Hanoï (VNA) - Le Vietnam œuvre sans relâche depuis sept ans pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission européenne (CE) sur la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). Lors de ses visites sur place au Vietnam suite à l'émission de l'avertissement sous forme de « carton jaune » en 2017, la délégation de la CE a reconnu les avancées du Vietnam dans la lutte contre la pêche INN.
La prochaine inspection de la CE prévue pour octobre 2024 devrait offrir une nouvelle occasion au Vietnam de démontrer son engagement politique fort du niveau central au niveau local, et ses mesures strictes contre la pêche INN, selon les experts.
James Borton, chercheur principal non résident à l’Institut de politique étrangère SAIS de l'Université Johns Hopkins, a déclaré à l'Agence vietnamienne d’Information que les autorités vietnamiennes ont démontré leur empressement et leur volonté de renforcer le cadre juridique et d'améliorer la traçabilité et la transparence du commerce des produits halieutiques. « Ces engagements soulignent l’importance d’un engagement collaboratif pour relever les défis de la pêche INN », a-t-il déclaré.
James Borton a estimé que la pêche INN continue d’être un problème pour l’industrie de la pêche vietnamienne, qui est une des pierres angulaires de l’économie du pays. « En conséquence, le Vietnam a pris des mesures urgentes pour progresser vers une meilleure gestion marine, et ceci est d'autant plus urgent que la Mer Orientale – l’une des zones de pêche les plus riches au monde – souffre d'un épuisement des stocks de poissons. »
Le Vietnam étant l’un des principaux exportateurs de produits aquatiques au monde, les autorités savent qu’elles doivent renforcer le cadre juridique et améliorer la traçabilité et la transparence, a ajouté James Borton.
Il a noté que le Vietnam a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre la pêche INN, notamment l’installation de systèmes de surveillance satellitaires à bord des navires, la coopération avec d’autres pays d’Asie du Sud-Est et des organisations transnationales, et la participation à l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons et aux mesures portuaires.
Il reste certainement un besoin important d’amélioration, notamment dans l’application des réglementations et la mise à jour régulière de la base de données des navires de pêche agréés, a-t-il ajouté.
Selon Stephen Nagy, directeur des études politiques du Conseil des études Asie-Pacifique de Yokosuka (YCAPS), l’un des principaux défis de la lutte contre la pêche INN est que les États en développement ne disposent ni de la technologie ni des capacités nécessaires pour lutter contre les violations. « Cela signifie que le nombre de navires nécessaires pour surveiller et faire respecter les lois locales et internationales est limité. »
« Nous constatons que les navires qui se livrent à ces activités éteignent leurs systèmes de surveillance des navires (VMS), c’est pourquoi nous les appelons « navires fantômes ». Ils se livrent à une pêche illégale, non réglementée et non documentée. Tant que cela continuera d’être le cas, il sera difficile de préserver les ressources maritimes pour les générations futures », a déclaré Stephen Nagy.
Il sera donc important d’avoir accès à des technologies permettant d’identifier les navires fantômes ou ceux qui se livrent à des activités INN. « Cela signifie que des pays comme le Vietnam doivent chercher des technologies et une assistance supplémentaire au-delà de leurs partenaires régionaux. Par exemple, le Canada a travaillé activement avec les Philippines en matière de technologie, qui permet aux Philippins de détecter les navires engagés dans la pêche INN, ce qui a contribué à lever le carton jaune de la CE », a ajouté Stephen Nagy.
Jean-Jacques Bouflet, vice-président de l’EuroCham en charge des politiques, a déclaré que le Vietnam avait réalisé des progrès significatifs ces derniers temps en termes de renforcement du cadre juridique et d’augmentation des tentatives pour parvenir à une meilleure application. Cependant, le problème du « carton jaune » demeure en partie dû au manque de ressources et de personnel chargé d’appliquer la loi. Le principal problème réside dans le dispositif de surveillance des navires (VMS), qui nécessite des mesures pour garantir qu'il soit utilisé de manière efficace et cohérente.
Partageant le même point de vue, Stephen Nagy a souligné que de nombreux pays, dont le Vietnam et d’autres pays d’Asie du Sud-Est, sont confrontés à des défis en raison du manque de ressources, de connaissance du domaine maritime et de la capacité à faire respecter le droit local et international.
Par conséquent, il est nécessaire de sensibiliser davantage les pêcheurs et les acheteurs de produits halieutiques , ont déclaré les experts.
Rhea Moss-Christian, directrice exécutive de la Commission des pêches du Pacifique occidental et central (WCPFC), a déclaré que la pêche INN sape le fondement même de la gestion durable des pêches, menaçant les écosystèmes marins ainsi que les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des communautés, en particulier dans les petits États insulaires en développement et les territoires participants de l'océan Pacifique occidental.
Dans le contexte de la WCPFC, le Vietnam coopère et contribue à soutenir la gestion durable des stocks de poissons grands migrateurs dans le cadre de la Convention WCPFC, par le biais d’activités de coopération nationales et sous-régionales dans les mers du Pacifique occidental et de l’Asie de l’Est.
Depuis 2009, le Vietnam est l’un des trois pays participants au projet de surveillance améliorée du thon dans le Pacifique occidental et l’Asie de l’Est (WPEA-ITM) de la WCPFC, qui a directement contribué à améliorer la collecte de données sur les pêches et comble d’importantes lacunes de données dans les évaluations des stocks de thons tropicaux.
Elle a ensuite déclaré que la WCPFC avait assisté à un atelier régional sur l’opérationnalisation des mécanismes de coopération pour lutter contre la pêche INN organisé par le Vietnam dans la ville côtière centrale de Da Nang fin avril. L’événement a vu la participation d’experts internationaux et régionaux en matière d’application de la législation sur la pêche de 12 pays, à savoir l’Australie, le Canada, l’Indonésie, le Japon, la République de Corée, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Vietnam.
Au cours de cet atelier, le Vietnam a informé la réunion des mesures nationales, notamment des activités de l’État du port, qui soutiennent les efforts de lutte contre la pêche INN dans les mers du Pacifique occidental et de l’Asie de l’Est.
La lutte contre la pêche INN nécessite l’adhésion de toutes les parties prenantes
Rhea Moss-Christian a souligné les facteurs clés qui aident les pays à lutter efficacement contre la pêche INN et à assurer la protection et l’utilisation durable des ressources marines pour les générations futures. Il s’agit notamment de la coordination et du partage des données à l’échelle de l’ensemble du gouvernement, de la collaboration entre le personnel des garde-côtes nationaux, les inspecteurs portuaires et les organisations régionales de gestion des pêches, et de la coopération avec les pays voisins pour le partage des meilleures pratiques sur les approches de lutte contre la pêche INN et l’échange d’informations sur les menaces maritimes.
Forte de son expérience dans la mise en œuvre d’activités visant à améliorer la surveillance, la traçabilité et la durabilité, EuroCham est disposée à collaborer et à s’engager davantage avec les parties concernées telles que l’Association vietnamienne des exportateurs et producteurs de fruits de mer (VASEP) pour garantir que « les membres de la VASEP, lorsqu’ils achètent des produits de la pêche au Vietnam pour les réexporter vers l’Europe, vérifient eux-mêmes le respect de la législation », selon Jean-Jacques Bouflet.
Le prochain Forum et exposition sur l’économie verte (GEFE) organisé par EuroCham en octobre 2024 à Ho Chi Minh-Ville devrait également accueillir des partenaires vietnamiens pour s’engager dans des échanges sur la durabilité du secteur de la pêche.
Par ailleurs, Borton a suggéré que le Vietnam pourrait reprendre le leadership au sein de l’ASEAN en ralliant le soutien des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), en accueillant ou en encourageant d’autres pays voisins à organiser des ateliers sur les meilleures pratiques en matière de gouvernance de la pêche. « Après tout, tous les pays d’Asie du Sud-Est dépendent de la pêche maritime comme principale source de revenus, d’emploi et de sécurité alimentaire », a-t-il déclaré.
Il a ajouté que le secteur de la pêche est la plus haute priorité pour l’intégration économique de l’ASEAN. Il est temps de renouveler l'orientation du développement et de s’appuyer sur les progrès, jusqu’à présent limités, du Plan d’action stratégique pour la coopération de l’ASEAN dans le domaine de la pêche 2021-2025, selon James Borton.
« Un mandat anti-pêche INN nécessite l’adhésion de tous les pêcheurs, qu’ils soient artisanaux ou industriels, des communautés côtières et de tous les citoyens en général », a déclaré James Borton. - VNA