Dans le delta, le premier semestre de l’année 2020aura été marqué par une sécheresse que d’aucuns qualifient d’historique, et quisemble vouloir s’installer dans la durée. Mais contrairement à ce que l’onaurait pu redouter, cette sécheresse n’aura pas eu d’effets trop dévastateurs.Pour l’instant, seuls 7000 hectares de vergers et 8000 hectares de bassinsaquacoles semblent en avoir fait les frais. Leurs exploitants s’en seraientvolontiers passés, bien sûr, mais ils tirent quand même leur épingle du jeu.Même constat pour le riz, puisque la superficie endommagée par la salinisationcorrélative à la sécheresse ne représente que 3% de la superficie totale. Ilaura suffi, pour arriver à ce résultat, de modifier la date de repiquage, cequi montre bien à quel point la prévoyance joue un rôle prépondérant dans larésilience au changement climatique. C’est du reste ce qui ressort des proposde Nguyên Xuân Cuong, notre ministre de l’Agriculture et du Développementrural.
« Il y a eu un véritable travail de prévisions, enamont, qui a permis de prendre des mesures de prévention efficaces. Mais il y asurtout ces 5 réseaux hydrauliques régionaux qui ont été mis en place fin 2019,et qui permettent de réguler les flux d’eau douce et d’eau salée. Et à cela,s’ajoute le fait que la date de repiquage a été avancée d’un mois par rapportaux années précédentes », nous explique-t-il.
Cette sécheresse qui frappe le delta du Mékong n’adésormais plus rien d’exceptionnel : les experts sont catégoriques sur cepoint. Elle n’est jamais que l’un des effets du changement climatique en cours.En d’autres termes, il n’y a pas lieu de se demander si elle va se produire,mais plutôt quelle en sera l’ampleur et surtout comment s’y adapter. En tantque président du comité populaire de la province de Bên Tre, Cao Van Trongtente d’apporter des réponses à toutes ces questions.
« L’idée qui a été retenue, pour l’instant, c’estd’exploiter séparément trois types de milieux aquatiques : eau douce pour lesarbres fruitiers, eau saumâtre pour les cocotiers et eau de mer pour la pêcheet l’aquaculture. A noter cependant que l’eau saumâtre s’avère aussi idéalepour les crevettes géantes qu’on appelle à tort ‘d’eau douce’», nousdétaille-t-il.
L’un des principaux problèmes qui se posent, dans ledelta du Mékong, réside dans la pénurie d’eau douce en période de sécheresse.Pour Lê Anh Tuân, de l’Institut de recherche sur le changement climatique,relevant de l’université de Cân Tho, il conviendrait d’envisager des mesuresd’économie à long terme.
« Il faudrait profiter de la saison des pluies pourremplir des citernes qui pourraient servir ensuite à la consommationquotidienne pendant la saison sèche, ce qui permettrait en outre de réserverl’eau des rivières à la production agricole », suggère-t-il.
Dào Trong Tu, le directeur du Centre dedéveloppement durable des ressources en eau et d’adaptation au changementclimatique, estime lui aussi qu’une meilleure gestion des ressources estprimordiale, mais qu’elle doit s’accompagner d’une véritable restructurationagricole, notamment au niveau des rizières.
«Dans les zones menacées - je pense en particulieraux 8 provinces côtières -, les agriculteurs pourraient tout à fait changerleurs activités en optant pour l’aquaculture, la culture d’arbres fruitiers oude plantes adaptées à l’eau salée. Ce serait une manière de tirer parti de lasituation », nous dit-il.
À long terme, le delta du Mékong va devoir investirdans les infrastructures et les technologies et diversifier ses cultures, entenant compte des réalités de chaque localité. Mais dans l’immédiat, leproblème est de garder ce fameux temps d’avance qui doit permettre auxagriculteurs d’anticiper et de s’adapter.-VOV/VNA