"Ce fruit d’un travail intensif, je veux l’emporter au Vietnam, mon pays natal. J’ai l’ambition d’y créer un musée du monocorde ouvert à tous, professionnels et amateurs du dàn bâu ", confie-t-il. Du rêve à la réalité, l’instrumentiste Viêt kiêu s’est rapatrié au milieu de l’année 2017.
C’est la passion qui compte
Le parcours professionnel de Pham Duc Thanh n’a pas été sans épreuves. Issu d’une famille paysanne d’une région rizicole de la province de Ninh Binh, il s’est montré passionné pour la musique dès son enfance.
Sa terre natale est très connue dans la plaine du Nord pour le chèo (théâtre populaire chanté). À l’âge de 4-5 ans, il en chantait déjà de nombreux airs, en plus de jouer du tambour et de la mandoline. À 6 ans, il était capable d’exercer des morceaux de dàn bâu et de nhi (viole à deux cordes), deux instruments inséparables du théâtre populaire.
"Mon village était pauvre et écarté de la ville. Il n’y avait ni centre ni professeur de musique. J’ai appris par moi-même auprès des artistes paysans à l’occasion des représentations dans la maison communale ou à la radio", se rappelle l’artiste.
Avec le temps, le petit Thanh est parvenu à jouer en solo des œuvres musicales composées pour le dàn bâu. À partir de là, il est surnommé "le prodigue du monocorde".
En 1974, alors qu’il est âgé de 18 ans, Pham Duc Thanh est passé à une nouvelle étape de sa vie en étant admis à la Troupe nationale du chèo. Il devient ainsi un instrumentiste professionnel spécialisé en musique traditionnelle.
À Hanoï, l’instrumentiste autodidacte a cherché par tous les moyens à approfondir ses connaissances en dàn bâu. Il l’a étudié sans relâche auprès des artistes les plus expérimentés, pour en atteindre un niveau remarquable.
En 1978, il a reçu l’honneur d’être l’unique instrumentiste de la Troupe du chèo à être présenté au Festival national du monocorde. Résultat: il a empoché le certificat d’honneur.
Entre 1979 et 1983, Pham Duc Thanh a effectué ses études universitaires, spécialité musique traditionnelle, au Conservatoire de Hanoï. Il en est sorti premier lauréat à l’examen de fin d’études avec une mention bien. Avec son monocorde, il a également réussi le concours de recrutement pour devenir l’instrumentiste de l’hôtel Rex de Hô Chi Minh-Ville, au service des touristes étrangers.
Un tournant de sa vie
La vie professionnelle de Pham Duc Thanh a connu un virage en 1989, lorsqu’il fut frappé par une sérieuse maladie. Afin de recevoir un traitement adéquat, il est parti en Allemagne avant de venir s’établir au Canada, grâce au soutien d’un proche parent installé dans ce pays. Partout où il est allé, Thanh n’a jamais quitté son monocorde.
"Ma vie est étroitement liée au monocorde et à la musique traditionnelle du Vietnam. Ils représentent une beauté superbe capable d’envoûter tout le monde. J’en suis sûr", confie-t-il.
Tellement persuadé par cette idée, il a créé à Toronto, au Canada, le Centre du monocorde et de musique traditionnelle du Vietnam, connu sous le nom de Vietnamese Music School. Les cours qui y sont donnés sont variés et permettent d’apprendre le monocorde, mais aussi la musicologie ou des chants folkloriques…
En parallèle, Thanh s’est lancé dans une autre mission non moins intéressante: monter et enregistrer sur DVD des programmes musicaux, ainsi que des manuels permettant d’être guidés dans l’exercice des instruments musicaux traditionnels tels que le monocorde, la cithare à seize cordes, la flûte en bambou, le luth à caisse ronde à deux cordes.
Il n’a pas oublié pour ce projet d’y inclure des airs folkloriques du Sud, du Centre (de Huê notamment) et du Nord du Vietnam. Il a créé une page web afin d’y présenter ces documents spécialisés.
"Le Vietnamese Music School est toujours plein de monde. Les élèves, Viêt kiêu et étrangers, se montrent passionnés pour la musique vietnamienne. Jusqu’à maintenant, bon nombre d’entre eux sont devenus des musiciens professionnels", se vante-t-il.
Son prestige une fois acquis, Thanh fût l’objet d’une ovation chaleureuse au Canada, invité par "Radio Canada" où il a contribué au montage d’audiogrammes sur la musique traditionnelle. Il s’est également produit dans le pays dans des shows de musique traditionnelle ou lors de conférences en la matière dans des universités…
Le rêve de créer un musée du monocorde
Sa renommée passant au-delà des frontières, cet excellent instrumentiste a été invité à participer à de multiples programmes de musique des Viêt kiêu en Australie, en Amérique, en Europe, en Afrique… Grâce à lui, le monocorde vietnamien a eu l’occasion d’être présenté et aimé par le monde entier.
Par amour pour le monocorde, Pham Duc Thanh a cherché à l’améliorer maintes fois, en particulier avec l’idée de réduire la puissance de la calebasse, permettant ainsi d’amplifier le son de l’instrument.
En 2006, il a été classé par la télévision canadienne ART parmi les douze artistes du monde jouant un rôle majeur dans la préservation et le développement de la musique traditionnelle de leur pays.
De retour au Vietnam l’an passé, Thanh a décidé de s’y installer définitivement. "Mon souhait à l’heure actuelle est de créer un musée du monocorde. Le dàn bâu est la quintessence de la musique traditionnelle vietnamienne. Et je suis certain que le musée sera couronné de succès", espère-t-il. Son noble projet est en cours d’exécution. – CVN/VNA