Huynh Van Lac, 111 ans, et son épouse Nguyên Thi Lanh, 107 ans, ont été reconnus l’année passée par le Livre des records du Vietnam «couple le plus âgé du pays». Ils vivent à Hô Chi Minh-Ville, aux côtés de leur descendance qui s’étale sur cinq générations.

« Mes parents s’aiment infiniment. Jamais ils ne se disputent. Aujourd’hui encore, ils éprouvent une affection ardente l’un pour l’autre», observe M me Huynh Thi Hoa, 71 ans, la seconde cadette du couple centenaire. Ce couple dirige une grande famille de près d’une centaine de membres : 4 enfants (2 fils et 2 filles), 12 petits-enfants, 43 arrière-petits-enfants, et récemment un bébé de la 5e génération, avec autant de gendres et brus bien sûr. 

La maison du couple doyen se situe au bout d’une ruelle asphaltée de 500 m le long de laquelle les maisons de ses descendants ont été bâties successivement. Il y avait là autrefois un vaste jardin de bétel appartenant aux parents de M me Lanh.

Le vieux couple ne manque de rien, tant sur le plan matériel qu’affectif, grâce à la dévotion de ses descendants. Même si cette année, leur santé semble se fragiliser - tous deux n’étant plus en mesure de marcher ni de voir clairement -, leur lucidité est bel et bien celle de leurs plus beaux jours. Chaque matin, comme ils le font depuis de très longues années, ils partent en promenade, même si maintenant, c’est en fauteuil roulant. La vénérable mémé aime «réciter» des poèmes et raconter des contes de fée à ses petits descendants. Et rien ne la rend plus heureuse que d’accueillir des visiteurs.

Un amour qui en a rendu jaloux plus d’un !

« Maman, papa, un journaliste vient vous voir !», annonce Hoa. Le visage ridé de Mme Lanh s’illumine, et elle fait d’emblée apporter une tasse de thé au visiteur. Portant un costume en soie de couleur rose, sa chevelure toute blanche tenue par un chignon, la vieille dame s’installe confortablement dans son fauteuil roulant. Avec ses traits fins et son teint vermeil, elle fait beaucoup plus jeune que son âge.
Avec un large sourire découvrant sa bouche édentée, la centenaire évoque sa rencontre avec son homme. « En ce temps-là, Lac avait 28 ans. Ce gars robuste savait tout faire : jardinage, travaux champêtres, pêche, composition de remèdes médicinaux traditionnels à distribuer aux voisins malades… Et il parlait un petit peu le français et le chinois. Il était orphelin et pauvre, mais sa polyvalence et son caractère, si doux, m’ont fait chavirer !».

Le mariage d’une belle fille de bonne famille avec un «campagnard» - qui n’était pas ce qu’on peut appeler «un tombeur» et pauvre qui plus est - a attisé la jalousie d’un bon nombre d’adolescents du village. Mais les deux jeunes époux n’en avaient cure, leur bonheur donnant naissance à quatre enfants en l’espace de seulement quatre ans. M. Lac ajoute : « En se mariant avec moi, Lanh a été confronté à d’énormes problèmes. La vie était difficile, elle a dû travailler durement, la journée au champ et la nuit sur sa machine à coudre. Mais, Dieu merci, nous avons traversé côte à côte toutes ces épreuves. Et nous sommes encore ensemble aujourd’hui !».

En se remémorant ces temps difficiles, M me Lanh est fière de dire que ses enfants fréquentaient tous les bancs de l’école, même pendant la guerre. « Parmi les quatre, ma fille Hoa était la plus studieuse. Elle a obtenu un diplôme universitaire de l’Ecole des fonctionnaires sociaux», révèle-t-elle. Selon ses voisins, cette grande famille « vit de manière très solidaire et est en bons termes avec tout le monde» . Les «bisaïeuls Lac et Lanh» ont toujours cherché à initier leurs descendants aux sentiments de charité et d’attachement. Ils se sont même portés volontaires pour offrir des parcelles de leur terre, afin de faire la route qui les relie au reste de la ville.

À deux doigts du trépas

Mais l’histoire de ce vieux couple ne s’arrête pas là. L’année 1998 a bien failli être pour eux la dernière, tous deux étant tombés grandement malades : M. Lac s’est fait diagnostiquer une tumeur cancéreuse aux lombes, et M me Lanh une au rectum. Hospitalisée après avoir sombré dans le coma, Mme Lanh s’apprêtait à subir une opération selon la prescription des médecins, qui ont cependant conseillé à la famille de préparer ses funérailles.

Mais, juste avant d’être amenée dans la salle d’opération, M me Lanh s’est réveillée. Ses premiers mots ont été : « Où suis-je ?». Apprenant alors qu’elle était à l’hôpital, prête à entrer au bloc opératoire, la dame de 93 ans a ordonné à ses enfants de la ramener à la maison. Sans espoir de guérison, la famille a finalement accepté son « dernier vœu pour qu’elle puisse pousser son dernier soupir chez elle».

Et là, miracle : la grande mémé a peu à peu surmonté la maladie, reprenant chaque jour des forces grâce à des remèdes orientaux traditionnels. Et de vivre en bonne forme jusqu’aujourd’hui. Quant au vénérable pépé, à la nouvelle de son épouse qui a vaincu la Mort, il semblait lui aussi reprendre du « poil de la bête». Il a lui aussi exigé de rentrer « pour pouvoir être aux côtés de sa bien aimée ». Comme dans un conte de fée, la maladie normalement mortelle du vieil amoureux s’en est allée définitivement.
La clé de leur longévité ? : « C’est tout simple : aliments cuits à l’eau - et non à l’huile -, légumes, fruits, poissons… Mais la chose la plus importante, c’est de vivre en paix et en harmonie entourés de l’affection de ses descendants », conclut joliment Hoa. 

Attestation : Dans le livret d’état civil du foyer de ce couple figurent ces inscriptions précises : Époux : Huynh Van Lac, né en 1901. Épouse : Nguyên Thi Lanh, née en 1905. Domicile : N°99/1A, groupe 1, rue Nguyên Van Qua, quartier de Dông Hung Thuân, 12e arrondissement, Hô Chi Minh-Ville. - AVI