Hanoi (VNA) – Suite à la visite emblématique au Vietnam en mai dernier du président Emmanuel Macron et une série d’accords bilatéraux majeurs, les relations franco-vietnamiennes prennent un nouvel envol, audacieux et prometteur. Économie, transition énergétique, transports durables, innovation,… Autant de défis cruciaux que les deux pays affrontent main dans la main. À l’occasion de la Fête nationale française, le 14 juillet, Olivier Brocher, ambassadeur de France au Vietnam, nous livre un regard éclairé sur ces progrès déterminants et les ambitions stratégiques qui façonneront l’avenir de cette coopération renforcée.
- Monsieur l’ambassadeur, quelles avancées majeures illustrent aujourd’hui la nouvelle dynamique des relations franco-vietnamiennes?
Je crois qu’il y a trois termes qui permettent de qualifier justement cette dynamique de la relation franco-vietnamienne qui est tout à fait exceptionnelle, tout à fait positive. Le premier, c’est l’amitié. Je souligne cela parce que je crois que c’est une des caractéristiques fortes de la relation entre la France et le Vietnam, marquée par une longue histoire partagée, avec ses hauts et avec ses bas, qui fait que la relation entre la France et le Vietnam est une relation unique, et que nos deux pays sont attachés à ce caractère unique de cette relation, en ayant la capacité de regarder sereinement le passé, y compris dans ses instants les plus tragiques. Et nous l’avons démontré l’an dernier, au mois de mai 2024, lorsque le ministre des Armées s’est rendu à Diên Biên Phu pour le 70e anniversaire de la bataille. Et puis cette année, à l’occasion de sa visite au Vietnam, le président de la République Emmanuel Macron et le secrétaire général Tô Lâm ont planté ensemble un arbre de l’amitié, dans le parc du Palais présidentiel, à deux pas de la place Ba Dinh, où il y a 80 ans, le président Hô Chi Minh a proclamé l’indépendance du pays.
Le deuxième terme qui caractérise notre relation, c’est le partenariat stratégique global, qui a été l’acquis majeur du déplacement du secrétaire général, Tô Lâm, à Paris, au mois d’octobre dernier, et sur lequel nos deux pays ont travaillé très activement depuis huit mois, pour aboutir, au moment de la visite du président de la République, à un très grand nombre d’accords, qui sont en fait la première traduction de ce partenariat stratégique global.
Et puis le troisième terme qui caractérise le développement de nos relations, c’est la confiance. Ce n’est pas pour rien que le président de la République a commencé son voyage en Asie du Sud-Est par le Vietnam, parce que nous avons une relation spécifique avec le pays et parce que le président voulait exposer à ses interlocuteurs vietnamiens, à la fois ses analyses sur l’évolution de la situation internationale et notre volonté de travailler en toute confiance avec le Vietnam. Et tout cela s’est traduit dans une qualité tout à fait exceptionnelle des échanges qu’il a eu avec tous ses hauts interlocuteurs vietnamiens pour justement identifier la manière dont nos deux pays peuvent mieux contribuer à la stabilité internationale, à la paix, à la défense du droit international et à la régulation de l’ordre international.
- Dans un contexte de tensions commerciales mondiales, quels sont, selon vous, les enjeux et les leviers prioritaires pour renforcer le partenariat économique entre la France et le Vietnam?
Il y a un atout majeur dans ce domaine-là, que le Vietnam est l’un des deux pays de la région à avoir un accord de libre-échange en vigueur avec l’Union Européenne depuis plusieurs années. Et cet accord de libre-échange, il est très important pour le Vietnam comme pour l’Union Européenne parce que c’est un accord juste, équilibré. C’est un accord qui donne de la prévisibilité sur l’évolution des relations commerciales. Nous souhaitons que cet accord de libre-échange soit reconnu comme étant quelque chose de favorable à la relation entre le Vietnam et l’Europe, et que cet accord de libre-échange soit appliqué de façon complète par les deux parties. Nous devons veiller évidemment à ne pas avoir de barrières non tarifaires qui se mettraient en place et qui fausseraient cet accord de libre-échange. En tout cas, ce que nous constatons, c’est qu’il a permis une hausse régulière des échanges commerciaux entre le Vietnam et l’Union Européenne, largement a bénéfice du Vietnam, qui en tire grandement partie, mais nous savons que sur le long terme, il y a un rééquilibrage qui va se faire et qu’en tout cas, c’est au bénéfice à terme des deux parties.
- La coopération franco-vietnamienne en matière d’innovation est fortement encouragée, et notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle et de la santé. Pouvez-vous nous parler du développement de la coopération entre nos deux pays dans ce domaine?
C’est effectivement un domaine qui est clairement au cœur du partenariat stratégique global, qui a été mentionné notamment dans les déclarations conjointes franco-vietnamiennes du mois d’octobre et du mois de mai lorsque le président Emmanuel Macron est venu, et que nous prenons au plus grand sérieux dans nos deux pays. D’une part parce que le Vietnam a fait de l’innovation, de l’investissement dans la recherche un axe très fort de son développement – c’est la résolution 57 publiée en décembre dernier - et d’autre part parce que la France a des capacités qu’elle souhaite pouvoir mettre à disposition du Vietnam pour l’accompagner dans cette voie.
Je prendrais trois symboles de notre engagement commun autour de l’innovation. Le premier c’est que lors de la visite du président de la République, nous avons signé un accord intergouvernemental sur la recherche, qui vise à renforcer les échanges, la coopération entre nos laboratoires de recherche entre nos universités, et à favoriser les échanges de chercheurs également. Le deuxième engagement, c’est celui qui est pris par nos entreprises, que ce soit dans des projets qu’elles ont déjà engagés, ou dans le cadre de grands projets auxquels nous nous intéressons, et cet engagement, c’est pour que les entreprises apportent avec elles non seulement le meilleur de la technologie qui existe en France, mais également une grande part de transferts de compétences, de formations, de transferts de technologies qui permettent au Vietnam de progresser dans son développement et d’atteindre les objectifs qui ont été fixés par le secrétaire général du Parti Communiste. Et puis le troisième axe, c’est celui de la formation des jeunes Vietnamiens. En encourageant les jeunes Vietnamiens à venir plus nombreux faire leurs études en France, nous offrons de nombreuses bourses - 3 millions d’euros par an en bourse pour des jeunes Vietnamiens - ce qui fait du Vietnam le troisième pays bénéficiaire du système des bourses françaises. Mais même sans bourse, venir étudier en France, c’est la possibilité d’étudier à très bon coût puisque les études en France sont largement subventionnées par l’État, et de pouvoir faire les études du meilleur niveau international possible. Et tout au long de cette année 2025 jusqu’à la fin 2026, nous allons avoir de très nombreux événements organisés en partenariat avec le National Innovation Center qui vont permettre aux jeunes Vietnamiens, aux chercheurs, aux entreprises vietnamiennes de mieux connaître, de mieux appréhender toute l’offre de coopération française en la matière.
- Le Vietnam et la France partagent le même objectif d’atteindre une économie décarbonée d’ici 2050 et dans ce contexte, quels sont les axes de coopération prioritaire entre nos deux pays dans le domaine des énergies renouvelables et de la transition énergétique juste?
L’engagement du Vietnam en vue d’une neutralité carbone en 2050 est vraiment un engagement très important. Nous saluons l’engagement du Vietnam et nous sommes engagés, avec nos partenaires de l’Union Européenne en particulier, aux côtés du Vietnam pour l’aider à atteindre ses objectifs. Trois ans après la signature du Pacte de Paris sur les peuples et la planète qui montre que nous devons accompagner tous les pays en développement dans la réussite de leur développement pour qu’ils n’aient pas à choisir entre développement et lutte contre le réchauffement climatique, nous avons montré dans les derniers mois que nous pouvons avancer positivement. Et cette question de l’accompagnement dans la transition énergétique est au cœur du partenariat stratégique global entre nos deux pays et elle a été extrêmement importante dans les échanges qui ont eu lieu à l’occasion de la visite du Président de la République. Il a eu notamment une réunion avec tous les acteurs vietnamiens politiques et économiques en charge de ces questions de transition énergétique, centrées notamment sur la question du développement du programme nucléaire vietnamien, mais pas seulement. Un certain nombre d’entreprises françaises étaient là ou plus haut niveau avec le Président de la République, EDF bien entendu, Grignolo, Air Liquide, Hydrogène de France et d’autres qui sont là avec des solutions technologiques et la volonté d’investir aux côtés de partenaires vietnamiens dans la transition énergétique.
Et dans le domaine le plus particulier du nucléaire, qui est un très grand enjeu pour le Vietnam et pour lequel la France est reconnue comme partenaire qui a des capacités particulières, le dialogue se poursuit à la fois pour bien comprendre les besoins du Vietnam, la façon dont la France peut y répondre, sachant que ces besoins sont considérables depuis la formation des ressources humaines, l’accompagnement dans la mise en place d’une réglementation adaptée, d’autorités de sûreté nucléaire, jusqu’aux projets industriels et aux questions de traitement du combustible.
- La coopération franco-vietnamienne dans le domaine de transports durables, notamment ferroviaire, et porteuse d’espoir? Auriez-vous des avancées récentes ou des projets prometteurs à partager?
Alors évidemment on s’appuie en la matière dans l’expérience de la coopération bilatérale. Le meilleur exemple, la meilleure réalisation, c’est la ligne 3 de métro de Hanoi qui fonctionne dans sa partie aérienne depuis le mois d’août de l’année dernière et je crois qu’elle fonctionne très bien. Elle a été visitée d’ailleurs par plusieurs personnalités françaises qui sont venues dans les derniers mois. Les travaux se poursuivent maintenant sous terre et nous espérons évidemment que très rapidement l’ensemble de la ligne et sa prolongation pourra être achevée dans les meilleurs délais au bénéfice de la population. Et nous suivons avec attention bien entendu les appels d’offres qui pourront arriver dans les prochains mois, dans les prochaines années pour de nouvelles lignes de métro à Hanoi ou à Hô Chi Minh-Ville. Depuis plusieurs mois, nous avons des échanges très réguliers au niveau institutionnel avec la SNCF et Vietnam Railways. Et puis le Premier ministre Pham Minh Chinh, lorsqu’il est venu en France au mois de juin, s’est rendu au siège de la SNCF où il a eu des échanges très importants avec le président-directeur général de la SNCF pour mieux comprendre l’offre de coopération des chemins de fer français et des entreprises françaises. Et donc il a invité évidemment à poursuivre les discussions à la matière. Et puis nous avons suivi aussi les évolutions en cours, notamment les projets que Vingroup semble avoir en la matière et des contacts sont déjà établis entre des entreprises françaises et Vingroup. Bref, tout l’écosystème français dans le ferroviaire se met en ordre de marche pour bien comprendre les besoins, bien repérer ce que nous pouvons faire en termes de conseils, suivre les appels d’offres, candidater... Donc le mouvement est lancé maintenant.
- Le Vietnam vient d’engager sa plus vaste réforme administrative depuis plusieurs décennies. Quel regard portez-vous sur cette transformation et sur ses effets potentiels pour le renforcement de la coopération franco-vietnamienne?
Comme tous les observateurs étrangers, nous sommes tous très impressionnés à la fois par l’ampleur des réformes qui ont été engagées, par le rythme auquel ces réformes sont menées, et par les premiers résultats que nous observons, que ce soit dans la réforme au niveau des administrations centrales ou au niveau des provinces. Nous saluons les objectifs qui ont été fixés par le secrétaire général en termes de débureaucratisation de la décision, d’accélération des processus de décision. Nous espérons voir très vite les premiers résultats concrets de cette transformation qui permettra, je n’ai aucun doute, un renforcement de la coopération et des échanges entre la France et le Vietnam. En tout cas, nous sommes entièrement disponibles, dans le cadre notamment de notre très bonne coopération administrative, à continuer d’apporter des soutiens aux administrations vietnamiennes, que ce soit au niveau central comme au niveau local, pour les aider dans leur processus de transformation, dans la formation des ressources humaines. J’étais récemment encore à l’Académie Hô Chi Minh, avec laquelle il y a un partenariat important qui a été développé et nous espérons continuer d’accueillir un assez grand nombre de fonctionnaires et de hauts fonctionnaires vietnamiens dans des formations en France, à l’INSP, à l’Institut National du Service Public, ou dans d’autres grandes écoles de l’administration française, pour être dans l’échange et dans la transmission d’un certain nombre de compétences ou simplement d’expériences que nous avons aussi de la transformation de l’administration. C’est ça aussi que nous mettons sous le terme d’un partenariat stratégique global et de confiance entre nos deux pays. – VOV/VNA