Si le pays compte environ 200 espaces de création artistique, Hanoï en concentre 115. La capitale millénaire inspire et nourrit la passion de la créativité.
Créé en 2017, l’espace créatif “O kia Hà Nôi”, situé dans la rue Hoàng Hoa Tham (arrondissement de Ba Dinh), est géré par la réalisatrice Nguyên Hoàng Diêp. Elle y organise durant les week-ends des projections cinématographiques et des rencontres entre les cinéastes et le public amoureux du 7e art. Ces événements se déroulent à OKIA CINEMA, “la salle obscure la plus petite au monde”, comme la surnomme Nguyên Hoàng Diêp elle-même.
Dô Viêt Dung, domicilié dans la rue Kim Ma (arrondissement de Ba Dinh), fait savoir qu’il aime bien regarder les films projetés dans cet espace car il trouve la sélection intéressante. “La façon d’appréhender le cinéma est spéciale ici”, explique le visiteur. Avant et après chaque projection, la réalisatrice anime des art-talk, “des échanges ouverts et chaleureux entre artistes et public, contribuant à inspirer la créativité et à réunir les cinéphiles”.
Passion et difficultés
La capitale regorge d’espaces de créativité à l’image d’“O kia Hà Nôi“ : Hanoi Rock City dans la rue Tô Ngoc Vân, arrondiss-ment de Tây Hô, “60s Thô Quan“ dans l’arrondissement de Dông Da, le Centre d’art contemporain Vincom (VCCA), les rues piétonnes autour du lac Hoàn Kiêm pour n’en citer que quelques-uns...
Ces espaces sont portés par la passion des artistes et des amoureux de la culture et des arts. Leur point commun réside dans leur autonomie financière et leur interactivité avec le public.
En réalité, ces lieux servent à relayer les activités créatives des artistes et permettent au public d’accéder aux arts par le biais d’approches différentes. Ils constituent la part la plus dynamique du domaine culturel dans la ville, à la fois proche et au service du public. D’un point de vue économique, ils contribuent à promouvoir l’industrie culturelle et à créer de l’emploi.
Si les espaces de création artistique se développent en enrichissant la vie culturelle des habitants de la capitale, apportant un intérêt spirituel à la société, ils sont considérés comme des entreprises ordinaires. Certains locaux sont trop étroits, ce qui limite les activités artistiques qui s’y déroulent. De plus, celles-ci ont un caractère expérimental à haut risque. Sans oublier que leurs gérants sont principalement des artistes qui manquent souvent de compétences commerciales et peinent à administrer une entreprise à caractère spécial. C’est la raison pour laquelle de nombreux établissements font faillite et doivent mettre la clé sous la porte.
Les autorités, malgré leurs efforts, n’ont pas encore enclenché de mécanisme de soutien au développement de ces fameux espaces.
Le directeur de l’Institut de recherche culturelle et artistique, Bùi Hoài Son, explique que des politiques de soutien sont nécessaires. Ces hubs ont besoin des aides de l’État pour la location, à travers l’exemption ou la réduction d’impôts ou un accès privilégié aux prêts pour en assurer le bon fonctionnement.
“Il ne faut pas traiter les espaces de création comme des entreprises ordinaires”, affirme le président du Club des entrepreneurs créatifs (VCE Club), Lê Quôc Vinh. “Hanoï doit aider ces entreprises hors normes dans leurs activités. Elle doit perfectionner sa politique culturelle rapidement pour favoriser le développement des espaces créatifs”, indique-t-il.
Vitalité et créativité
Alors que la ville n’a pris aucune mesure pour promouvoir le fonctionnement des espaces de création artistique, certains organes sont prêts à soutenir leurs activités.
La directrice adjointe du comité de gestion du Vieux quartier de Hanoï, Trân Thuy Lan, déclare que l’administration qui gère l’espace culturel “Fresques de la rue Phùng Hung” et les patrimoines du Vieux quartier souhaite coopérer avec les espaces créatifs pour offrir plus d’arts aux habitants et visiteurs des 36 rues et corporations (l’ancien nom du Vieux quartier - Ndlr).
Hanoï a rejoint en octobre 2019 le Réseau des villes créatives de l’UNESCO, plaçant la créativité au cœur du développement durable. Par conséquent, il devient de plus en plus essentiel pour la ville de promouvoir l’ouverture et le développement des hubs créatifs.
Suite à l’adhésion de la capitale vietnamienne au Réseau des villes créatives de l’UNESCO, le gouvernement a mis en place quelques premières mesures pour soutenir ces espaces, dont la promotion des partenariats public-privé entre des institutions culturelles gérées par l’État et des hubs créatifs privés. Cela a pour effet de stimuler les forces inhérentes à chacun des deux secteurs, de promouvoir rapidement le développement des espaces de création artistique et , en même temps, de contribuer à enrichir les activités culturelles de la ville.
Par son passé millénaire, Hanoï est riche en patrimoines culturels. En tant que point de convergence et de rayonnement, elle est un aimant à talent et à créativité du pays. L’ouverture et le développement des espaces de création artistique affirme ce potentiel et consolide son label de ville créative.
En mesure d’harmoniser les relations entre conservation et développement de la ville, ces lieux apportent une nouvelle aura à Hanoï. Trân Thi Thanh Thuy, experte du Bureau de l’UNESCO au Vietnam, remarque que les parcs d’attractions et la créativité communautaire doivent être prioritaires lors de la planification et de l’aménagement des zones urbaines. La capitale pourrait implanter des espaces de création dans les zones polluées et délaissées afin de leur donner un nouveau souffle et une nouvelle vitalité, comme elle l’a déjà fait dans le quartier de Phuc Tân de l’arrondissement de Hoàn Kiêm. - CVN/VNA