Hanoi (VNA) – La ville de Cân Tho accueillera, du 21 au 24 janvier 2025, la réunion du Comité exécutif de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). À cette occasion, un forum sera organisé, centré sur la coopération francophone en matière d’agriculture durable, de sécurité alimentaire et de lutte contre le changement climatique.
Pour l’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, la thématique de ce forum est particulièrement pertinente, car les enjeux liés à l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques concernent tous les pays de la Francophonie, dans toute leur diversité. Interview par la radio La Voix du Vietnam (VOV).
Olivier Brochet: Des pays comme le Vietnam, la France, le Canada ou l’Afrique, sont tous confrontés à cette problématique, mais naturellement dans des contextes très différents. Il est important que nous puissions avoir des échanges, notamment sur les processus législatifs qui sont en cours dans les différents pays pour accompagner les nécessaires transformations de l’agriculture, à la fois pour permettre la résilience des agricultures aux changements climatiques, pour garantir la sécurité alimentaire dans nos pays, et en même temps pour voir comment l'agriculture peut contribuer à réduire le changement climatique puisqu’elle est, on le sait, gros émetteur de gaz à effet de serre. La tenue du Bureau de l’Assemblée parlementaire de la francophonie à Cân Tho au mois de janvier, quelques mois seulement après le Sommet de la francophonie qui s’est tenu à Paris, où le secrétaire général du Parti communiste vietnamien Tô Lâm avait représenté le Vietnam, c’est d’abord la marque d’un attachement du Vietnam à l’Organisation internationale de la Francophonie. L’un des mots qui caractérise la francophonie c'est la solidarité.... La solidarité entre les États membres dans toute leur diversité. Pour réussir à accompagner l'agriculture dans les transformations absolument indispensables, il faut cette solidarité qui est une solidarité d'abord des scientifiques pour rechercher ensemble des solutions, mais aussi une solidarité dans la diffusion de l'information, dans la formation et donc les coopérations.
- Que pensez-vous du rôle du prochain forum de l’APF par rapport au renforcement de ces coopérations?
On est au cœur de toutes ces problématiques de la coopération entre le Sud et le Nord, entre les pays du Sud qui constituent ensemble cet espace de la Francophonie. Je me réjouis évidemment que le bureau de l'Assemblée parlementaire ait retenu cette thématique qui doit permettre aux parlementaires et aux parlements de s’emparer davantage de ces questions, de voir toutes les perspectives que cela offre. Cela s'inscrit dans ce qu'on appelle la diplomatie parlementaire, mais qui prend vraiment une nouvelle dimension aujourd'hui avec l'importance des enjeux globaux à l'échelle planétaire, qui font que les parlements sont au cœur de la recherche des solutions.
- Et d’après vous, comment faire pour renforcer le rôle des parlements dans la résolution des problèmes politiques mondiaux et plus particulièrement au sein des communautés francophones?
Olivier Brochet: Les parlements ont un rôle important à jouer dans la loi. Ce sont eux qui font les lois. Les parlements sont aussi l'expression de la diversité des opinions publiques dans les différents pays où ils sont installés. Ils sont en lien direct avec la capacité des populations à accepter le changement. Donc, il est très important que les parlementaires puissent réfléchir ensemble à ces problématiques, qu’ils puissent comprendre leur diversité à l'échelle des différents pays qui composent la francophonie, et qu'ensuite chacun puisse travailler à la recherche de solutions adaptées à son pays mais qui tiennent compte de ces problématiques. C'est la raison pour laquelle nos deux pays attachent beaucoup d'importance à la coopération entre les parlements. Et lorsque le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam, Tô Lâm, était à Paris le 7 octobre dernier, il a rencontré le président du Sénat français Gérard Larcher et la présidente de l’Assemblée nationale, Brandt Pivet. Lors de ces rencontres, Tô Lâm a souligné l'attachement du Vietnam à ce dialogue. Les présidents français des deux assemblées ont invité le président de l'Assemblée nationale du Vietnam à se rendre en France en 2025 à l'occasion de l'Assemblée parlementaire de la francophonie qui se tiendra en juillet à Paris et pour faire une visite bilatérale à cette occasion.
- Pourriez-vous nous parler de la coopération franco-vietnamienne, en particulier dans les domaines de l’agriculture durable, de la sécurité alimentaire et de la réponse au changement climatique?
Olivier Brochet: La coopération franco-vietnamienne dans le domaine de l’agriculture se renforce et elle est cadrée depuis le mois de décembre 2023 par un accord de programmation pluriannuelle. Nous travaillons désormais dans ce cadre mais en utilisant évidemment tous les acquis des années, même des décennies passées, puisque la coopération agricole a toujours été extrêmement importante entre nos deux pays. Je voudrais citer deux programmes de coopération très importants qui sont actuellement développés par l’IRD et le CIRAD. Le premier de ces programmes s’appelle Star Farm. Il est financé par l'Union européenne et mis en œuvre par l'IRD et le CIRAD, avec des partenaires universitaires et scientifiques vietnamiens, dans le delta du Mekong, pour justement développer de nouvelles pratiques agroécologiques par rapport aux défis qui sont actuellement posés dans le Mékong. Et puis un deuxième projet qui est actuellement développé toujours par l'IRD et le CIRAD, cette fois-ci en lien avec le CNES, le Centre national des études spatiales en France. Il s'appelle MERIME, et il consiste à analyser des photos satellitaires de la culture du riz à différents moments de l'année, très régulièrement, pour voir comment on peut moduler l'irrigation pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et de méthane, ce qui est l'un des problèmes principaux posés par la culture du riz. Voilà, ce sont deux exemples de cette coopération très importants qui sont actuellement engagés. Mais d’une façon plus générale nous inscrivons notre action dans le cadre du partenariat international que le ministère de l'agriculture a engagé avec 38 états signataires dont la France. C'était au mois d'octobre dernier. Ce partenariat est pour la transformation transparente responsable et durable du système alimentaire au Vietnam. Et je voudrais enfin signaler que toute notre action s'intègre également dans un programme plus global qui est également mené à l'échelle régionale et qui s'inscrit dans la logique une seule santé One Health qui consiste à examiner l'ensemble des problèmes de l'agriculture, de la chaîne alimentaire, depuis la production végétale animale jusqu'à la consommation par l'être humain. Donc on a aussi cette approche particulière mais qui est importante pour l'avenir de l'agriculture.
- Dans les années à venir, l’agriculture et la sécurité alimentaire représenteront un domaine de coopération prometteur entre le Vietnam et de nombreux pays africains majoritairement francophones, tels que l’Égypte, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, le Bénin... Quelle est votre opinion sur cette coopération Sud-Sud et tripartite au sein de la Francophonie?
Olivier Brochet: Cette coopération est effectivement très importante, puisque c’est l’un des principes fondamentaux de la francophonie, c'est cette solidarité. Nous sommes particulièrement heureux de voir le Vietnam aujourd'hui très désireux de s’engager dans une coopération non seulement sud-sud, mais aussi tripartite avec la France. Nous avons inscrit cette idée de coopération tripartite dans le programme de coopération pluriannuelle que nous avons signé avec le Vietnam au mois de décembre 2023. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a décidé en 2024 de financer une étude qui est pilotée par le CIRAD, le Centre français de recherche en agronomie et pour le développement, en lien avec des institutions vietnamiennes et des institutions sénégalaises. L’idée, c’est d’identifier clairement les besoins du Sénégal en termes de coopération et de voir comment nous pouvons avoir une véritable coopération très utile, non seulement pour le Vietnam, mais aussi dans la longue durée pour le Sénégal. Mais il faut d'abord partir d'une très bonne identification des besoins et de la façon dont nos trois pays vont pouvoir collaborer de façon très intense, mais durable. – VOV/VNA