivant en montagne. Dans la petite communauté Co Tu, qui ne compte qu’environ 76.000 habitants, son usage quotidien est une tradition culturelle. Elle sert surtout au transport des produits de la cueillette, des bûches, de la nourriture.
En fait, pour être tout à fait précis, à chaque
utilisation correspond un type de hotte, les codes sont stricts, et les
appellations usuelles de chacune d’entre elle sont différentes en
vietnamien ( gùi, tà lec, rê, chuy et cà vông ). Ainsi, le patriarche
Dinh Van Bot, 67 ans, du village de Tà Lâu (province de Quang Nam,
Centre), nous explique que les petites sont destinées aux enfants, et
les plus grandes aux adultes. Celles tressées en mailles larges portent
les bûches et les calebasses d’eau. Celles en maillage serré sont
utilisées pour le riz ou le mais, que l’on vient de ramasser. Certaines
autres sont munies d’un couvercle. Elles sont destinées aux vêtements,
accessoires féminins et objets précieux.
Un véritable artisanat
Polong
Hê, 64 ans, est domicilié dans le district de Dông Giang (province de
Quang Nam, Centre). C’est un fabricant expérimenté de la région. Dans un
coin de sa cuisine, les hottes sont suspendues par dizaines. Nous
montrant l’une d’entre elles, il indique : « Elle est tressée à la main.
Nous utilisons du rotin relié à quatre bouts de bois attachés à la
verticale pour constituer le corps de la structure et la rendre robuste
». Dans la pratique, on démarre par le fond de l’objet et on remonte
petit à petit vers le haut. On termine par la partie supérieure puis on
fixe la base en bois. Les formes peuvent être diverses. Mais les
typiques Co Tu sont le plus souvent en V. Quant aux lanières, elles
peuvent être en rotin ou en écorce.
Les hottes sont souvent
fabriquées par les hommes qui assurent ainsi un revenu à leur famille
pendant les périodes creuses de l’année ou lorsque les paysans alentours
en ont besoin. En fonction de leurs disponibilités, la conception peut
aller de quelques jours à plusieurs mois. D’après le vieux Polong Hê, «
une hotte bien tressée peut tenir 30 ans ». Certaines sont intégrées
dans la dot octroyée pour le mariage. Réalisées avec des motifs
traditionnels colorés, elles témoignent d’une grande diligence et
représentent une sorte de preuve d’amour du jeune homme envers sa
future.
Témoins de la guerre
L’un des vieux
tresseurs Co Tu de la région nous a raconté que pendant 14 ans, de 1958 à
1972, les hottes conçues par le jeune Alang Bhuôc, malvoyant, ont
permis de transiter plus de 180 tonnes d’armes et de provisions pour
ravitailler l’armée. En 1968, un mois durant, de jour comme de nuit, il
portait des boulets de canon de 50 kg chacun, à raison de deux par
trajet. Par la suite, Alang Bhuôc s’est vu décerner l’Ordre des exploits
militaires de troisième classe, et l’Ordre de la Résistance de première
classe.
Depuis, les hottes ont retrouvé leur usage courant et
arrondissent les fins de mois des Co Tu. Certains villages reçoivent des
commandes des agences de voyage vietnamiennes, ils les vendent entre
300.000 et un million de dôngs la pièce. Ces objets de la vie
quotidienne font partie intégrante de la culture Co Tu, et si de
nombreux traits traditionnels du Vietnam disparaissent à mesure,
celui-ci perdurera sans aucun doute. Les paysans auront toujours besoin
de grimper les pentes montagneuses pour ramener la récolte de l’année. -
VNA