Hanoï (VNA) - Pour peu qu’elles impliquent une somme de savoir-vivre, certaines de nos spécialités gastronomiques finissent par faire partie intégrante de notre patrimoine culturel. C’est par exemple le cas de ces crabes à pinces rouges en saumure que l’on trouve à Cà Mau, à l’extrême sud du pays, et qui ont été inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel national. C’était en 2020.
Ba khia de leur nom vietnamien, ces fameux crabes à pinces rouges prolifèrent dans les mangroves, et en particulier dans celles de Rach Gôc, un bourg du district de Ngoc Hiên où ils ont élu domicile... Les habitants de Rach Gôc, eux, en ont bien sûr profité pour relever leur ordinaire, et comme il fallait bien conserver ces petits crustacés, ils ont utilisé de la saumure à cet effet… Et voilà comment naît une tradition culinaire: aussi simple que ça! Tellement simple qu’on se demande pourquoi c’est surtout à Rach Gôc que ça se passe. Mais Nguyên Hông Dam, qui est une productrice locale, a sa petite idée sur la question…
«Oui, c’est vrai que c’est notre crabe le meilleur: il est charnu et même un peu crémeux en dessous de la carapace», nous dit-elle. «Je pense que c’est dû aux eaux de nos mangroves, qui ont des vertus nutritionnelles assez exceptionnelles, je dois dire… »
C’est généralement entre le 7e et le 9e mois du calendrier lunaire que nos crabes à pinces rouges se reproduisent. Mais c’est aussi à ce moment-là que les habitants de Rach Gôc les capturent…
Après avoir été lavés, nos crabes sont mis dans une jarre pleine de saumure, la jarre en question étant fermée hermétiquement, ce qui fait qu’on ignore ce qui s’y passe, nos chers crustacés étant alors abandonnées à leur triste sort, qu’ils doivent trouver quelque peu saumâtre, pour le coup!...
Mais certains producteurs laissent les crabes encore vivants au soleil pendant environ une demi-heure… Pourquoi? Pour qu’ils aient soif, et qu’ils étanchent cette soif en se gavant de saumure… Pour Luong Van Binh, qui est un autre producteur de Rach Gôc, cette saumure doit être irréprochable…
«La teneur en sel doit être bien dosée et là-dessus, chaque producteur à ses petits secrets», nous confie-t-il.
Après avoir été ainsi confinés pendant toute une semaine dans leur jarre, nos crabes sont prêts à être consommés. Avec du jus de citron, de l’ail, du piment, du sucre ou encore de l’ananas, c’est tout simplement un régal… Nombreux sont celles et ceux qui en pincent pour cette spécialité - vous aurez admiré la subtilité du jeu de mot, j’espère - et la demande s’en ressent, ce qui n’est pas pour déplaire à La Quôc Khanh, le président adjoint de l’association des agriculteurs du district de Ngoc Hiên…
«Les gens du Sud en raffolent», se réjouit-il. «Ce qui me fait dire qu’on aurait tout intérêt à faire labelliser les produits».
Effectivement… En attendant, le service de la Culture, des Sports et du Tourisme de la province de Cà Mau prévoit de faire de certains villages du district de Ngoc Hiên des villages dits «de métier». Avec une spécialité inscrite au patrimoine culturel immatériel national, il n’en fallait pas moins.
Et si ce crabe aux pinces rouges était un crabe aux pinces d’or? -VOV/VNA