Cette «baladesonore» s’inscrit en fait dans un projet plus vaste, intitulé « locativeaudio », qui concerne des villes aussi différentes et éloignées lesunes des autres que Virginia aux États-Unis, Avignon en France, ouencore Oxford en Grande-Bretagne. Mais dans le cas présent, c’est biend’Hanoi qu’il s’agit de battre le pavé, en étant tout ouïe,naturellement !
Ca y est, vous y êtes ? Vous fermezles yeux et... écoutez ça !... On est dans une petite rue de Hanoi, iln’y a pas à s’y tromper ! Le parcours commence devant la cathédrale.Ensuite, on emprunte plusieurs rues anciennes - la rue du chanvre, larue des éventails, la rue des étoffes, la rue des peignes - pourfinalement aboutir aux abords du marché Dong Xuan. Pour le suivre, ceparcours d’un genre un peu particulier, il faut avoir un téléphoneportable suffisamment performant pour pouvoir y installer un logicielcartographique et y télécharger des fichiers sonores. C’est donc ensuivant un GPS que se fait la balade. Mais ce GPS a ceci de particulierqu’il produit en fait des sons, caractéristiques de chaque étape duparcours effectué, lequel peut tout à fait varier selon les envies dechacun. Mais ce qui est assez étonnant, c’est que l’on peut entendre dessons actuels mêlés à d’autres, qui semblent ressurgis du passé.
Thanh Mai, une étudiante, nous livre ses impressions. « Quand jepasse devant la cathédrale, il y a des sons de cloches , nous dit-elle. Quand je suis à proximité de la voie ferrée, je peux entendre dessifflements de train... Ca me permet d’imaginer un peu ce qu’étaitl’animation des rues de Hanoi, autrefois ».
Même son de cloche - l’expression tombe à point nommé - du côté de BuiHoang Yen. « Je trouve ça vraiment intéressant parce que de lacathédrale jusqu’au marché Dong Xuan, on entend des sons vraiment trèsvariés , nous explique-t-elle . Certains sons renvoient au passé,comme ceux de la filature qui était près de la rue Hang Non ».
Les auteurs du projet, à savoir le musicologuebritannique Joshua Kopecek, l’informaticien français Mathias Rossignolet toute une équipe de musiciens vietnamiens avec à sa tête Tri Minh,ont dû bien évidemment se livrer à de très longues heures de cogitation.Pour ce qui est, notamment, de reproduire certains sons qui n’existentplus que dans la mémoire des Hanoiens, ils ont eu recours à l’historienDuong Trung Quoc et au département des archives nationales. Les sonsqu’ils ont ainsi réussi à reconstituer font revivre tout un pan de lavie quotidienne de la capitale. « Cette « balade sonore dans Hanoi »nous restitue ce qu’était autrefois l’atmosphère de la ville, en toutcas sur le plan sonore , nous explique Tri Minh . Ce sont des sonsprécieux, parce qu’en voie de disparition ! »
Dansleur travail, Tri Minh et ses acolytes se sont souvent heurtés àl’incompréhension du public. Pourtant, leur projet comporte unevéritable dimension communautaire. « Il a fallu du temps pour que lepublic accepte un projet de cette nature , nous révèle Tri Minh . Làoù, bien évidemment, les choses ont été beaucoup plus faciles, c’estavec les élèves malvoyants de l’école Nguyen Dinh Chieu !... Pour eux,se repérer à l’ouïe, c’est une chose naturelle ! C’était bien, en toutcas, de les impliquer dans un tel projet... »
Effectivement, ces élèves malvoyants se sont immédiatement sentisconcernés par la démarche de Tri Minh, et ils ont réagi en conséquence.
Cette « balade sonore dans Hanoi » aura en tout cas euceci de bénéfique qu’elle a permis de faire ressurgir des mémoires toutun pan de la culture populaire de la capitale. Et à l’heure où celle-ciest bien souvent noyée dans les vrombissements de moteurs en tousgenres, voilà qui est pour le moins rafraîchissant ! - VNA