Hà Giang (VNA) – "Dominer le chant du coq" est l’une des coutumes les plus originales de l’ethnie Pu Péo. Sa pratique, juste au moment du réveillon, apporte, dit-on, chance et bonheur.
Parmi les 53 ethnies minoritaires du Vietnam, celle Pu Péo est l’une des moins peuplées - environ 700 habitants - disséminés dans certains districts montagneux les plus reculés de la province de Hà Giang (à l’extrême Nord du pays). À la différence d’autres ethnies qui se regroupent en communauté à part, les Pu Péo vivent isolés aux sommets de montagnes, dans des vallées reculées, ou coexistent avec d’autres ethnies, notamment H’mông et Tày. De génération en génération, les Pu Péo ont su garder leurs traditions millénaires, dont certaines très surprenantes.
Les Pu Péo possèdent un trésor culturel et littéraire varié, avec bon nombre de proverbes, d’adages et de maximes, de chansons folkloriques et de chants culturels. Des épopées racontent l’origine des hommes et des Pu Péo, qui menaient autrefois une vie nomade.
Traditionnellement, les maisons des Pu Péo s’adossent aux montagnes ou forêts, et font face aux champs. Il s’agit des Nhà trinh tuong (maison aux murs en terre d’une épaisseur de 0,5 à 0,8 m), à trois ou à cinq travées. La porte principale s’ouvre au centre du mur avant, en haut duquel sont percées cinq fenêtres. La maison des Pu Péo se caractérise par les piédestaux en pierre supportant les battants de porte, où est gravée l’image d’un coq à côté d’un soleil. "Cette image symbolise la concordance entre le yin et le yang, et cela apporte la prospérité", affirme un géomancien.
Chanter plus fort que le coq
C’est avec cette conception de vie qu’est apparue chez l’ethnie Pu Péo une coutume sacrée, appelée "Dominer le chant de coq" (Cuop giong gà en vietnamien). Une coutume originale qui se pratique juste au moment du passage à la nouvelle année.
D’ordinaire, les coqs chantent la nuit toutes les deux heures. Dans ce silence, leurs chants s’avèrent plus forts que jamais. "Pour les Pu Péo, les chants nocturnes des coqs sont sacrés, du fait qu’ils peuvent même réveiller le soleil - symbole de ce qui brille, de la bienfaisance ou du pouvoir éclatant… Pour cette raison, celui qui parvient à dominer, de sa voix, le chant des coqs s’attirera chance, réussite et bonheur au cours de l’année qui débute", précise un vieillard Pu Péo.
Ainsi, avant les 12 coups de minuit le dernier jour de l’an, on veille sur les coqs enfermés dans le poulailler. Au moment où les coqs battent des ailes avant de chanter, on jette un pétard. Effrayés, ils se mettent à chanter bruyamment. Aussi tôt, toute la maisonnée élève la voix dans l’intention de dominer leurs chants. "On affirme une puissance plus grande que celle du coq, et cela est de bon augure pour l’avenir !", révèle-t-il.
Le Têt traditionnel (Nouvel An lunaire) est accueilli par les Pu Péo à travers des coutumes uniques. Les familles préparent deux sortes de bánh chung (gâteau carré de riz gluant farci de viande et de haricot) : noir (riz gluant violet) pour le festin de fin d’année, et blanc (riz gluant blanc) pour celui de bienvenue à la nouvelle année.
Les bienfaisants Génies des eaux et forêts
À l’aube du premier jour du Têt, avec sur les épaules une palanche où sont accrochés deux grands seaux, les adolescents partent chercher de l’eau au ruisseau du coin. "C’est l’heure où le Génie du ruisseau donne de l’eau d’or et d’argent ", explique un autochtone. Au bord du ruisseau, on brûle des bâtonnets d’encens, tout en priant pour que le génie accorde ses faveurs ; puis de l’eau est puisée au milieu du ruisseau et des papiers votifs sont déposés dans les seaux. "C’est ainsi que les Pu Péo expriment leur souhait pour une année à la météo clémente", ajoute l’autochtone.
Le rituel de culte dédié au Génie de la forêt est aussi un événement important dans la vie spirituelle des Pu Péo. L’occasion de rendre grâce au Génie protecteur de leur ethnie. La cérémonie est organisée annuellement, le 6e jour du 6e mois lunaire, journée estimée comme la plus sereine et la plus sacrée de l’année, car les forces céleste et terrestre s’accordent.
Dans la forêt profonde, un autel haut de 2 m est érigé à l’ombre d’un grand arbre, sur lequel sont déposées des offrandes : riz gluant, coq bouilli, plats de viande de porc, de chèvre, de bœuf… En présence de tout le monde, le sorcier allume des bâtonnets d’encens, se prosterne devant l’autel, et prie pour la santé, la prospérité et la vie paisible des habitants, une météo favorable à de bonnes récoltes…
Avant la fin de la cérémonie, le sorcier demande la permission au Génie de la forêt de planter de jeunes plantes sur les collines dénudées. En tout cas une chose est sûre : forts de la confiance en leur Génie protecteur, les Pu Péo sont les plus conscients de l’importance de sauvegarder les forêts primitives et de reboiser les terrains incultes. – CVN/VNA