Trân Dang Khoa est considéré comme un génie précoce de lapoésie vietnamienne. A l’âge de 9 ans, il a publié "Un coin de cour etle ciel", un recueil dont beaucoup de poèmes ont été retenus par coeur,aussi bien par des enfants que par des vieillards.
Plus tard, il a écrit"L’île immergée", une oeuvre qui dépeint la vie des combattantsassurant la défense de l’archipel de Truong Sa (Spratley) et qui estvite devenue le livre de chevet de plusieurs générations. Trân Dang Khoatravaille actuellement à la Voix du Vietnam.
Il écrit pour plusieursrubriques ce qui lui permet de coucher ses pensées et ses réflexions surl’actualité du pays. VOVworld.vn a l’honneur de vous présenter quelquespages du blog de la rédaction de VOVonline.
Tran Dang Khoa : On pense à l’Oncle Hô à chaque retour du printemps
Desfois, dans une vie de fonctionnaire, nous procédons à une besogne sommetoute assez banale : la déclaration de nos biens, ce qui nous donnel’occasion de nous lamenter sur notre propre sort. Pourquoi la richessenous échappe-t-elle encore et toujours ? Et puis, nous nous rassuronsvite. Il suffit de songer aux autres pour comprendre qu’il y a toujoursplus pauvre que nous.
Même un paysan qui a les mains et les piedstoujours barbouillés de boue et qui se trouve en bas de l’échellesociale possède toujours un jardin potager, une mare, ou au moins unporc, de la volaille… Il a toujours quelque chose. Il n’y a qu’un seulhomme qui n’ait jamais rien possédé. Cet homme, c’est l’Oncle Hô, leprésident Ho Chi Minh.
L’inventaire de ses biens matérielsest bien vite expédié : une veste kaki, une paire de sandales encaoutchouc, un éventail en feuille de palmier… Et pour ce qui est desmédailles ou des décorations, l’Oncle n’en possédait aucune, même pas unsatisfecit. Sa vie privée aussi, n’est qu’ascèse. Vu Ky, son secrétairepersonnel, raconte qu’une nuit, alors que les lumières étaient déjàéteintes, on entendait toujours la radio dans la chambre de l’Oncle.Croyant qu’il dormait déjà, Vu Ky s’est approché à pas de loup pouréteindre la radio. Et l’Oncle de lui dire : "N’éteignez pas... Laissezcomme ça pour qu’on entende des voix d’hommes ou de femmes dans machambre."
Quel bonheur, et quel honneur, pour la Voix duVietnam d’avoir ainsi été le compagnon de l’Oncle dans ses moments desolitude !
Il était donc l’un des hommes les plus pauvresde son pays, ce qui ne l’a pas empêché de nous laisser un héritagecolossal. Il nous a donné l’indépendance, nous a légué une oeuvrerévolutionnaire rayonnante et continue de nous inspirer par son mode vienoble et pur.
Toute sa vie durant, l’Oncle s’estpréoccupé des pauvres et des travailleurs. N’a-t-il pas d’ailleurs nomméle Parti "Parti des travailleurs du Vietnam" ? Il consacraitl’essentiel de ses revenus à offrir des cadeaux aux plus pauvres. Achaque nouvel an lunaire, c’est dans les foyers les plus démunis qu’ilse rendait pour présenter ses voeux.
Ses visites étaientsouvent gardées secrètes. Les autorités locales n’étaient pas prévenues,histoire qu’il n’y ait ni accueil pompeux, ni médiatisation. La plupartdu temps, l’Oncle Ho n’était accompagné que par le fidèle Vu Ky quinous rapporte cette anecdote qui suit.
Une travailleusequi vivait dans une petite ruelle devait travailler péniblement pourtransporter de l’eau pour le compte d’autrui, y compris au moment duTêt. Chez elle, l’autel des ancêtres restait vide, il n’y avait même pasde banane ou de gâteau de riz gluant.
On imagine dès lorsquelle a été sa stupeur lorsqu’elle a vu apparaître l’Oncle Ho dans samasure misérable. "Jamais je n’aurais pensé que vous me rendriezvisite", lui a-t-elle dit. "Et si ce n’est à toi, à qui rendrai-jevisite?", lui a-t-il répondu. Et les deux d’éclater en sanglots,submergés par l’émotion. D’après Vu Ky, c’était l’un des derniers Têt del’oncle Ho.
Le peuple était pauvre, et l’Oncle Ho vivaitdans l’austérité. Ses repas étaient ceux d’un paysan pauvre, de même queses vêtements, y compris lorsqu’il recevait des hôtes internationaux.Un cadre s’en était d’ailleurs ému : "Mon Oncle, vous représentez leParti et le peuple. A vous voir dans une mise aussi modeste, nos hôtesvont penser que nous ne prenons pas soin de vous…"
Etl’Oncle de sourire calmement : "Je vis comme ça et en bas vous vouslivrez encore à des extorsions contre le peuple. Et si je vis dans leluxe, vous allez tout ravir au peuple ?"
Lemode de vie de l’Oncle Ho est exemplaire à plus d’un titre, notammentpour les cadres. Même en période de guerre, alors que le pays était enpleine tourmente, le peuple est resté calme et serein. Dans les rues, onne craignait pas le pillage. Il n’y avait ni corruption, niprostitution. L’atmosphère était des plus saines, comme par sabienveillance, l’Oncle avait étendu son voile protecteur sur le paystout entier.
Jusqu’au bout, l’Oncle Ho se sera dévoué aupeuple. Dans son testament, sa vie privée n’est que peu évoquée. Et pource qui est de ses funérailles, il les voulait modestes, "pour ne pasgaspiller l’argent et le temps du peuple", a-t-il écrit.
Nousnous efforçons d’étudier et de suivre l’exemple moral et la pensée deHo Chi Minh. Mais quelle est la pensée de Ho Chi Minh ? J’ai aussi suivides cours. Il existe pas mal de définitions, pas mal aussi deconceptions imposées et subjectives. Pour ce qui est de la pensée de HoChi Minh, peu de personnes ont su disserter de manière aussiintéressante et précise que l’ex-secrétaire général du Parti Dô Muoi. Ill’a fait au siège de l’association des écrivains pendant quatre heuresde suite.
Parlant de la pensée de Ho chi Minh, Dô Muoi aproposé une définition brève mais assez précise : "Qu’est que c’est quela pensée de Ho chi Minh ? C’est la vietnamisation de toutes les penséesles plus avant-gardistes et les plus intéressantes de l’humanité !".
Autre point sur lequel il y a beaucoup d’enseignement à tirer de l’Oncle : l’art de comprendre et d’utiliser les hommes.
En1941, l’Oncle a peint une image avec un clairon, le chiffre 1945 et cevers, prophétique: "Le Vietnam independent fera résonner le clairon".C’est exactement ce qui s’est passé par la suite. Dès 1941, l’Oncle,visionnaire, avait su prédire le jour de l’indépendance, comme il l’afait ensuite pour la libération de Saigon. Le soir du 30 avril 1960,dans son discours en l’honneur de la Journée internationale du Travaillu à l’Opéra de Hanoi, il existe une ligne qui a été barrée, mais quel’on peut encore lire au musée Ho Chi Minh : "… Au plus tard dans 15ans, notre pays sera réunifié, nos compatriotes du Nord et du Sud serontréunis sous le même toit…"
" Dans 15 ans …" à compter de1960, cela nous mène à 1975, très précisement. Beaucoup de gensaccordent des vertus quasi-prophétiques à l’Oncle Ho qui a excellé dansl’art de mener les hommes. En 1946, ayant de quitter le pays, il aconfié le gouvernement du pays à Huynh Thuc Khang en lui recommandant des’en tenir aux principes immuables et de rester souple pour faire faceaux évènements. Pour un lettré érudit comme Huynh, cette recommandationétait suffisante.
On peut d’ailleurs s’étonner de voir qu’àl’une des périodes les plus critiques de l’histoire du pays, l’Oncleait choisi de confier le pouvoir à une personnalité qui n’était pasmembre du Parti, en l’occurrence Huynh Thuc Khang. Pour surprenantequ’elle ait été, cette décision n’en était pas moins audacieuse et entout cas nécessaire à un moment où il fallait garantir la cohésion de lanation en réunissant aussi largement que possible. Beaucoup depersonnes, ainsi appelées à servir, ont su faire preuve d’abnégation.L’Oncle utilisait les hommes avec beaucoup de tact. Les cadres qu’il achoisis, auxquels il a confiés des tâches sont tous devenus tous desfigures brillantes de l’histoire du pays.
Je songe enparticulier au général Vo Nguyên Giap. Quelle force d’intuition a-t-ilfallu à l’Oncle Ho pour décéler le génie stratégique chez ce professeurd’histoire qui n’était pas passé par aucune académie militaire ! L’Onclelui a confié l’armée, puis l’a promu directement général, en luilaissant le pouvoir de décider pour tout ce qui relevait des questionsmilitaires : "Vous êtes général au front, à vous de décider ce qui voussemblera nécessaire et de me le rapporter après".
La suitea montré à quel point ce choix avait été judicieux. Vo Nguyên Giap a sufaire preuve d’un véritable génie militaire, devenant ainsi le lointainmais ô combien digne successeur de Tran Hung Dao, Ly Thuong Kiêt ouQuang Trung.
Selon la journaliste américaine Lady Borton,une fois, certains de ses collègues français avaient interrogé l’Oncle àce sujet précis : "Monsieur le Président, vous avez promu directementgénéral M. Giap, suivant quelle norme ?" Et l’Oncle de répondre : "Notrepays est celui des guérilleros. Nous combattons l’agresseur par laguérilla, alors la promotion des généraux se fait aussi suivant le modede la guérilla. Le général Giap a vaincu des généraux françaisprestigieux, il mérite pleinement son titre !". La réponse, celle duberger à la bergère, a déclenché un accès d’hilarité générale, dit-on !
Ainsi est notre Oncle ! Capable mieux que tout autre deramener les choses à leur vraie dimension, comme seuls les sages peuventle faire. -VNA/VOV