Sa Pa, le «Pays Bleu» à 350 km de Hanoi, àprès de 2.000 mètres d’altitude, est situé dans un magnifique cirque decroupes verdoyantes parsemées de villages de minorités ethniques et derizières en terrasses.
Il y a plus d’un demi-siècle,l’écrivain Nguyên Thanh Long (1925-1991) a écrit une nouvelle assezcélèbre intitulée " Dans le silence de Sa Pa " . Ce siteétait alors très peu fréquenté. Dans son œuvre, l’auteur chante labeauté d’âme d’un jeune technicien qui, seul dans la Station météocomplètement isolé de Sa Pa, trouve un sens à la vie en se consacrant àune tâche obscure mais d’une grande importance pour son pays.

Ci-dessous est la traduction d’un extrait de cette nouvelle.
(" Le car fait une halte au mont Yên Son, altitude 2.600 mètres. Deuxvoyageurs, un vieux peintre et une jeune fille ingénieur, découvrentavec admiration un météorologiste de vingt-sept ans qui vit en ermitemais aime son métier, les hommes et la nature " ).
… La jeunefille, pousse un «oh» de stupéfaction. À quatre cents kilomètres deHanoi, après deux jours de voyage, dans les nuages et la brume, à lahauteur d’un arc-en-ciel, il y a une véritable explosion de fleursjaunes, violettes et rouges des pivoines, des dahlias, desbelles-de-nuit… parmi des ruches d’abeilles. Et dire qu’au pied de lamontagne, c’est l’été brûlant.
Ravie au point d’oubliertoute réserve, l’invitée court vers le maître de la maison qui lui offreun bouquet comme à une vieille amie. Elle accepte les fleurs aussisimplement.

Rizières en gradins à Sa Pa. Photo : CTV
- Laissez-moi, lui dit-il, en ajouter quelques-unes.
Après,libre à vous d’en cueillir autant que vous voudrez. Faites un énormebouquet, videz mon jardin si vous le pouvez. Les plantes poussent icisans difficultés. Pivoines, dahlias, belles-de-nuit, tournesols, quesais-je encore !
Mais comment pourrais-je marquer ce jour faste ?
Vousêtes mon deuxième convoi de visiteurs depuis le Têt. Mademoiselle vousêtes la première Hanoïenne à mettre les pieds chez moi depuis quatreans.
Il a une manière émouvante et charmante d’exprimer tout hautses pensées. Le bouquet contre sa poitrine, elle le regarde droit dansles yeux. Troublé par ce regard, il essuie une goutte de sueur sur sonnez, sourit et demande d’une voix plus basse :
- Vous êtes membre des Jeunesses ?
- Ouis, répond-elle doucement.
- Alors laissons de côté la cueillette des fleurs, s’écrit-il comme s’il se réveillait d’un songe.

Vente d’articles de broderie à Sa Pa. Photo : Linh Thao
Vent, pluie, soleil et neige
Lechauffeur ne vous donne que trente minutes. Cinq minutes sont déjàpassées. Laissez-moi vous mettre au courant de mon travail en quelquesminutes. Il en reste vingt. Vous prendrez un peu de thé et me parlerezdu bas pays. J’ai grande envie d’avoir des nouvelles. Mes occupationsgravitent autour de ces appareils en plein air, que vous trouvez dansn’importe quelle station de météo. Cette chaîne de montagnes a uneinfluence prépondérante sur la mousson du nord-est qui souffle sur leNord de notre pays. Ma tâche consiste à mesurer le vent, la pluie, lesoleil, les mouvements sismographiques, à sonder les nuages, à prévoirle temps qu’il va faire chaque jour. Voici mes instruments.
Cebaquet sert à mesurer la pluie : il suffit de verser l’eau de pluie dansun verre gradué pour avoir une estimation exacte. Voici un appareilpour enregistrer la lumière du soleil : les rayons pénètrent à traversce verre, brûlent ce morceau de papier, la quantité de soleil estdéterminée d’après le degré et la forme de la brûlure produite. Ceci estun thermographe, l’intervalle entre les dents de la roue permet deprévoir le vent. La nuit, quand il n’y a pas de nuages, je repère ladirection du vent en observant les feuilles ou les étoiles. Je notecelles qui manquent, et celles qui brillent. Là, en profondeur, setrouve le sismographe qui mesure les secousses de la croûte terrestre.J’enregistre les chiffres et les transmets à la «maison» par radio : àquatre heures, onze heures, sept heures du soir, une heure du matin, lesheures de «pointe» comme nous disons. Le travail n’est pas biencompliqué, c’est l’exactitude qui compte. Mais c’est le boulot fait àune heure du matin qui est le plus dur. Il fait froid, parfois il neige.

Paysage nocturne
En pleine nuit, quand on estemmitouflé dans une couverture chaude, comme on en veut à la sonnerie duréveil ! La lampe-tempête éclaire mal. Au jardin, les tourbillons deneige et le silence nous assaillent tour à tour. Un silence terrible quele vent semble découper en morceaux. Les rafales, comme de grand coupsde balais, renversent et éparpillent tout… Il y a parfois des moments desilence glacial et en même temps brûlant. Le travail fini, on rentre,mais il est difficile de s’endormir à nouveau. Le silence à cette heureagit comme du thé fort.
Le jeune homme s’est brusquementinterrompu. Le peintre, lui, est un peu troublé. Est-ce de voir la jeunefille, gracieuse et timide au milieu des pivoines, s’arrêter decueillir les fleurs pour serrer son bouquet contre sa poitrine enregardant fixement son interlocuteur ? Est-ce parce qu’il vientd’entendre les paroles de ce dernier, paroles qui traduisent untempérament capable de l’inspirer au point de justifier son long voyage?». – VNA