Après plus de quatre ans decohabitation franco-japonaise pour le moins houleuse en Indochine, lesJaponais, craignant une invasion des Alliés sur le territoireindochinois, réalisent le 9 mars 1945 un coup de force, en éliminantl’administration et l’armée coloniales françaises de toute l’Indochine.
Au Vietnam, l’armée japonaise renversel’administration coloniale française et crée le gouvernement Trân TrongKim. En juillet, les Japonais cèdent la gestion administrative de Hanoi,Hai Phong et Dà Nang aux Vietnamiens. Le 20 juillet, le Docteur TrânVan Lai (1894-1975) est nommé maire de Hanoi, juste un mois avant laRévolution d’Août.
Trân Van Lai est issu d’unefamille fabriquant des incrustations de nacre de renom à Hanoi dans larue Hàng Khay (Ndlr : incrustations décoratives que l’on trouveessentiellement dans le mobilier de maison). " Mais lui décide de sedémarquer, et suit de brillantes études de médecine " , selon leprofesseur-Docteur Nguyên Lân Dung. Une fois son cursus terminé, cetintellectuel patriotique travaille en qualité de médecin à l’hôpital PhuDoan (actuellement l’hôpital Viêt-Duc) avant d’assumer ses fonctions àla mairie.
D’après les historiens et les chercheursde Hanoi, depuis la nomination de Hanoi en tant que ville (le 19juillet 1888), elle a toujours été administrée sous la gouvernance d’unmaire français. " Trân Van Lai est et restera comme le premier mairevietnamien de Hanoi " , a affirmé l’historien Duong Trung Quôc.
" Il savait pertinemment que les Japonais avaient créé ungouvernement fantoche et cédé des pouvoirs minimes aux mairesvietnamiens. Mais il a accepté ce poste afin de pouvoir faire quelquechose, aussi infime que ce soit, au profit des Hanoïens et de lacapitale ", a rappellé la Docteure en histoire Duong Lan, l’une desbelles-filles de Trân Van Lai.
Peu de temps après saprise de fonction à la mairie, le docteur patriotique prend unepremière décision osée : faire retirer un certain nombre de statuesconstruites et érigées par les Français dans la capitale.
Les ouvrages visés sont avant tout ceux marquant la cultureoccidentale et la domination colonialiste française, en particulier ceuxmontrant du dédain pour les Vietnamiens. La statue du gouverneurfrançais Paul Bert, installée au jardin Ly Thai Tô tout près de lamairie (où il est représenté une main sur la tête d’un maître d’écolevietnamien, agenouillé), ainsi que la statue de la Liberté au jardin deCua Nam (Porte Sud) sont les deux premières enlevées.
À ce moment-là, cette initiative parait pour le moins osée, dans lamesure où il faudra attendre encore plus d’un mois qu’un gouvernementappartenant aux Vietnamiens se forme, suite à la proclamation de laDéclaration de l’Indépendance par le Président Hô Chi Minh sur la placeBa Dinh, le 2 septembre 1945.
Les rues rebaptisées
Le nouveau maire prend une autre décision, non moins symbolique :rebaptiser un grand nombre de rues de la capitale. Toutes celles portantdes noms français sont désormais appelées par des noms de Hérosnationaux, de lettrés qui ont marqué l’histoire, la culture et lalittérature du Vietnam.
Le boulevard HenriD’Orléans devient ainsi la rue Phùng Hung ; l’avenue F. Ganier, la rueDinh Tiên Hoàng ; la rue Gambetta est rebaptisée Trân Hung Dao ; la ruede la soie devient la rue Hàng Dào ; la rue Paul Bert, Hàng Khay ; larue des Cantomas, Hàng Ngang, etc.
De nombreusesautres rues prennent les noms Nguyên Thai Hoc, Pho Duc Chinh, Yên Thê,Nguyên Công Tru, Hoàng Hoa Tham, Phan Dinh Phùng, Ngô Quyên, Ly ThuongKiêt, Trân Nhât Duât, Trân Binh Trong, Trân Quôc Toan, Yêt Kiêu, Lê QuyDôn, Nguyên Gia Thiêu, Nguyên Du, Nguyên Huy Tu, Ly Van Phuc, Trân TêXuong, Tan Dà, etc.
En fin connaisseur de laculture et de l’histoire vietnamienne, le nouveau maire procède à lanouvelle appellation des rues de manière logique. Les rues qui entourentle lac Hoàn Kiêm (lac de l’Épée restituée) et le centre-ville sontbaptisées des noms des rois des dynasties Dinh, Ly, Lê.
Autre exemple, le nom Trân Hung Dao (un général vietnamien de ladynastie des Trân qui, en 1288, a défait la flotte d’invasion desYuan-Mongols durant la bataille de Bach Dang) est attribué à une grandeavenue démarrant à proximité de l’Opéra de Hanoi, et les petites ruesannexes qui la croisent portent les noms de ses conseillers militaires.Outre les rues, Trân Van Lai a également rebaptisé plusieurs parcs etjardins qui l’avaient été par les Français.
Du 21juillet au 19 août 1945, durée de son mandat d’un mois à peine, ce mairevietnamien aura réalisé des travaux colossaux. En plus de ces deux "hauts faits d’armes " , il a organisé régulièrement des rencontresdirectes avec la population et la presse.
"J’arrangeais les horaires d’une semaine sur l’autre de sorte de pouvoiraccueillir les délégués des différentes couches de la population etrecueillir leurs avis. Tous les vendredis matin, je rencontrais lapresse", déclarait le maire Trân Van Lai lors d’une interviewaccordée au journal Tin Moi (Nouvelles), publiée en 1945 dans lenuméro 7.
En février 2012, le Comité populaire deHanoi a rendu publique la liste des 29 nouvelles rues de Hanoi, dontl’une baptisée Trân Van Lai, dans le district de Tu Liêm. Longue de 830m, elle croise la rue Pham Hùng et relie cette dernière à la ported’entrée de la nouvelle cité résidentielle My Dinh-Mê Tri. – VNA
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