Au pied du banian séculaire à proximité du Temple Ngoc Son, dans la rue Dinh Tien Hoang au centre de Hanoi, un graveur sur stylo travaille depuis une cinquantaine d'années, un métier presque disparu. Pour lui, perpétuer ce métier est une manière de témoigner l'amour qu'il porte à la capitale.

Chaque jour, au bord du lac de l’Épée restituée (lac Hoàn Kiêm), ce vieil homme âgé de 78 ans attend les clients en face du temple Ngoc Son. Lê Van Quy est un homme au sourire édenté et au regard jovial, originaire de la province de Hung Yên (Nord).

Il pratique le métier de graveur depuis plus de 50 ans, et continue bien que les clients se fassent de plus en plus rares. L’outil qu’il utilise est de sa fabrication. Il s'agit d'un manche enroulé de latex, avec une pointe en métal effilée. Il a commencé à 20 ans, après avoir abandonné la cordonnerie.

M. Le Van Quy a fait savoir qu'en 1960, les sandales en caoutchouc sont apparues, ce qui a mis le cordonnier qu'il étais au chômage, faute de clients. Il a alors cherché un nouvel emploi. En traversant les rues Hang Ngang, Hang Dao, il a vu des graveurs sur stylo, et il a décidé de faire pareil.

Pour se faire la main, Quy s'est mis à faire les boutiques de fournitures scolaires pour racheter les stylos usagés ou cassés. Après deux mois de tâtonnements, il s'est installé devant la porte d’entrée du temple Ngoc Son avec le panneau "Calligraphie sur stylo en deux minutes".

"Mes clients était pour la plupart des jeunes prêts à entrer dans l'armée. Ils emportaient dans leur paquetage des souvenirs offerts par leurs proches comme mouchoirs, carnets... et stylos gravés", a-t-il dit.

Ces 20 dernières années, la gravure sur le stylo a presque disparu. Mais le vieil artisan est toujours fidèle à son poste. Outre les stylos plume, Quy peut graver des laques poncées, des portables, des ordinateurs portables et des briquets. Le tout pour la modique somme de 20.000 dôngs. Le travail est toujours très fin, précis. Il n'y a rien à redire. Quy raconte souvent à ses clients des anecdotes émouvantes concernant son métier.

"Je me souviens d'un client qui est venu me voir pour me remercier. Les restes de son fils disparu pendant la guerre avaient pu être identifiés grâce au stylo gravé. Tous ses objets était décomposés, à l'exception de ce stylo", a-t-il dit.

"J'aime Hanoi, j'aime les rues de la capitale et la vie ici. J'aime voir de mes propres yeux les changements de la ville, jour après jour. J'aime aussi la gravure sur stylo. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre dans le pays pratique encore ce métier", nous a confié le vieux graveur. Bien que l'endroit où il est assis pour graver les stylos ait l'air un peu suranné, paradoxalement, cet héritage du passé semble apporter un vent de fraîcheur sur la capitale.

Assis depuis plus de cinquante ans au pied de ce banian séculaire, Quy n'a pas l'intention de prendre sa retraite. Il considère qu'il fait un peu partie du décor et que son métier rappelle la capitale d'autrefois. Difficile de lui donner tort. -VNA