Le giò Uoc Lê, le pâté de viande pilé qui épate
Uoc Lê est un village rural de la commune de Tân Uoc, district de Thanh
Oai. Ce nom est tellement connu à Hanoi que nombre de citadins curieux
viennent découvrir sur place ce métier transmis de père en fils. Après
avoir franchi le magnifique portique d’entrée en brique à la double
toiture de tuiles, frappée au sommet de trois lettres chinoises
signifiant «Village de Uoc Lê», et sur les côtés de deux sentences
parallèles, en chinois également, les visiteurs sont un peu surpris par
l’atmosphère endormie qui règne dans ce patelin. Pas de va-et-vient
dans la rue ni de scènes de production animées ou d’enseignes « giò Uoc
Lê » accrochées sur tous les murs... « Tous les artisans sont partis
s’établir ailleurs, dans les grandes villes, explique un villageois.
C’est triste de ne plus entendre les coups de pilon broyant la viande
qui résonnaient autrefois jour et nuit » .
Secrets professionnels
À Hanoi, les ateliers - boutiques de giò Uoc Lê se trouvent un peu
partout. On y note en particulier ceux de Hoan Hiêu, Huong Son, Duc
Binh, Hoang Dinh…dont les produits abondent dans les marchés et les
supermarchés. Ouvert il y a 25 ans au 9 rue Tây Son, arrondissement de
Dông Da, l’établissement de Hoan Hiêu a réussi à se bâtir une certaine
notoriété. Ses propriétaires, Lê Thi Hoan et Lê Van Hiêu, sont
originaires de Uoc Lê. Après son mariage, animé par la volonté de
poursuivre le métier ancestral, le jeune couple a fait ses valises pour
Hanoi afin d’y ouvrir un atelier de giò Uoc Lê . « Nos débuts ont été
très difficiles. Nous devions à la fois fabriquer du giò et chercher
des clients », se souvient Lê Thi Hoan. Mais avec le temps, tout s’est
arrangé. L’atelier s’est agrandi et une clientèle fidèle s’est
constituée.
Hoan Hiêu compte à présent 12 artisans,
à qui sont confié les maillons secondaires du processus de production.
« Moi et mon mari assumons les maillons principaux, pour une qualité
maximale du produit », insiste Lê Thi Hoan. Selon elle, la saveur
exquise du giò Uoc Lê dépend en premier lieu de la qualité de la viande
de porc et du nuoc mam (saumure de poisson). « La préparation de la
viande, son pilage manuel dans un mortier en pierre, l’assaisonnement,
l’emballage avec une feuille de bananier, la cuisson… tout ça c’est un
art. Et aussi un secret professionnel que l’on garde jalousement »,
explique-t-elle.
Une «loi non écrite» strictement observée
Lê Thi Hoan est fière de l’enseigne «Hoan Hiêu - Giò Uoc Lê» qui orne
l’entrée de son atelier. « Ce n’est pas permis à tout le monde de noter
ces deux mots, Uoc Lê ». Pour avoir le droit, le producteur doit avant
tout être originaire du village, la garantie de posséder la fameuse «
recette confidentielle » transmise de bouche à oreille. « Il s’agit
d’une loi verbale certes, mais que les villageois de Uoc Lê observent
depuis toujours. Celui qui oserait apposer le label Uoc Lê sans être du
village s’exposerait à bien des désagréments », assure Lê Thi Hoan.
Fidèle à ce principe, les producteurs du giò Uoc Lê ont réussi à
protéger et faire perdurer leur artisanat, et à défendre le label loin
de sa terre natale. Même s’ils ne vivent plus dans leur village, ils ne
manquent jamais d’y revenir pour la fête du Génie protecteur du métier,
organisée deux fois par an, le 15 e jour du 1 er mois lunaire et le 12
e du 8 e mois lunaire.
C’est sûrement grâce à cette
fierté des habitants de Uoc Lê et à leur volonté de perpétuer le métier
ancestral que la saveur et l’arôme exquis du giò Uoc Lê continuent de
se répandre au loin. - AVI