À 93 ans, Mme Pham Thi Minh My lit chaque jour une dizaine de revues et journaux. Et de téléphoner aux rédactions chaque fois qu’elle relève une faute dans tel ou tel article. Une habitude de longue date.
Pour la nonagénaire Pham Thi Minh My, de Hanoi, la lecture est un plaisir. Elle lit toutes les publications qui lui tombent sous la main : romans, nouvelles, récits, livres de divers genres (sciences, histoire, géographie…), journaux, revues… Ce n’est pas par hasard que ses proches la surnomment «la bibliophile». Une passion d’enfance. Elle peut parler des heures de ses lectures. «Elle a une très bonne mémoire, à tel point qu’elle peut se rappeler d’événements passés avec leur date précise», observe une de ses connaissances.
À la «recherche des coquilles»
Depuis une quarantaine d’années, Minh My est une fidèle lectrice de nombreux journaux et revues. Elle les lit quotidiennement, et avec la volonté de les améliorer. Pour cela, elle se livre à son passe-temps préféré : la «recherche des coquilles», comme elle dit. Chaque fois qu’elle repère une faute, elle n’hésite pas une seconde : elle prend son téléphone et appelle la rédaction. «Je le fais parce que cela m’amuse», confie-t-elle, fière de son surnom de «super lectrice hanoienne» donné par les journalistes eux-mêmes. Ce surnom est apparu après un article signé Lê Mai, publié en 2008 dans l’hebdomadaire Van Nghê (Culture et Arts, organe de l’Association des écrivains vietnamiens), qui a vanté le «talent exceptionnel» de Minh My.
Outre journaux et revues, Minh My lit beaucoup de livres, y compris des œuvres littéraires. Là aussi elle fait la chasse aux fautes, et en réfère aux maisons d’édition concernées. «Les fautes doivent être corrigées. Car une maison d’édition se doit de viser la perfection pour être digne de la confiance de ses lecteurs», insiste-elle.
Personne ne peut imaginer que la lettrée Minh My a passé son enfance dans un hameau reculé de la province de Son La (Nord-Ouest). C’est là que la petite fille de quatre ans a commencé, seule, à partir de journaux, à se familiariser avec les lettres. Plus grande, elle s’est mise à dévorer d’anciens romans chinois. À l’âge de 12 ans, elle avait déjà lu nombre de traductions d’œuvres littéraires classiques chinoises, françaises et russes.
Création littéraire à la retraite
Tout au long de sa vie, Minh My n’a cessé de lire et de chercher à améliorer ses compétences en langues étrangères. Une pure autodidacte. Ses connaissances livresques en ont étonné plus d’un. Ce n’est qu’à l’âge de la retraite, en 1977, qu’elle a commencé à écrire, des poèmes surtout. Minh My traduit aussi en vietnamien des poèmes français et chinois.
Fin 2009, la nonagénaire a publié un ouvrage de 800 pages intitulé Thao thuc (Insomnie). Il s’agit d’un recueil rassemblant ses créations (écrits et poèmes) ainsi que des poèmes traduits. Le livre a été rendu public juste le jour de ses 90 ans. «Un événement surprenant, surtout pour mes descendants qui savent que je n’ai pas dépassé que l’enseignement primaire», confie la nonagénaire.
Pour l’auteur, la partie la plus intéressante du livre est celle évoquant ses souvenirs et ses remarques sur des écrivains et des poètes de l’époque d’avant 1945 avec qui elle a noué des liens d’amitié. Elle parle notamment de sa rencontre avec le célèbre poète Tan Dà (1889-1939) dans une librairie de Hanoi, lorsqu’elle était fillette. Elle a discuté avec lui d’un poème traduit du chinois par Tan Dà, et lui a demandé la permission d’en corriger quelques vers ! Le poète lui a caressé la tête avec ces mots: «Tu es excellente ma petite !»
En effet, ses écrits ont été hautement appréciés par le milieu des lettres qui la considère comme un «témoin vivant de l’histoire de la littérature». «Minh My a prouvé ses facultés de critique littéraire. J’aimais bien avoir son avis avant l’impression de mes œuvres», avoue l’écrivain de renom Nguyên Ngoc Tu. Avant Insomnie, Minh My a publié deux recueils de poésie : Changement de saison et Se souvenir de l’automne.
Chose remarquable, notre nonagénaire dévore aussi les nouvelles œuvres littéraires, y compris celles à destination du jeune public. Elle a ainsi lu avec passion tous les tomes de Harry Potter et Le Code de Vinci, traduits en vietnamien. Sa bibliothèque est chargée de livres dont un grand nombre de romans en anglais et français. Insatiable, oui vraiment. -VNA