Phan Thanh Liêm, le soliste des marionnettes sur l’eau
Phan Thanh Liêm est la 7e génération de sa famille à pratiquer l’art
des marionnettes sur l’eau. Ses ancêtres vivaient au village de Rach,
dans la province de Nam Dinh (Nord). Ils fabriquaient des statues
dédiées à la religion et faisaient partie des troupes locales de
marionnettes sur l’eau.
Baigné depuis sa plus tendre
enfance dans cette ambiance artistique, c’est tout naturellement que
Thanh Liêm a décidé de reprendre le flambeau. Si son grand-père était un
artisan expérimenté dans la fabrication de marionnettes, Thanh Liêm est
largement influencé par son père, le renommé Phan Van Ngai, aujourd’hui
décédé, et qui a consacré sa vie à la promotion de cet art. «Mon père
est le premier à avoir présenté les marionnettes sur l’eau à l’étranger.
En 1980, il a donné des spectacles en Pologne. En 1984, il s’est
produit en France», raconte fièrement Thanh Liêm. Et de souligner :
«C’est lui qui a mis au point le modèle de petite scène aquatique
appelée +Thủy đình+ pour les spectacles, qui est largement utilisée
aujourd’hui par les troupes». Il y a plusieurs dizaines d’années, son
père a également monté la première troupe privée du pays.
De génération en génération
La maison de Thanh Liêm abrite une pièce dédiée à la présentation des
marionnettes. C’est un véritable petit musée «avec plus d'un millier
d'objets transmis de génération en génération», souligne-t-il. Les
personnages hauts en couleurs des marionnettes sur l’eau dont le bouffon
Têu, les paysans, les pêcheurs, etc., illustrent le monde vivant de la
campagne. Des références puisées dans la culture pastorale du Vietnam et
qui suscitent un fort intérêt de la part des visiteurs. «C’est une
collection très impressionnante. Les marionnettes sont très bien
organisées, très colorées. Quand je les fais bouger avec les fils, on a
l’impression qu’elles sont vivantes !», confie, tout sourire, Blandine
Lepage, une jeune française en stage de journalisme à Hanoi. Les
marionnettes sont le fruit de la sculpture populaire. Elles ont à la
fois une allure joyeuse, drôle et symbolique. En mille ans, leur
apparence et les numéros n’ont pas changé d’un iota. Ces marionnettes
sont pour l’artiste des objets précieux, en raison des valeurs morales
qu’elles incarnent. «Cette collection m’a été léguée par mon grand-père
et mon père. Avant sa mort, mon père m’a donné un grand nombre de
marionnettes. Cette collection comprend aussi mes créations»,
précise-t-il.
Un travail d’orfèvre
Soucieux de préserver la tradition familiale, Phan Thanh Liêm façonne
aussi lui-même des marionnettes. Un travail minutieux et fastidieux. Les
marionnettes sont fabriquées à partir de bois de pin, une essence
légère qui, par définition, a une excellente flottaison. Après un
premier façonnage, les objets sont placés à sécher au soleil plusieurs
mois. Ce n’est qu’ensuite que les artisans procèdent à l’affinage. Une
fois cette étape terminée, les marionnettes sont peintes à l’aide de
plusieurs couches de laque, l’optique étant d’obtenir une surface lisse,
brillante et hydrophobe. Enfin, il ne reste plus qu’à articuler les
différentes parties du corps pour leur donner vie.
Un
fabricant chevronné se doit d’avoir le professionnalisme d’un artisan,
le regard d’un artiste et le savoir-faire d’un technicien pour faire
flotter les marionnettes de telle sorte de leur insuffler une âme. «La
fabrication prend beaucoup de temps. L’étape la plus difficile et qui
est cruciale, c’est le façonnage. Vient ensuite la peinture», explique
Thanh Liêm.
Quid de l’avenir des marionnettes ?
Dans ce «complexe» réservé aux marionnettes sur l’eau, la scène
aquatique Thủy đình, inaugurée il y a trois ans, tient une place
centrale. Phan Thanh Liêm est surnommé «le soliste» parce qu’il réalise
et anime à lui seul tous les numéros d’un spectacle, qui dure une
trentaine de minutes. Une expérimentation audacieuse dans la mesure où,
historiquement, les marionnettes sur l’eau sont d’abord un art
collectif. La dimension de sa scène aquatique a été réduite. Cela
facilite ainsi son transport lorsque l’artiste se produit loin de chez
lui, au Vietnam ou à l’étranger. Sur cette mini-scène, il joue
littéralement avec ses marionnettes. Les numéros du bouffon Têu, de
danses du dragon, de la licorne, etc., sont des classiques qui font
l’identité de cet art populaire depuis sa création. «Pour exercer ce
métier, il faut d’abord être un passionné. Tout devient ainsi plus
facile». Les artistes doivent également être en bonne condition
physique, car manipuler les marionnettes est assez difficile. Il arrive
souvent que chaque main doive en diriger une.
La
mini-scène aquatique de Phan Thanh Liêm est une véritable trouvaille. En
témoignent les applaudissements nourris à la fin de chaque
représentation. L'artiste est toujours prêt à donner un coup de main à
ceux qui veulent manipuler ses précieux pantins. «Il est très difficile
de réaliser les numéros parce qu’on doit travailler avec les bras. Mais
c’est aussi très amusant ! Il y a plusieurs animaux, plusieurs
techniques. Cela demande de la force», remarque Blandine Lepage.
Phan Thanh Liêm est néanmoins inquiet sur la vitalité de cet art. Les
jeunes notamment, même en tant que simples spectateurs, s’en détournent
de plus en plus. Heureusement, il reste les touristes, qui affluent
toujours plus nombreux dans le pays et permettent aux marionnettes sur
l’eau de rester à flot. -CVN/VNA