Le bateau de Phan Thi n’est pas un chalutier commeles autres. Son «job» est bien sûr de ramener des poissons au port, maispas de la même manière que les autres. Il est ce qu’on appelle ici un«bateau-service», c’est-à-dire un navire dont la mission est d’aller àla rencontre des chalutiers pour les ravitailler en carburant et autresproduits, et aussi de leur acheter leur cargaison, leur permettant derester en mer des semaines et non plus une dizaine de jours commeauparavant.
Partis à 20h00 la veille, lebateau-service de Phan Thi arrive sur zone le lendemain à midi, à 100miles marins de son port d’attache. Le patron appelle par talkie-walkieun bateau-mère, c’est-à-dire un gros chalutier opérant dans la zone.Après un contact radio avec M. Duc, un lieu de rendez-vous est fixé. Lesdeux navires s’arriment, et le transvasement débute. Des sacs de riz,de légumes, de boissons… passent sur le gros chalutier, et celui de PhanThi reçoit en échange crevettes, poissons, calamars. Tout se passerapidement.
«Après avoir acheté la cargaison deM. Duc, nous naviguerons six ou sept miles marins pour acheter celled’autres bateaux. Lorsque nous aurons 50 tonnes dans les cales, nousrentrerons au port», explique M. Thi.
Un nouvelappel. Un autre chalutier, celui de M. Hoàng, s’informe s’il reste assezde place dans les cales du bateau de Phan Thi. Réponse affirmative. Unedemi-heure plus tard, les deux navires sont bord à bord.
Pendant que les hommes d’équipage transvasent les marchandises, lesdeux patrons discutent «gros sous» dans la cabine. «On n’échange pas degros billets ici, tout se fera par virement bancaire», explique PhanThi.
Cette tournée en mer de Phan Thi n’auraduré que trois jours. Les calles sont pleines, il est temps de rentrer.Quand on le questionne sur ses revenus, le patron se montre très disert :«En déduisant 50 millions de dôngs de carburant et de salaires de mes13 hommes, cette tournée me rapporte 20 millions de dôngs. Et chaquemois, j’en effectue quatre ou cinq».
Faites lecalcul : cela fait 80-100 millions de dôngs de revenus mensuels (soit4.000-5.000 dollars)... Une somme rondelette à faire pâlir d’envie lesmarins-pêcheurs bretons !
Le patron duchalutier, M. Hoàng, n’est lui aussi pas à plaindre : «Chaque jour, oneffectue trois coups de filet avec parfois plusieurs dizaines de tonnesd’un coup. Chaque année, je dégage un bon milliard de dôngs debénéfices. Auparavant, on restait seulement une dizaine de jours en meravant de retourner à terre pour vendre la cargaison. Maintenant, on peutnaviguer un mois car les bateaux-services viendront vider nos calles etnous approvisionner en aliments et carburant. Chacun y trouve sonintérêt».
Actuellement, la commune de Hai Binhcompte 65 bateaux-services d’un tonnage de plus de 50 tonnes. Dès quecelui de Phan Thi arrive au port, beaucoup de clients attendent avec descamions réfrigérés. Des dizaines d’ouvriers participent à lamanutention. Pendant que l’on vide ses cales, le navire est chargé detout le nécessaire pour une prochaine tournée en mer : gazoil, riz,légumes, filets... Il repartira dès la fin des opérations...
«Auparavant, ma commune comptait 300 bateaux d’une puissanceinférieure à 33 chevaux, qui ne pouvaient ramener que 1.500 tonnes depoissons par an. Depuis 2001, avec ces navires-services, la production abondi à 60.000 tonnes», informe fièrement le président du Comitépopulaire de Hai Binh, Nguyên Quôc Tuân.
C’estau directeur de la compagnie Long Hai, Nguyên Van Long, 49 ans, querevient l’idée, avec trois autres, de fonder ces bateaux-services. En1983, après son service militaire, il devient marin-pêcheur. Sept ansaprès, il achète une moto pour aller vendre ses poissons dans la villede Thanh Hoa, à 40 km de chez lui. Deux ans plus tard, il acquiert unpetit camion ce qui lui permet d’étendre son rayon d’action jusque dansdes provinces frontalières du Nord ainsi que plus au Sud.
En 1996, il ouvre un établissement de production de glaces deréfrigération pour approvisionner les bateaux venant de Quang Ngai etBinh Dinh. Au contact des pêcheurs, il s’aperçoit que ceux-ci sont aussidemandeurs en gazoil, alimentation… Mais lui seul ne pouvait répondre àtoutes ces demandes.
Certains patrons dechalutier lui suggèrent alors : «Pourquoi les habitants de Hai Binh neviendraient-ils pas à notre rencontre en pleine mer pour nous vendre dela glace, des aliments et du carburant, et acheter nos poissons ?». En2005, M. Long fait construire un bateau de 50 tonnes et quatre moisaprès, un autre de 100 tonnes. En 2007, il vend deux anciens bateauxpour en construire quatre autres. Les habitants locaux, en voyant sonsuccès, lui emboîtent le pas. Et c’est aussi qu’est né le village desservices, qui compte aujourd’hui 65 bateaux de plus de 50 tonnes. - AVI
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