Les Vietnamiens qui vivaient au Nord du pays dans les années 1960 connaissaient tous Đại Phong, une coopérative qui avait reçu les félicitations personnelles du Président Hô Chi Minh, et à deux reprises. Plus d’un demi-siècle après, Đại Phong reste pionnière en matière de développement agricole et de nouvelle ruralité, aussi bien pour la province centrale de Quảng Bình que pour le pays tout entier. Reportage de la Voix du Vietnam.

Le 22 novembre 1959, 3 petites coopératives fusionnaient en une seule, Đại Phong, qui allait ainsi devenir la première coopérative agricole socialiste du Nord. Une coopérative modèle présidée par un certain Phạm Ngọc Đính. À l’époque, le pays était divisé. Aujourd’hui, à 86 ans, Phạm Ngọc Đính n’a pas oublié l’efferverscence de ces jours historiques. 

Au village de Đại Phong, à l’époque, c’était tous les jours la fête. Tout le monde, jeunes et vieux, hommes et femmes, participait à la construction de digues pour empêcher l’entrée de l’eau salée, à l’amélioration des sols et aux travaux hydrauliques. Certains étaient même allés des dizaines de kilomètres plus loin pour défricher des terres, planter des cannes à sucre, élever des boeufs et des buffles.

Deux ans après, le taux de terres cultivables par habitant avait plus que triplé, et la production vivrière était passée de 650 à 880 kg par personne, en moyenne. Et ce chiffre allait continuer d’augmenter dans les années suivantes. L’émulation dans la production avait permis non seulement de repousser la famine et la pauvreté, mais aussi de faire de Đại Phong un fournisseur de riz pour tout le Nord.

Phạm Ngọc Đính se souvient: «À l’époque, on appelait chacun à travailler comme deux, à être prêt à travailler même la nuit. Et les habitants ont répondu présents, qu’ils soient jeunes ou vieux… Il y avait même des septuagénaires et des octogénaires. Pendant la guerre contre les américains, nous assumions à la fois la production et le combat.»

Đại Phong signifie «grand vent» en français. Ce vent a vite gagné les campagnes du Nord. Plusieurs localités ont donné le nom de «Đ ạ i Phong» à leurs mouvements d’émulation. Partout, on voyait des «champs de thé de Đại Phong», des «digues de Đại Phong», des «rizières de Đại Phong»...

Le Président Hô Chi Minh, sous le pseudonyme de Trần Lực, a écrit un article publié dans le quotidien Nhân Dân (Le Peuple), organe central du Parti communiste du Vietnam, le 15 avril 1961 pour faire l’éloge de Đại Phong.

«Il y a à peine deux mois, le chef du Comité central de l’agriculture Nguyễn Chí Thanh a fait état des progrès de la coopérative de Đại Phong. Aujourd’hui, on recense dans tout le Nord du pays un millier de coopératives qui se lancent dans un mouvement d’émulation pour «suivre l’exemple de Đại Phong, rattraper Đại Phong et surpasser Đại Phong». C’est un bon mouvement qui témoigne de la motivation, de la force et des riches potentiels des paysans vietnamiens...», peut-on lire dans cet article.

En 1961, le Président Hô Chi Minh a offert à Đại Phong un tracteur DT.54 qui lui avait été offert par l’union des jeunes communistes soviétiques. Les villageois lui étaient très reconnaissants, car ce tracteur pouvait, en un jour, accomplir un mois du travail d’un paysan.
Phạm Ngọc Đính: «Nous avons reçu le drapeau d’émulation offert par le gouvernement et le tracteur offert par le Président Hô Chi Minh. Tout le monde était ravi. Désormais on était maître de son travail, le mouvement d’émulation s’est amplifié plus que jamais.»

Pendant la guerre, deux devises ont rythmé la vie des villageois de Đại Phong: «la charrue dans une main et le fusil dans l’autre» et «pas un kilo de paddy de moins, pas un soldat de moins». Au moment du lancement du renouveau, alors que de nombreuses coopératives ont dû se dissoudre, Đại Phong a maintenu sa position pionnière dans la production agricole. Dans la province de Quảng Bình, la coopérative est imbattable pour le rendement de son riz. Au niveau national, elle sert de modèle de coopérative de services agricoles. 

Selon Nguyễn Văn Hoàng, l’actuel chef de la coopérative, il faut faire preuve d’audace dans les affaires, tout en garantissant les intérêts des travailleurs. «Đại Phong aurait pu rester une coopérative entièrement agricole, mais elle aurait eu du mal à se développer. L’important est de créer ses propres sources financières pour pouvoir s’acheter les services, les intrants agricoles, les engrais et financer tout ce qui profite aux membres de la coopérative.»

À Đại Phong aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des habitants céder leurs terrains pour construire des ouvrages au service de la nouvelle ruralité. La coopérative a prélevé 25 milliards de dongs de son fonds d’intérêt public pour financer le bétonnage des ouvrages hydrauliques, la construction de chemins, de maisons culturelles et d’écoles... Dans toute la commune de Phong Thủy, à laquelle est rattaché le village de Đại Phong, 70% des ménages sont riches ou aisés et le taux de pauvreté n’est que de 5%.
50 ans après avoir connu son heure de gloire, le vent de Đại Phong continue de souffler, et fort. L’engouement des habitants pour les mouvements d’émulation est devenu une véritable tradition qui se transmet de génération en génération. – VNA