La fête printanièrelông tông des Tày dans la province montagneuse de Tuyên Quang se célèbrecette année dans une atmosphère d’allégresse. Leur rite "hát then"vient, en effet, d’être reconnu patrimoine culturel immatériel national.
Dans le district de Chiêm Hoa, province de TuyênQuang et berceau du "hát then", la fête printanière a fêté en févrierdernier la nomination de ce rite au rang de patrimoine national. Le "hátthen" se compose de chants folkloriques originaires de l’ethnie Tày,une minorité peuplant des provinces montagneuses du Nord, comme TuyênQuang, Cao Bang, Lào Cai, Thai Nguyên… Leur rite est un art polychromequi combine la littérature, la peinture, la danse et la musique.
Le mot "then", en dialecte Tày, Nung et Thai, signifie "le Ciel". Ducoup, le chant then passe pour être un chant divin que les géniesauraient appris au commun des mortels. La tradition des Tày veut qu’ilne se pratique que lors de grands événements ou lors de rites solennelspour s’attirer la paix, une bonne récolte ou pour invoquer les esprits.
Deux catégories de "then"
Àl’inverse d’autres vieilles coutumes des ethnies des régionsmontagnardes, le rite "hát then" est toujours aussi vivace aujourd’hui.Il semblerait qu’il ait même tendance à rajeunir ! De nouveaux airs sontcrées au fil du temps pour enrichir le répertoire des festivités etréjouissances communautaires. «Né il y a des siècles, cet héritage seperpétue avec le temps. Il fait la fierté des Tày, et fait aujourd’huiencore partie intégrale de leur vie culturelle et spirituelle», affirmeNguyên Viêt Thanh, directeur du Service de la culture, des sports et dutourisme de Tuyên Quang.
Dans la province de TuyênQuang, les districts de Chiêm Hoa, Na Hang et Lâm Binh sont les troiscontrées où le rite est le plus suivi. «Il existe chez nous deuxcourants : le then cô (antique) et le then moi (nouveau). Si les chantsantiques sont exclusivement interprétés par des maîtres then (sorciers)lors des cérémonies rituelles, les nouveaux sont accessibles à tous»,explique l’artiste amateur Nguyên Manh Thâm, originaire de Na Hang.Selon lui, les chants de then moi ont été créés pour exalter les beautésdu pays ou louer les bons exemples de la communauté multiethnique. Onles chante partout, en groupe ou en solo, lors des fêtes ou desretrouvailles. Sans oublier des airs destinés aux amoureux.
Les chants "then" sont accompagnés du "dàn tinh", une sorte de luth àdeux cordes, à caisse ronde et au long manche, joué par le chanteur. Lacaisse est une calebasse séchée et les cordes sont à l’origine des filsde vers à soie, tressés et couverts d’une couche de cire d’abeille.Outre le "dàn tinh", la chanteuse de "then" utilise souvent un éventail,rendant encore plus gracieuse la danse exécutée. Mme Lâm Thi Chay, 80ans, originaire de Chiêm Hoa, explique : «Selon la tradition, le hátthen est scindé en deux catégories, celle au "dàn tinh" et celle àl’éventail. Cette dernière est née avant le "then" au "tinh", réservéexclusivement aux sorciers. De nos jours, les deux sont pratiquéslibrement, selon l’envie des chanteurs/chanteuses».
Si elle se réjouie que le "hát then"soit désormais un patrimoineculturel immatériel du pays, la chanteuse octogénaire est soucieuse del’évolution des airs antiques sur le long terme. «Le nombre deconnaisseurs en then antique se réduit au fil du temps. Ils sont tousmaintenant à un âge avancé, et la jeune génération préfère le thennouveau», s’inquiète-t-elle.
Gardien des airs antiques
Le souci de Lâm Thi Chay semble être partagé par d’autres chanteurschevronnés, qui veulent perpétuer l’exception culturelle de leur ethnie.C’est le cas de Luu Xuân Lai, originaire de Thai Nguyên. Ce chanteursexagénaire est fier d’avoir 50 ans d’expérience dans l’art du then. «Ilsemble que j’ai cette musique dans les veines. Très jeune, j’étais déjàensorcelé par ces airs interprétés par les sorciers. Je les ai viteappris par cœur, pour pouvoir me produire moi-même», se souvient-il.
Avec le temps, sa passion pour le then n’a fait quecroitre, car il a pris conscience de l’originalité et de la valeur decet art vocal. Il décide alors de s’investir pour la préservation etvalorisation de cet héritage. À partir de 2006, il se produit dansplusieurs provinces, avec un groupe de chanteurs. «Chaque voyage estpour nous un échange culturel où l’on découvert les coutumes locales.C’est aussi l’occasion pour moi de recueillir de nouveaux airsantiques», confie-t-il. Sa collection de then antique compte desdizaines d’airs en langue Tày, dont plusieurs étaient sur le point detomber dans l’oubli. Luu Xuân Lai a par ailleurs cherché à les traduireen langue vietnamienne. «Cela aiderait les jeunes, il serait plus facilepour eux de comprendre et de mémoriser les chants antiques».
À son initiative, des cours de hat then sont organisés gratuitementdans son village et au-delà. «J’ai envie de transmettre aux jeunes mapassion et mes connaissances», affirme-t-il. Pour la plus grande joie du«Maître then», les jeunes chanteurs sont nombreux à assister aux cours.Luu Xuân Lai ne s’en tient pas là. Il s’est fait également fabricant de"dàn tinh". Depuis dix ans, il confectionne chaque année environ 300tinh, à destination des troupes artistiques locales, provinciales etnationales.
De multiples médailles d’or et d’argentdécorent les murs de sa maison. «C’est des récompenses reçues lors defestivals de hát then organisés ici et là dans des provinces du Nord»,s’enorgueillit le vieux chanteur. Désormais, il est le vice-président duClub des amateurs de then de la province de Thai Nguyên.
Candidat au patrimoine culturel mondial de l’UNESCO
Un dossier sur le «Rite du hát then » de l’ethnie Tày est enconstitution pour être soumis à l’UNESCO, dans l’espoir que cetteorganisation onusienne reconnaisse cet art vocal patrimoine culturelimmatériel de l’Humanité. Dans cette optique, la province de Tuyên Quangmet aujourd’hui tout en œuvre pour préserver et valoriser au mieux cepatrimoine national. – VNA