Hanoï (VNA) - À 66 ans, Hô Thi Dân, du village de Khe Xoong, province de Quang Tri, s’est lancée dans un défi de taille : apprendre à lire et écrire. Son histoire est une source d’inspiration pour de nombreux habitants locaux.
Le village de Khe Xoong, bourg de Krông Klang, district de Dakrông, un jour de printemps. De la porte d’entrée de sa maison, on peut entendre la voie de mère Dân. Les femmes âgées de l’ethnie Vân Kiêu dans les hautes terres de Quang Tri (Centre) s’appellent souvent mère et veulent que les autres l’appellent mère. Mère Dân est en train de s’entraîner à la lecture.
Cette femme de l’ethnie Vân Kiêu aurait peut-être pu commencer ce voyage plus tôt sans son enfance tortueuse. Elle est devenue orpheline à un âge tendre. Dans les hautes terres où la pauvreté et les coutumes dépassées exerçaient encore une influence sur la vie des gens, cela était considéré comme un mauvais présage que personne ne voulait côtoyer.
Heureusement, elle a été adoptée par un parent qui a ignoré les superstitions locales. "À cette époque-là, j’avais la chance de rester en vie, d’avoir quelque chose à manger. Les enfants de mon parent d’accueil n’étaient pas envoyés à l’école, donc je n’ai pas osé en rêver non plus", partage mère Dân avec enthousiasme.
Son quotidien durant l’enfance, ce furent les travaux des champs et ménagers. Elle pleurait souvent en pensant "si seulement mes parents étaient encore en vie".
Au fil des ans, ses mains devinrent rouges d’encre car elle devait utiliser ses empreintes digitales chaque fois qu’elle avait besoin de "signer" un papier. "Les gens appliquaient l’encre sur mes doigts et me disaient de les appuyer sur la feuille, alors j’ai suivi sans rien savoir de ce qui était écrit sur les pages. Ces doigts maculés d’encre étaient ma douleur, celle d’être analphabète", raconte-t-elle.
Elle a encouragé ses quatre enfants à aller à l’école même si cela signifiait qu’elle devait travailler très dur dans les champs pour payer les frais de scolarité
et acheter les fournitures scolaires. Malheureusement, aucun de ses enfants n’a été capable de surmonter les nombreux obstacles et tous ont abandonné avant la fin de leurs études secondaires.
Apprendre pour ne pas avoir de regrets plus tard
Le 5 juin 2021 est une date qui restera à jamais gravée dans l’esprit de mère Dân. C’était le tout premier jour où cette femme de 66 ans est allée à l’école, lorsque l’Association des femmes du bourg de Krông Klang a ouvert un cours d’alphabétisation. Entendant les enfants s’appeler à l’école, mère Dân voulait aussi les rejoindre mais elle était trop gênée pour pousser la porte.
"Dans cette région, les gens de mon âge commencent déjà à réfléchir à l’endroit de leur dernière demeure. Alors aller à l’école, quelle folie. Et que cela apporterait-il de toute façon ?", confie-t-elle. La classe, cependant, avait lieu près de sa maison et le son des jeunes élèves apprenant à épeler les mots devint trop difficile à supporter.
Un jour, elle a pris son courage à deux mains et a poussé la porte. Elle a exprimé ses vœux à Phan Thi Chung, présidente de l’Association des femmes du bourg de Krông Klang, organisatrice de cette classe.
"Au début, la classe comptait 24 élèves. Et puis le troisième jour, nous avons été très surpris de voir mère Dân entrer et demander à nous rejoindre, se souvient Mme Chung. Elle a dit qu’elle devait apprendre à lire et écrire pour ne pas avoir de regrets plus tard".
À 66 ans, les études sont un grand défi pour Hô Thi Dân. Ses mains habituées à travailler dans les champs avec des pioches et des machettes avaient du mal à tenir un stylo, tandis que ses yeux se tendaient à force d’essayer de lire des lettres et des chiffres.
Connaissant ses difficultés, les enseignantes lui ont prêté main forte pour l’aider à progresser. Mais la classe a dû être fermée en raison de l’épidémie de COVID-19. Quand elle a rouvert, Mme Dân était encore plus excitée que les enfants. Son histoire est devenue une grande source d’inspiration pour de nombreuses autres personnes de la région de l’ouest de Quang Tri.
Après deux mois, mère Dân a réalisé son rêve de lire des mots sur ses papiers personnels : carte d’identité, carte d’assurance et livret familial. Ses doigts ne sont plus tachés de rouge. Peu à peu, elle étudie seule et elle s’est déjà inscrite pour le prochain cours. Pour elle, les études ne visent pas seulement à savoir lire et écrire mais aussi à lui procurer de la joie.
"Maintenant, j’étudie non seulement pour moi-même, mais aussi pour mes enfants, et pour ceux qui sont analphabètes et timides", affirme-t-elle. -CVN/VNA