Sur les Hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên), la période entre la fin de l’hiver et le début du printemps est plutôt réservée à des fêtes au cours desquelles les gongs constituent un médium entre les hommes et le monde surnaturel. L’espace culturel des gongs fait partie aujourd’hui du patrimoine culturel de l’humanité. Il s’impose donc de le préserver et de le valoriser… Reportage de la Voix du Vietnam.

A l’occasion du Tet, l’effervescence monte dans le village de Dang, un village rattaché à la commune d’Ia O, peuplé de Jarai. Les villageois se réunissent dans la cour de leur maison commune pour jouer des gongs, leurs instruments sacrés.

D’après le septuagénaire Ro Mah Yoh, les gongs sont étroitement liés à la vie des Jarai depuis des générations. Tout comme le ruou can, l’alcool de riz, le gong est présent dans tous les rituels de la vie communautaire.

Le gong existe chez nous depuis très longtemps. Les Jarai en jouent lors des fêtes ou à l’occasion du Nouvel An. La configuration et le rythme sont adaptés au contexte de la cérémonie. L’art des gongs est notre identité, notre fierté.

Pour les Jarai, les gongs constituent un véritable trésor. Autrefois, toute famille digne de ce nom possédait au moins un gong, signe indiscutable de sa fortune, de son autorité et de son prestige.

Ro Mah Yoh préserve encore deux collections de gongs chez lui : une collection de 11 gongs et un gong unique, appelé « pat », qu’il a acheté à un Muong de Thanh Hoa, au prix de 160 millions de dongs. Jadis, un gong « pat » équivalait à 30 buffles. Il est très fier de constater que, malgré les vissicitudes de l’époque, les Jarai prennent toujours en haute estime les gongs et veillent à les préserver.

« Lors de nos évacuations pendant la guerre, la seule chose qu’on ne laissait jamais derrière nous, c’était les gongs, surtout les gongs précieux comme les « pat » ou les « pom ». On les emportait malgré les dangers. Quand l’ennemi est entré dans le village, il a tout détruit, y compris les gongs. Certaines familles ont caché les gongs dans les abris, mais ils ont été tous brûlés. Nos ancêtres nous ont légué les gongs, nous avons la responsabilité de les préserver pour nos descendants » , a-t-il fait savoir.

Dans le village d’O, le jeune Ro Mah Hyiu est le seul à qui incombe la tâche de préserver les gongs. Dans sa petite maison, se trouvent 7 collections de gongs dont deux gongs « pat ». Du coup, Hyiu passe pour être l’un des plus riches de son village.

Les gongs sont un bien inestimable que nos ascendants nous ont légués. C’est pourquoi, ma femme et moi, nous devons bien les préserver. Beaucoup souhaitent les acheter en nous proposant des millions de dongs. Mais nous ne les vendrons jamais. Nous les préservons pour nos enfants. Préserver les gongs c’est préserver l’indentité culturelle des Jarai. Les Jarai sont riches parce qu’ils disposent de gongs pour en jouer pendant les fêtes.

“Ia O est réputée pour être la commune la plus « riche » de la partie septentrionnale du Tây Nguyên car c’est là qu’on y trouve le plus de gongs précieux”. Ksor Khieu, le président du comité populaire communal n’est pas peu fier de cette particularité. Sa commune compte en effet près de 600 collections de gongs anciens réparties dans neuf villages Jarai. Il n’y a pas ce qu’on appelle une « hémorragie de gongs » comme on a pu en constater dans certains villages d’autres minorités ethniques du Tây Nguyên. En revanche, les Jarai sillonnent le Nord au Sud du pays pour les racheter.

Au fil du temps, les gongs résonnent encore dans les villages des Jarai et grâce aux efforts de toute la communauté, l’art des gongs se perpétue sur les Hauts plateaux du Centre./.