Hanoi (VNA) - Depuis une trentaine d’années désormais, Paris Europlace contribue à faire de Paris un centre financier de référence, en réunissant banques, entreprises, régulateurs et experts pour bâtir un écosystème solide et transparent. Aujourd’hui, face à l’essor du Vietnam et à l’évolution rapide du marché financier, l’organisation souhaite partager son expérience pour accompagner le Vietnam dans la création de centres financiers modernes et attractifs. De la finance verte aux actifs numériques, Olivier Vigna, délégué général adjoint de Paris Europlace, revient avec la radio "La Voix du Vietnam" sur les perspectives de coopération entre Paris et le Vietnam
- Comment Paris Europlace a-t-elle su fédérer autant d’acteurs économiques et financiers pour faire de Paris un centre financier de rang mondial ?
Il s’agit de réunir sous une même enseigne un grand nombre d’acteurs qui financent l’économie, qui créent des emplois et qui attirent des entreprises venant de l’étranger, afin que la richesse nationale soit plus importante dans un contexte où l’économie mondiale est de plus en plus influencée par les grandes métropoles qui sont spécialisées dans certains domaines financiers. Les années 1990 ont été absolument décisives pour prendre acte des mutations et des changements technologiques du secteur financier. Mais ce qui était très important à ce moment-là, c’est de ne pas rester au sein du seul secteur financier, mais d’avoir également avec nous des entreprises, des consultants, des cabinets d’avocats, les autorités de régulation, de supervision, la banque centrale et d’autres acteurs. Ce qui est très important, en fait, c’est d’avoir un système juridique qui soit adapté au monde moderne.
- Selon vous, quels sont les éléments juridiques les plus importants pour établir un centre financier international compétitif?
Ce que les acteurs, qu’ils soient financiers ou pas, indiquent, c’est qu’il y a trois principales caractéristiques qui sont essentielles. D’abord, c’est la transparence ou l’intelligibilité: il est absolument essentiel que le système juridique soit compris, qu’il soit clair, qu’il soit compréhensible pour les acteurs qui doivent appliquer le droit.
Le deuxième point, c’est la stabilité. Il est important que les entreprises et les acteurs financiers qui ont fait l’effort de comprendre et d’appliquer le droit puissent le faire pendant un certain nombre d’années si possible : qu’il y ait une forme de stabilité, de pérennité…
Le troisième élément important, c’est la prévisibilité, c’est-à-dire la capacité à anticiper les changements. Évidemment le droit s’adapte, il ne peut pas rester immuable parce que l’environnement lui-même change très rapidement. Mais il faut néanmoins qu’il y ait une certaine prévisibilité dans ces changements à venir du système juridique.
- En prenant appui sur l’expérience française, quels sont selon vous les mécanismes et les politiques d’incitation les plus efficaces pour assurer le succès dans la création et le développement de centres financiers?
Je pense qu’il y a deux conditions de succès, la première condition c’est de travailler en collectivité. L’important, c’est de construire un véritable écosystème, c’est-à-dire qu’il faut que tous les acteurs intéressés par un centre financier international puissent collaborer: les acteurs financiers, les banques, les assurances, les gestionnaires d’actifs, mais aussi les grandes entreprises, les entreprises de consultation et les autorités de régulation et de supervision.
La deuxième condition du succès, c’est d’avoir des spécialisations. Pour le Vietnam, je pense qu’il y en a deux principales: la première c’est l’innovation technologique, et la deuxième, c’est la transition énergétique, la finance durable… Sur ces deux points, je pense que Paris Europlace, et la France en général, peuvent beaucoup apporter parce que ce sont deux spécialisations que nous avons aussi beaucoup développées, et nous serions très heureux de partager les acquis que nous avons pu engranger au cours des décennies récentes.
- Le Vietnam accorde une grande importance à la réforme institutionnelle afin de faciliter l’investissement et les affaires. Comment évaluez-vous ces efforts et à quoi le Vietnam devrait-il prêter attention dans la réforme de ses institutions financières?
Je pense que réussir à développer un centre financier international repose sur deux conditions principales. La première, c’est le dialogue avec toutes les parties prenantes. Il est essentiel que les autorités restent à l’écoute des acteurs qui promeuvent l’innovation, créent des emplois et financent l’économie: c’est la base de la concertation et du dialogue. La seconde condition, selon moi, c’est la capacité d’adaptation permanente. Il faut être en veille constante pour s’ajuster à un environnement en évolution rapide. Aujourd’hui, l’innovation technologique s’accélère de manière exponentielle, et le dialogue doit s’appliquer à cet environnement mouvant. Avec concertation, adaptabilité et veille technologique, toutes les conditions sont réunies pour construire un centre financier international performant et durable.
- Quelles sont vos attentes et vos projets de coopération entre Paris Europlace et les acteurs financiers et économiques vietnamiens dans les années à venir?
Nous souhaitons vivement renforcer et approfondir nos liens de coopération avec les autorités vietnamiennes, ainsi qu’avec l’ensemble des acteurs économiques, financiers et institutionnels du Vietnam. C’est un pays très important et extrêmement dynamique en Asie, et nous sommes convaincus que son rôle sur la scène économique asiatique va continuer de croître dans les années à venir. Nous souhaitons partager avec les autorités et tous les acteurs vietnamiens l’expérience acquise par Paris dans la construction d’un centre financier performant, qui a été un moteur de création d’emplois, de développement économique et de prospérité nationale. Il est essentiel que cette expérience puisse être discutée avec tous les partenaires vietnamiens intéressés, et nous les invitons dès à présent à venir à Paris pour échanger directement avec nous.
- Que peut apprendre le Vietnam de l’expérience de Paris en matière de développement de marchés financiers verts et de mobilisation de capitaux pour la transition énergétique?
La transition énergétique est un enjeu majeur pour Paris Europlace, car elle illustre parfaitement la nécessité d’une collaboration entre toutes les parties prenantes de notre écosystème. Ce que Paris peut partager avec le Vietnam sur ce sujet, c’est justement cette capacité à faire travailler ensemble ceux qui financent l’économie, ceux qui émettent des gaz à effet de serre et ceux qui établissent les règles : investisseurs, entreprises et autorités.
En 2023, nous avons créé un Institut de la finance durable afin de réunir ces acteurs autour de projets communs. Nous avons publié de nombreux documents disponibles sur notre site internet et serions très heureux d’échanger plus en détail avec le Vietnam sur ces thématiques essentielles pour tous les pays.
- L’un des points forts du marché financier international au Vietnam est la mise en œuvre pilote des actifs numériques. Que pensez-vous de cette politique visant à attirer les capitaux des organisations internationales au Vietnam?
C’est un très bon choix. Je pense qu’il est absolument décisif que le Vietnam se spécialise dans l’innovation technologique de pointe. On observe d’ailleurs une forte modernisation du secteur financier, tant au niveau des infrastructures que des instruments et des actifs. Aujourd’hui, avec la blockchain, la technologie des registres distribués, la tokenisation, les monnaies numériques de banque centrale ou encore les crypto-actifs et les cryptomonnaies stables, le pays mise sur des leviers essentiels de compétitivité. Ces innovations attirent non seulement les institutions financières, mais aussi une nouvelle génération d’investisseurs, d’épargnants et de ménages désireux de participer activement au développement du secteur financier. Le Vietnam fait donc un choix particulièrement judicieux en s’engageant dans cette voie. – VNA