La maison communale, c’est le lieu où les villageois vénèrent leur génie tutélaire. Celui-ci est soit un héros, ayant lutté vaillamment contre les envahisseurs, soit un notable auquel la contrée doit sa prospérité. Comme son nom l’indique, la maison communale est à la fois une maison et un lieu de réunion de la communauté. Mais chaque maison communale constitue aussi un témoignage de ce qu’était le degré d’évolution du pays au moment de sa construction. Elle permet en tout cas de mettre en valeur le talent des sculpteurs locaux, comme l’explique le peintre Phan Cam Thuong, chercheur en beaux-arts vietnamiens anciens : " Pourquoi qualifie-t-on la sculpture des maisons communales de sculpture populaire ? C’est parce qu’elle n’est dictée ni par les pouvoirs religieux ni par les dynasties féodales. Elle vient directement de la vie villageoise. Ainsi, l’ensemble de ces sculptures reflètent la vie des villageois des 16ème, 17ème et 18ème siècles. Il y a deux principaux groupes de motifs : les motis décoratifs - fleurs, dragons, nuages - et ceux qui se rapportent à la vie quotidienne - chasse, travaux champêtres, jeux sportifs, rencontres galantes..."
Plusieurs chercheurs estiment que les maisons communales ayant les plus belles sculptures sur la vie villageoise datent du 17ème siècle. Les artisans ont su reproduire de façon extrêmement vivante l’animation d’une fête villageoise, les retrouvailles d’un couple, les rendez-vous amoureux, le désir charnel, l’allégresse des picoleurs… Tout est frais et profondément humain. On peut trouver des scènes de chasse, un couple qui se gratte les pieds, une compétition sportive, un concert de musique traditionnelle… Il y a en outre de nombreuses gravures décrivant la vie des mandarins : un valet qui ventile son maître, un mandarin à cheval, mais aussi des scènes plus violentes comme l’arrachement d’un enfant à ses parents ou une réclamation de dettes. Le peintre Phan Cam Thuong : "Dans la sculpture bouddhique, il y a des règles très strictes sur les représentations de Bouddha ou de Kwan Yin. Il n’en est rien sur les maisons communales. Les artisans avaient vraiment carte blanche, sans aucune restriction. Ils pouvaient s’exprimer comme ils l’entendaient"
Côté architecture, les maisons communales disposent d’un plancher, soit en bois soit en carrelage, avec des piliers en lim, un bois extrêmement solide. Elles comprennent 3 ou 5 travées, en fonction de la richesse du village. Le toit descend en pente douce. Les 4 extrémités sont recourbées et élégamment relevées. Le faîte est décorée d’une bande de motifs troués ou en haut-relief, essentiellement des fleurs de citronnier ou de plaqueminier. Au-dessus, trône un couple de dragons tournés vers la lune ou le soleil. Le professeur Tran Lam Bien est un grand spécialiste de la culture et des arts traditionnels vietnamiens : "Sur le toit, on trouve des motifs de dragons, de nuages, de tonnerre, d’éclairs. Il y a aussi le soleil, la lune et les lân, un animal mythique qui tient un peu du cerf et du cheval et qui symbolise le pouvoir des génies. Il est là pour voir si les gens qui viennent ont l’âme pure ou non. Vous remarquez que tous ces motifs sont liés au ciel, à l’au-delà. Même les tuiles sont décorées de motifs reproduisant les étoiles".
Qu’elles reflètent la réalité du quotidien ou les aspirations des paysans, les sculptures des maisons communales sont toutes des œuvres du folklore local. Ce sont autant de preuves de la liberté de création des artisans qui ont donné à la vie villageoise la place qu’elle mérite dans le patrimoine culturel national. -VOV/VNA
La fin du 17ème siècle marque l’apogée de l’art sculptural dans les maisons communales vietnamiennes. Les plus belles qui existent encore datent d’ailleurs de cette époque. Elles se trouvent essentiellement dans le delta du Fleuve rouge. Chu Quyen à Ba Vi, Kien Bai à Haiphong, Diem à Bac Ninh… sont autant de témoins de cet âge d’or de la sculpture populaire vietnamienne.