1. Les deux pays fêteront, en 2023, leurs 50 ans desrelations bilatérales et 10 ans de partenariat stratégique. Quelle est votreévaluation de ce parcours ?
Une évaluation des plus positives ! De notre passé multiple, complexe,marqué par des moments difficiles et même la guerre, nous n’avons retenu que lemeilleur et ce qui nous a permis d’aller de l’avant, de bâtir ensemble. C’estla prouesse commune du Vietnam et de la France.
Regardons les résultats : des coopérations concrètes très denses, quirépondent à des priorités partagées.
Pour la prospérité économique de chacun : les Vietnamiens et lesFrançais sont des bâtisseurs, tournés vers la modernité, la science, latechnologie. Il n’y a aucun domaine d’avenir qui échappe à nos relations. Lespatial, les énergies propres et renouvelables, les transports … Demain, leshabitants de Hanoi auront accès à une nouvelle ligne de métro, financée enpartie par la France, construite et équipée par plusieurs grandes entreprisesfrançaises, qui leur permettra de se déplacer de façon sûre, moins polluante etplus rapide.
Les Vietnamiens peuvent le constater : lorsque les entreprisesfrançaises s’engagent, elles font preuve de fiabilité, d’équité dans le partagede la valeur et des retombées économiques, leurs réalisations et leursproductions sont gages de durabilité et de qualité. Telle est la marque defabrique des entreprises françaises.
Le soutien manifesté par la France n’a jamais fait défaut au Vietnam dansles moments clefs : mon pays fut l’un des plus fermes soutiens pour qu’unaccord de libre-échange entre l’Union européenne et le Vietnam entre envigueur. Et je sais le rôle éminent joué par le Vietnam au sein de l’ASEAN,dont a témoigné sa présidence en 2020.
De fait, nos échanges commerciaux enregistrent une expansion continue (ilsont atteint près de 7 Md EUR en 2021) et un nombre croissant deproduits importés en France et en Europe sont passés, à une étape ou une autrede leur production, par des usines au Vietnam, y compris des usines avec despartenariats ou des investissements français. C’est à cela que l’on mesure lamontée en gamme et en puissance d’un appareil productif.
La France est fière d’accompagner le Vietnam depuis 50 ans sur le chemin duprogrès.
Lorsque le Vietnam et la France décident d’agir ensemble, ils en sortentgrandis et gagnants tous les deux. Prenons notre coopération dans le domaine del’enseignement supérieur, avec les belles réussites universitaires conjointesde nos écoles dans les sciences et technologies (USTH), la gestion (CFVG) oul’ingénierie (PFIEV). Prenons la médecine : 3000 médecins vietnamiens ontété formés en France. Lorsque la pandémie de Covid s’est déclarée, et lorsquenous manquions en France de masques, le Vietnam a répondu présent. Lorsque vousavez eu besoin de doses de vaccins, la France a répondu présente.
Dans la relation entre la France et le Vietnam, il n’y a pas de place pourles calculs de puissance ou les arrières-pensées. Il y a toute la place pour lasolidarité.
Parce qu’au-delà des intérêts, notre relation revêt une dimension humaine.Le Président français Jacques Chirac l’avait déclaré lors de son déplacement auVietnam en octobre 2004 : le Vietnam parle au cœur des Français. Neserait-ce que parce que 300 000 Vietnamiens ont choisi de vivre en Franceet occupent des responsabilités dans tous les secteurs d’activité ! Ilexiste, entre nos deux peuples, beaucoup de points communs et d’influencescroisées, dans l’attachement au patrimoine, à la gastronomie, à un certain artde vivre. Jusqu’à nos différences qui nous fascinent et nous attirent.
Des cultures partagées, des cultures en partage : je crois que cetteformule est celle qui résume le mieux nos relations. 50 ans de partage et deconfiance, dans le respect de notre souveraineté et de nos spécificités.
2. D’après vous, qu’est-ce qu’on devrait faire, dansle temps à venir, pour valoriser les potentiels et surmonter les défis afind’approfondir davantage ces relations de partenariat stratégique ?
Les défis sont nombreux, et nous aurons plus que jamais besoin de notrepartenariat stratégique pour les surmonter ensemble.
La France et le Vietnam partagent des principes - l’attachement au droitinternational, au règlement pacifique des différends, au dialogue et aumultilatéralisme - qui constituent autant de lignes de conduite dans lesrelations internationales.
Forts de ces principes, dans un monde de plus en plus instable, nos deuxpays ont le devoir de faire entendre la voix du respect de la souveraineté etde la paix. Elle a un dénominateur commun : le respect de l’intégritéterritoriale ; le refus de toute hégémonie, qu’elle qu’en soit la natureet la provenance. Et je crois que telle est la singularité de la France et duVietnam : tracer un chemin qui échappe aux antagonismes binaires, pourtravailler à atténuer les fractures entre les États au lieu de les attiser, etfaire entendre une voix indépendante. Nos deux pays doivent porter cette voixindépendante, en unissant leurs efforts.
Car nombre de tensions dans votre environnement immédiat constituent desenjeux pour la sécurité mondiale.
Mais la France a aussi une responsabilité particulière puisqu’elle est, en quelquesorte, votre voisine, avec les territoires d’Outre-Mer : plus d’un million deFrançais y habitent. Elle a plus d’intérêts et de raisons que d’autres États, ycompris européens, d’apporter sa pierre à la stabilité du monde indo-pacifique,au respect de la libre-circulation maritime en particulier.
Je tiens à souligner l’attachement indéfectible de la France aux principesde libre-circulation aérienne et maritime, et je sais que cette positionrejoint nombre de voix d’Etat riverains de la Mer de Chine méridionale, celledu Vietnam en particulier.
La France et le Vietnam ont célébré en 2021 le 30e anniversaire de leurrelation de défense, et acté la nécessité de donner une nouvelle impulsion à cevolet de leur partenariat stratégique bilatéral, par la conduite d’un projetstructurant qui confirme le niveau de confiance mutuelle entre nos deux pays.Alors que le Vietnam occupe des responsabilités croissantes sur la scèneinternationale et que la zone indopacifique revêt une importance stratégique cruciale,le renforcement de la coopération entre nos deux pays dans ce domaine devientune priorité pressante.
Au-delà de ces questions stratégiques essentielles, le principal défi quis’impose à nous est celui du changement climatique. Aucun pays n’est à l’abrimais le Vietnam lui paie un lourd tribut : enfoncement des deltas, érosioncôtière, inondations violentes, cultures dévastées… Il nous appartient de nousmobilier collectivement pour limiter l’ampleur du changement climatique etfaire face à ses conséquences.
L’Agence Française de Développement (AFD) est auxcôtés du Vietnam sur ces deux volets. Elle mène plusieurs projets d’adaptationau changement climatique, afin de préserver les côtes et les deltas du Mékonget du Fleuve Rouge. L’AFD et l’entreprise EDF travaillent aussi avec EVN pouraider le Vietnam à réaliser sa transition énergétique, dans la lignée desannonces du Premier ministre Pham Minh Chinh lors de la COP26 et bientôt, nousl’espérons, dans le cadre d’un Partenariat entre le Vietnam et le G7 pour unetransition énergétique juste (JET-P).
De manière générale, toutes les options technologiques éprouvées en matièred’énergies décarbonées méritent qu’on leur prête attention.
Bien-sûr, j’aurais pu évoquer d’autres aspects de notre partenariat, qu’il fautpoursuivre et si possible approfondir, par exemple dans le domaine de laculture et du patrimoine, de l’éducation et de l'enseignement, de la santé, dudroit, de la recherche. Notre coopération est si riche !
Permettez-moi de formuler quelques vœux : que nous travaillions àdévelopper et à rééquilibrer nos échanges commerciaux - selon les secteursd’activité, des marges de manœuvre importantes existent ; que notrecoopération spatiale puisse aboutir et connaître de nouveaux développements ;et qu’enfin, dans un avenir proche, nous trouvions ensemble les moyens deréhabiliter le pont de Long Bien, auquel les habitants de Hanoi et lesVietnamiens sont si attachés !
3. Pourriez-vous parler, en particulier, des relationsparlementaires entre la France et le Vietnam ?
Les relations interparlementaires ont toute leur part dans la coopérationentre nos deux pays : elles contribuent activement au dialogue et à lacompréhension mutuelle. Les relations entre deux pays sont comme un orchestre,et les Parlements en sont l’un des tous premiers instruments !
Je souhaite que ces échanges parlementaires se poursuivent et serenforcent. Nous disposons de l’un des accords de coopération les plus anciens,entre le Sénat et l’Assemblée nationale vietnamienne : il date de 2003. Etde l’un des groupes d’amitié les plus actifs ! Les champs de coopérationsont très vastes, qu’il s’agisse du travail parlementaire, d’échanges entre lesfonctionnaires de nos assemblées, de sujets d’intérêt commun comme lacoopération en matière de médecine, le développement durable, l’environnement,la politique sociale …
Je suis très attaché à la diplomatie parlementaire : je me suis par exemplerendu, au mois de juillet dernier, en Ukraine pour marquer le soutien de laFrance au peuple ukrainien dans la guerre d’agression menée par la Russie. Jesais combien, de son côté, le Président de l’Assemblée nationale M. Vuong DinhHue est actif et se déplace à l’étranger.
En France, le Sénat représente les collectivités locales - villes, villages,départements, régions… Tout naturellement, je tiens à mettre en valeur, aucours de ma visite, l’importance des liens entre les collectivitésterritoriales françaises et leurs homologues au Vietnam. La coopérationdécentralisée est un pilier fondamental de la relation entre la France et leVietnam, et son dynamisme ne se dément pas.
Ces coopérations débouchent sur des réalisations concrètes, comme à Hanoïavec la région Île de France et la métropole toulousaine, pour la restaurationde certains quartiers historiques ou la gestion du développement urbain, enfaveur d’une ville offrant un meilleur cadre de vie à ses habitants, ou à LaoCai avec le Région Nouvelle Aquitaine, pour le tourisme durable, lapréservation de l’environnement ou l’enseignement du français. Nous devonstravailler à renforcer ces échanges, riches également dans le domaineuniversitaire et la médecine.
Ce sera le cœur des XIIèmes Assises de la coopération décentralisée, qui setiendront à Hanoï en avril prochain.
4. Vous arrivez au Vietnam pour une visite officielle.Pourriez-vous parler de la signification de cette visite ?
Cette visite est la première d’un Président du Sénat français au Vietnamdepuis celle, en 2008, de mon prédécesseur Christian Poncelet. Trop de tempss’était depuis lors écoulé, et il me fallait réparer cette carence.
C’est surtout la 1ère visite que j’effectue en Asie depuis ma réélection àla présidence du Sénat en 2014. Et il ne s’agit pas d’un hasard : du fait de ladensité de nos relations et des perspectives que nous envisageons pourl’avenir, le choix de me rendre au Vietnam pour cette unique visite en Asies’est imposé comme une évidence.
Ma visite entend confirmer la reprise, après lapandémie de Covid-19, des échanges au plus haut niveau entre nos deux pays, àla suite de déplacement officiel en France, en novembre 2021, du Premier ministre Pham MinhChinh, que j’ai eu l’honneur de recevoir au Sénat.
Elle marque aussi l’attachement qui existe en France à l’égard du Vietnam :il traverse toutes les appartenances politiques, et concerne l’ensemble desinstitutions de la République française, dans leur diversité.
Ma visite se veut une marque de confiance. Confiance dans votre pays,confiance dans nos partenariats, confiance dans ce que nous pouvons réaliserensemble, confiance, en un mot, dans notre amitié.
Et, de fait, je serai aux côtés du Président de l’Assemblée nationale M.Vuong Dinh Hue pour lancer les célébrations du 50e anniversaire desrelations diplomatiques entre la France et le Vietnam. Un demi-siècle derelations : c’est une étape fondamentale.
Je sais que notre Ambassadeur travaille activement, avec l’ensemble de sesservices et du réseau français au Vietnam, ainsi que tous nos partenairesvietnamiens, à Hanoï, à Ho Chi Minh Ville, dans les provinces, pour développerun programme sur toute l’année qui sera rythmé par des événements publics –expositions, festivités, rencontres – et des activités diplomatiques etpolitiques pour fêter cet anniversaire.
Ma visite ne fera que donner le signal de départ d’une année qui s’annoncetrès riche et féconde.
5. Est-ce que vous pouvez dévoiler les activités lorsde cette visite et ce que vous attendez ?
Je tiens d’abord à remercier le Président de l’Assemblée nationale M. VuongDinh Hue de son invitation. J’ai hâte de m’entretenir avec lui, afin deresserrer encore les liens parlementaires entre nos deux pays - même si entrele Vietnam et la France, la coopération parlementaire est déjà solide et lesrelations constantes, grâce en particulier aux groupes d’amitié. Il estégalement prévu que je puisse m’entretenir avec le Secrétaire général du Parti,le Président de la République et le Premier ministre.
J’aurai également l’honneur et le plaisir de co-présider, avec le Présidentde l’Assemblée nationale, la cérémonie de lancement des célébrations du 50e anniversaire des relations diplomatiques, lors de laquelle seront révélés lelogo de ces festivités ainsi que certaines des activités prévues en 2023. Ils’agit d’un moment hautement symbolique.
Au cours de ma visite, j’inaugurerai les nouveaux locaux de l’Institutfrançais de Hanoï. Celui-ci s’est déplacé dans deux villas patrimonialesrestaurées par la France, et se donne pour objectif de toucher de nouveauxpublics, en particulier chez les jeunes. L’Institut français a également pourmission de faire rayonner la langue française, que nous avons reçue enhéritage. Cette mission est essentielle : la Francophonie, c‘est certesune langue en partage, mais ce sont aussi des valeurs.
J’ai à cœur d’aller à la rencontre des Vietnamiennes et des Vietnamiens, etde me rendre compte sur le terrain, à leurs côtés, des réalisations de lacoopération franco-vietnamienne. Je visiterai donc le chantier de la ligne 3 dumétro de Hanoi, qui doit ouvrir prochainement, et certains projets d’urbanismeou de restauration du patrimoine conduit par ou avec des acteurs français, àl’image des berges du lac Hoan Kiem ou de certaines villas de l’époquefrançaise en cours de restauration, en lien avec les autorités locales.
Je ne peux pas venir à Hanoï sans me rendre au Temple de la Littérature,symbole de la longue histoire et des traditions du Vietnam, pour lesquellesj’éprouve un vif intérêt et un profond respect. L’École françaised’Extrême-Orient, à laquelle je tiens à rendre hommage, entretient lafascination en France pour votre culture et votre patrimoine, si souventdistingués par l’Unesco.
Enfin, cette visite me permettra de rencontrer la communauté française, àla fois les Françaises et Français du Vietnam, leurs élus, et bien sûr lesreprésentants des entreprises françaises, si présentes dans votre pays. Ilssont tous des acteurs à part entière du dynamisme et de la réussite du Vietnam. - VNA