Soc Trang est une des localités du delta du Mékong comptant le plusgrand nombre de membres de l’ethnie Khmer. Dans leurs phum, soc(village), les Khmers ont construit de nombreuses pagodes où ilspratiquent les rites religieux bouddhistes et où prennent place lesfestivités de la communauté. Chaque pagode, unique d’un point de vuearchitectural, présente des spécificités qui leur sont propres.
Appelée aussi Chén Kiêu, la pagode Wath Sro Loun - ou Sà Lôn en languekhmère - a été construite en 1815 dans la commune de Dai Tâm (districtde My Xuyên, province de Soc Trang). Elle se situe à 12 km environ ducentre-ville de Soc Trang. Aux premiers temps, elle était en bois et sontoit était recouvert de feuilles, à l’image d’autres pagodes de laprovince.
Après la guerre, le sanctuaire de la pagode aété gravement endommagé par les bombes. En 1969, les Khmers ont restaurécette pagode et préservé le monument jusqu’à ce jour. Faute d’argentpour acheter des dalles décoratives, les bonzes avaient prisl’initiative de collecter les bols et les assiettes en grès desvillageois pour en recouvrir les murs. C’est pourquoi les habitantsl’appellent la pagode Chén Kiêu.
Le vénérable Lâm Chanh,bonze supérieur de la pagode Chén Kiêu, explique que "les bols et lesassiettes en bon état que les bonzes ont collectés ont été fixés telsquels sur le mur. Pour les récipients déjà cassés, ils ont utilisé lesfragments pour dessiner des motifs. Environ 3.000 tonnes de bols etd’assiettes ont servi à la rénovation de ce sanctuaire". Il ajoute qu’ilest en train d’élaborer un dossier qu’il soumettra aux autoritésprovinciales afin que la pagode soit reconnue en tant que patrimoineculturel par la province.
À première vue, le toit dusanctuaire semble entièrement recouvert de briques. En réalité, 60 % dela toiture a été décorée avec des morceaux de récipients brisés. C’estgrâce aux mains habiles des bonzes que l’œuvre a été achevée avecsuccès. Les motifs en relief sont variés : fleurs, animaux, paysagesnaturels...
Des artisans khmers ont également contribué àl’élaboration de ce chef-d’œuvre en grès. Ces artisans n’étaient pasinitiés aux techniques de la mosaïque en grès, et n’avaient pas deformation théorique en sculpture et aux beaux-arts, mais ils onttravaillé à rénover la pagode pendant 11 années consécutives. Cetteœuvre est une offrande au Bouddha. Ils ont transformé des récipientscassés devenus inutiles en une œuvre artistique d’une grandeoriginalité. Les morceaux de grès étincèlent au soleil, faisant brillerla pagode.
La pagode Chén Kiêu est censée évoquer unefée. Sa haie est décorée à l’image de la déesse dansante Apsara, symbolede paix et de prospérité. Le chemin qui mène à la pagode est bordé destatues du Dieu Kerno, symbole de la beauté éternelle. Ce dernier a unvisage semblable à celui de la nymphe Apsara, et le corps d’un oiseaufabuleux, le Garuda. À la porte d’entrée, on trouve deux statues delions en pierre.
Pour les Khmers, Chén Kiêu est unenymphe vivant sur terre. Cette divinité séduit les hommes en dansant eten jouant de la musique, et porte une tenue incrustée de morceaux degrès brillant sous le soleil. Les artisans khmers ont recréé ce vêtementen souhaitant que la déesse Apsara leur accorde une vie de paix, deprospérité et de bonheur.
Dans la pagode Chén Kiêu, endehors de l’architecture originale des Khmers, les touristes ontl'occasion d’admirer une partie des biens du "Công tu Bac Liêu" TrânTrinh Huy. Il s’agit d’une tu cân xa cu (armoire incrustée de nacre),d’un canapé, de deux lits (l’un pour l’hiver, et l’autre pour l’été),d’une table ronde à surface de pierre, et d’une table longue à motifsoriginaux. Ce mobilier a été racheté par les bonzes en 1947.
L’expression "Công tu Bac Liêu" désigne les jeunes hommes issus d’unefamille de propriétaires terriens dans la province de Bac Liêu (Sud) àl’époque coloniale française. Trân Trinh Huy ou Ba Huy (1900-1974) étaitle plus célèbre d’entre eux. Il est réputé pour ses frasques à Saigonet dans le Sud dans les années 1930 et 1940. -VNA