La transition verte ne réussira que si elle est équitable

Le Vietnam met progressivement en œuvre des actions concrètes pour concrétiser son engagement à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Entretien avec Daniel Herrmann, chef du pôle politique climatique à l’ l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ).

Selon Daniel Herrmann, chef du pôle politique climatique à la GIZ, si le Vietnam tire pleinement parti des leçons de l’Europe, il pourra éviter de nombreuses erreurs initiales et accélérer son processus de mise en œuvre. Photo : NDEL
Selon Daniel Herrmann, chef du pôle politique climatique à la GIZ, si le Vietnam tire pleinement parti des leçons de l’Europe, il pourra éviter de nombreuses erreurs initiales et accélérer son processus de mise en œuvre. Photo : NDEL

Hanoi (VNA) - Le Vietnam met progressivement en œuvre des actions concrètes pour concrétiser son engagement à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Dans ce processus, l’expérience de l’Union européenne, notamment celle de l’Allemagne, qui ambitionne de devenir un pays à émissions nettes négatives en 2050, offre de nombreuses leçons précieuses. Entretien avec Daniel Herrmann, chef du pôle politique climatique à l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ).

- Comment la GIZ évalue-t-il les évolutions politiques en cours en Europe, notamment en Allemagne, en matière de neutralité carbone ? Avec plus de 30 ans de présence au Vietnam, selon vous, quelles leçons pourraient être utiles au pays dans l’élaboration et la mise en œuvre de sa propre stratégie de neutralité carbone ?

Avant tout, il convient de rappeler brièvement les objectifs de neutralité carbone de l’Union européenne et de l’Allemagne. L’UE s’est fixée comme objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 – ce qui correspond à l’engagement du Vietnam – illustrant ainsi un haut niveau de détermination. L’Allemagne, quant à elle, vise une échéance encore plus rapprochée, à savoir 2045, et ambitionne même de devenir un pays à émissions négatives d’ici 2050. Cela signifie que la quantité de gaz à effet de serre absorbée sera supérieure aux émissions générées. Il s’agit là d’un objectif très ambitieux.

À mon avis, dans la transition vers ces objectifs climatiques, trois piliers principaux peuvent être dégagés du processus de transition verte poursuivi par l’Allemagne et l’UE, et l’on peut y trouver de nombreuses similitudes avec les orientations prises par le Vietnam.

Le premier pilier consiste à développer les énergies renouvelables et à améliorer l’efficacité énergétique.

Le secteur de l’énergie étant la principale source d’émissions, la transition vers des sources telles que l’énergie solaire, éolienne ou hydraulique s’impose naturellement. Heureusement, le coût des énergies renouvelables a considérablement baissé ces dernières années, au point d’être parfois inférieur à celui de l’électricité produite à partir de combustibles fossiles. Le déploiement des énergies propres ne relève plus uniquement d’un impératif environnemental, mais devient un choix économique avisé.

L’Allemagne et le Vietnam sont tous deux des pays importateurs nets de combustibles fossiles, sur lesquels repose en grande partie leur production d’électricité. Accélérer le développement des énergies renouvelables contribue ainsi à la fois à la lutte contre le changement climatique et au renforcement de la sécurité énergétique nationale.

Deuxièmement, il s’agit de mettre en place un mécanisme de tarification du carbone. Cet outil s’avère particulièrement efficace pour intégrer la dimension environnementale dans les décisions d’investissement. Au lieu d’imposer des réglementations propres à chaque secteur, la tarification du carbone — qu’il s’agisse d’une taxe ou d’un système d’échange de quotas d’émission — envoie un signal clair au marché : émettre des gaz à effet de serre a un coût, réduire les émissions génère des avantages.

Troisièmement, il convient de renforcer la capacité d’absorption du carbone par les écosystèmes naturels. Cela implique la protection et la restauration des milieux tels que les forêts, les tourbières, les zones humides, ou encore les prairies naturelles.

Ces écosystèmes ne sont pas seulement les « poumons » capables de capter le CO₂, ils jouent également un rôle essentiel dans la préservation de la biodiversité — autre priorité mondiale.

Le Vietnam dispose d’un important potentiel dans le secteur agricole, avec un taux de couverture forestière supérieur à40 %. Ce potentiel d’absorption pourrait être encore accru en valorisant d’autres types d’écosystèmes.

D’un point de vue global, je considère que ces trois piliers constituent une base cohérente de toute stratégie vers la neutralité carbone. Toutefois, le processus de transition doit nécessairement englober l’ensemble des secteurs de l’économie et de la société de tout pays.

Le Vietnam est sur la bonne voie en promouvant simultanément le développement des énergies propres, en préparant un système de tarification du carbone et en maintenant le rôle crucial des forêts dans sa stratégie climatique.

Leçons en matière de politique : du déficit de mise en œuvre à l’équité sociale

Le Vietnam met progressivement en œuvre des actions concrètes pour concrétiser son engagement à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Dans ce processus, l’expérience de l’Union européenne, notamment celle de l’Allemagne, qui ambitionne de devenir un pays à émissions nettes négatives en 2050, offre de nombreuses leçons précieuses. Entretien avec Daniel Herrmann, chef du pôle politique climatique à la GIZ.

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Daniel Herrmann lors de la cérémonie de lancement du projet pilote de vélos en libre-service au centre-ville de Huê. Photo: NDEL

- Se basant sur l’expérience européenne, et notamment allemande, comment évaluez-vous les leçons politiques tirées de la transition verte ? Quels sont les défis que le Vietnam pourrait prendre en compte pour se préparer au mieux à ce parcours ?

Je pense qu’il y a une leçon très claire, non seulement pour le Vietnam, mais aussi pour l’Union européenne et l’Allemagne : c’est l’écart entre les objectifs politiques et leur mise en œuvre concrète.

Nous avons fixé des objectifs très ambitieux, inscrits dans la loi avec une force contraignante.

Mais le plus grand défi reste toujours de transformer ces objectifs en actions concrètes et efficaces, dans chaque secteur, chaque localité. Cela exige une coordination cohérente, non seulement de la part du gouvernement, mais aussi du secteur privé et de l’ensemble de la société.

Une autre leçon importante concerne l’impact des politiques climatiques sur le développement économique.

Globalement, nous croyons que les politiques de neutralité carbone stimuleront la croissance et créeront de nouveaux emplois, notamment dans les domaines de l’énergie propre, des technologies vertes ou des infrastructures durables.

Cependant, certains secteurs à forte consommation d’énergie rencontreront des difficultés durant la transition, surtout dans un contexte de concurrence internationale.

- Dans un tel processus de transition, quel rôle joue la justice sociale ?

Elle joue un rôle central. Nous parlons souvent de « transition juste » – just transition. Et le consensus actuel au niveau international est le suivant : la transition vers la neutralité carbone ne réussira que si elle est équitable. Si les habitants ont le sentiment d’être surchargés, notamment sur le plan financier, le soutien de la population pourrait s’éroder rapidement, entraînant des difficultés politiques pour maintenir les ambitions politiques. Nous avons déjà vécu cette expérience en Allemagne. Lorsqu’une politique climatique est mise en place sans le soutien de la société et du public, elle peut connaître un déclin soudain, affectant directement le processus de transition.

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Plus de 2.166 entreprises vietnamiennes seront tenues de réaliser un inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025. Photo : VNA

- Alors, selon vous, quel est l’élément déterminant de l’équité du processus de transition ?

Selon notre expérience, il y a deux facteurs clés :

Premièrement, la transparence. Les citoyens doivent savoir quelle direction prend le pays, comment les politiques seront mises en œuvre, et, plus important encore, ils doivent pouvoir participer à ce processus d’élaboration, au moins au niveau de la consultation.

Deuxièmement, le principe de « ne laisser personne de côté ». Les politiques de transition doivent prendre en compte les groupes vulnérables, tels que les personnes à faible revenu, les travailleurs des industries traditionnelles, ou les régions fortement touchées par le changement climatique.

Ces groupes ont besoin de mécanismes de soutien, de reconversion professionnelle ou d’aide à la subsistance pour ne pas être marginalisés par le processus de transition verte.

Je suis convaincu que si le Vietnam parvient à élaborer une stratégie de zéro émission nette avec une feuille de route claire, une mise en œuvre cohérente, tout en plaçant l’équité sociale au centre, le processus de transition sera non seulement efficace sur le plan environnemental, mais il créera également un large consensus au sein de la société.

Un partenariat au service d’un avenir durable

- La GIZ collabore étroitement avec le Vietnam dans les domaines de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique. Pouvez-vous nous en dire plus sur les initiatives phares de ce partenariat bilatéral ?

Bien sûr. Il est important de souligner que la GIZ est un organisme mandaté pour accompagner le gouvernement fédéral allemand dans la conduite de sa politique de coopération au développement.

Nos actions au Vietnam s’inscrivent donc dans le cadre des accords bilatéraux entre les gouvernements vietnamien et allemand.

Ces deux parties se réunissent tous les deux ans pour définir ensemble les priorités stratégiques des projets à venir. Ce mécanisme de dialogue et de planification existe depuis près de 50 ans, et l’année 2025 marquera le cinquantenaire de cette coopération bilatérale.

Actuellement, trois domaines sont jugés prioritaires dans le cadre de notre coopération au Vietnam :

L’énergie et l’efficacité énergétique, compte tenu de leur rôle central dans l’atteinte des objectifs de neutralité carbone.

La foresterie, un secteur clé pour le stockage de carbone et la réalisation des ambitions climatiques.

La formation professionnelle et l’enseignement technique, qui vise à développer les compétences nécessaires à la transition écologique, notamment dans les secteurs de l’énergie et de la gestion forestière.

En plus des domaines prioritaires dans le cadre de la coopération bilatérale, l’Allemagne dispose d’un canal de financement en matière climatique, appelé Le Fonds Initiative internationale pour le climat (IKI). Ce fonds est placé sous les auspices du ministère fédéral de l’Économie et de l’Action climatique.

Jusqu’à présent, le Vietnam compte 35 projets financés par l’IKI, répartis en quatre volets :

Atténuation du changement climatique

Adaptation au changement climatique

Renforcement de la capacité d’absorption de carbone

Conservation de la biodiversité

Le projet sur lequel je travaille concerne le soutien à la mise en œuvre de l’Accord de Paris, également financé par l’IKI.

Dans le cadre de ce projet, nous coopérons avec le ministère vietnamien de l’Agriculture et de l’Environnement, et plusieurs autres organismes, pour élaborer des politiques climatiques nationales et établir les conditions-cadres de mise en œuvre, telles que les mécanismes de tarification du carbone.

Je voudrais également mentionner un outil très intéressant dans le cadre de l’IKI, à savoir le programme de microfinancements (small grants facility). Chaque année, ce programme lance un appel à propositions, permettant aux organisations locales vietnamiennes de soumettre des idées de projets visant à renforcer l’ambition climatique. Il s’agit d’un processus concurrentiel : si le projet est sélectionné, l’organisation peut recevoir un financement pour mettre en œuvre ses idées.

- Dans le contexte des célébrations du 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, de nouvelles initiatives sont-elles envisagées pour promouvoir la coopération bilatérale dans le domaine climatique ?

À mon avis, ce qui est le plus remarquable, c’est l’évolution de la nature de la coopération bilatérale. Auparavant, il s’agissait principalement d’une coopération au développement, c’est-à-dire un soutien unilatéral. Mais aujourd’hui, l’Allemagne considère le Vietnam comme un partenaire global, un pays qui joue un rôle de plus en plus important dans les enjeux mondiaux, dont le changement climatique.

En réalité, 80 % des projets de la GIZ au Vietnam sont actuellement liés, directement ou indirectement, au changement climatique. Ce chiffre reflète clairement la priorité croissante accordée à ce domaine dans la coopération bilatérale.

- C’est un chiffre très impressionnant. Selon vous, quels seront les axes de coopération prioritaires entre les deux pays dans le domaine climatique dans unavenir proche ?

Je pense qu’il y a trois orientations très claires.

Premièrement, le renforcement du cadre politique climatique, notamment à travers le soutien à l’élaboration de mécanismes de tarification du carbone, de normes techniques et d’un cadre institutionnel pour le marché des émissions.

Deuxièmement, la mise en œuvre de solutions concrètes telles que le développement des énergies renouvelables, le stockage d’énergie, ainsi que la restauration des écosystèmes riches en carbone comme les tourbières et les mangroves.

Troisièmement - un point crucial - la formation d’une main-d’œuvre adaptée à l’économie verte.

Sans ressources humaines bien préparées, la transition ne pourra être durable.

Je suis convaincu qu’avec 50 ans de coopération solide et un engagement fort des deux parties, le Vietnam et l’Allemagne sont pleinement en mesure de construire ensemble un avenir vert - non seulement pour nos deux pays, mais aussi pour contribuer aux objectifs mondiaux.

* L’Agence allemande de coopération internationale (GIZ) GmbH est présente au Vietnam depuis plus de 30 ans. Son bureau de représentation y a été officiellement établi en 1998. Mandatée par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et le ministère fédéral de l’Économie et de la Protection du climat, la GIZ collabore avec le Vietnam pour atteindre des objectifs liés à l’environnement, à la neutralité climatique et au développement inclusif (transition équitable), en abordant des problématiques mondiales telles que l’environnement et le climat. – NDEL/VNA

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