Après trois ans consécutifs d’excédent commercial, le déficit risque de faire son retour cette année au Vietnam, prévient le ministère de l’Industrie et du Commerce (MIC). Entretien avec Lê Quôc Phuong, directeur adjoint du Centre des informations industrielles et commerciales du MIC.

Ces trois dernières années, la forte croissance des exportations des entreprises à capital entièrement étranger est à l’origine de l’excédent commercial du Vietnam. Les entreprises nationales, en revanche, sont les plus gourmandes en termes d’importations. Cette tendance va-t-elle se poursuivre cette année ?

Le Vietnam a enregistré, ces trois dernières années, un solde de la balance commerciale positif grâce, principalement, aux contributions des entreprises à capital entièrement étranger. La proportion des exportations de ces entreprises représente les deux tiers des exportations nationales, le tiers restant appartenant aux entreprises domestiques. La croissance des exportations vietnamiennes au cours de ces dernières années s’explique d’abord par la croissance de cette première catégorie d’entreprises.

L’enseignement à tirer est le suivant : les entreprises nationales sont moins rentables que celles étrangères implantées au Vietnam dans l’activité de l’import-export. Un phénomène observé depuis des dizaines d’années, mais de plus en plus visible ces dernières années en raison des difficultés de l’économie. Je pense que ces entreprises à capital 100% étranger resteront les principaux moteurs de l’excédent commercial - s’il y a - dans les années qui viennent. Les entreprises nationales, malgré une embellie de leurs exportations ces dernières années, semblent encore loin de rattraper le rythme de leurs homologues étrangères au Vietnam.

Le prêt-à-porter et les chaussures continuent d'être deux des fers de lance de l’exportation. Mais l’importation de matières premières et d’équipements au service de ces industries demeure importante. Est-ce là une faiblesse ?

Oui pour l’industrie textile et de chaussures, mais également pour la plupart des secteurs de la transformation et de la mécanique. Dans ces domaines, les entreprises vietnamiennes, en dépit de leurs efforts pour apporter une part plus importante de matières premières locales dans la fabrication de leurs produits, s’appuient trop sur la sous-traitance et l'assemblage.

Maintenant, la question est de savoir pourquoi. La première raison à cela est que le Vietnam ne dispose pas encore d’une industrie auxiliaire suffisamment forte pour pouvoir assurer et la fourniture, et l’approvisionnement des matières premières et des accessoires pour les industries fabricant des produits destinés à être exportés. Nous devons importer beaucoup de matières premières pour fabriquer des produits à l’exportation, avec pour conséquence une valeur ajoutée très faible.

Après trois années consécutives de solde positif de la balance commerciale, le Vietnam devrait connaître, selon les prévisions, un déficit commercial de6 milliards de dollars cette année. Et le Vietnam va importer beaucoup de Chine. Votre analyse ?

Les importations de la Chine représentent environ 30% des importations totales du Vietnam, soit bien au-dessus des autres pays. Plusieurs explications à cela. Premièrement, les produits chinois sont moins chers comparés à d’autres, qu’il s’agisse des articles de consommation quotidienne, des matières premières, des machines ou des équipements. Deuxièmement, la Chine est la plus grande entrepreneuse au Vietnam. Les adjudications clés en main dans des domaines tels que l’électricité, l'exploitation minière, la métallurgie reviennent pour la plupart à des entreprises chinoises. Ce qui implique que lors des travaux, la Chine doit apporter une grande quantité de machines et équipements au Vietnam. C’est l’une des raisons pour lesquelles les importations en provenance de Chine sont si importantes.

Dans un contexte où le Vietnam doit réaliser cette année beaucoup d’engagements en termes de réduction des barrières tarifaires, comment doit-il agir sur le plan macro-économique ? Dans la même idée, que peuvent faire les entreprises pour réduire le déficit commercial ?

Le développement des industries auxiliaires est un vrai défi à relever pour le Vietnam. Si la tâche est immense, son développement aidera le Vietnam, à terme, à ne pas trop dépendre d’un tel ou tel marché et de réduire au fur et à mesure le déficit commercial. Pour les produits agricoles, sylvicoles et aquatiques, les combustibles et les produits miniers, nous devons privilégier la transformation et non l’exportation des produits bruts. L’optique étant, bien entendu, d’augmenter la valeur ajoutée de ces produits. Idem pour ceux assemblés dans le pays, où il faut accélérer la fabrication locale des composants pour y parvenir.

Le gouvernement, de son côté, devrait prendre des mesures pour limiter les importations en imposant des normes et des barrières techniques. Dans le même temps, le gouvernement devrait accélérer la réforme administrative, fiscale et douanière pour minimiser les dépenses des entreprises exportatrices, ce qui les rendra plus compétitives. Les entreprises exportatrices doivent quant à elles bien saisir les opportunités qu’offre la reprise de l’économie nationale et mondiale. Elles doivent être actives dans le renouvellement des technologies en vue d’élever la productivité, la qualité de leurs produits et, par conséquent, leur compétitivité sur le marché mondial.

Enfin, pour réduire les importations, les entreprises exportatrices doivent établir des relations étendues avec leurs fournisseurs vietnamiens de matières premières. L’objectif de la manœuvre est de s’entraider dans l’approvisionnement des sources de matières premières locales, avant de penser aux fournisseurs étrangers. -CVN/VNA