À Sa Pa, les sherpas en sandalettes du Fansipan
Parmi les nombreuses possibilités de
balade qu'offre Sa Pa, l'une des plus ambitieuses est de grimper le mont
Fansipan, le point culminant de l'Indochine (3.143 m), qui domine de sa
silhouette imposante la célèbre bourgade touristique. Un périple qui
n'a rien d'une balade de santé et qui nécessite trois à quatre jours
aller-retour. Impossible de le réaliser sans guide, tout simplement
parce que le sentier est difficile à suivre. Le randonneur qui tenterait
l'expérience seul se retrouverait régulièrement en face de cette
situation : à droite ou à gauche ? La conquête de ce sommet a des
allures de mini-expédition himalayenne "à l'ancienne". Les "sherpas"
d'ethnie H'Mông se coltinent provisions, tentes, sacs de couchage,
vêtements, imper-méables, réchaud... Leurs clients sont donc libérés
d'un sacré fardeau, et ont tout loisir d'admirer le paysage.
Personne ne sait exactement depuis quand est né à Sa Pa, province de
Lào Cai (Nord), ce métier de guide-porteur. Mais tout le monde reconnaît
son rôle primordial pour la réussite de ce périple réalisé sur des
sentiers très abrupts, qui n'ont rien de commun avec nos fameux GR
(sentiers de Grande Randonnée balisés) européens.
Un
métier d'appoint. Réunis en groupe de quatre ou cinq porteurs, nous
accompagnons chaque semaine un ou deux groupes de touristes, vietnamiens
ou étrangers", confie A Lu, 48 ans, d'ethnie H'Mông, guide-porteur
depuis une dizaine d'années. Ce nouveau job a attiré pas mal de jeunes
H'Mông. Ses deux frères, A Giành et A Cho, qui étaient auparavant
porteurs comme lui, sont maintenant guides pour une compagnie
touristique. "J'ai cinq enfants, et mes deux fils aînés pratiquent aussi
ce métier, un boulot d'appoint", ajoute-t-il.
Il
existe plusieurs possibilités pour ceux qui souhaitent "se faire" le
Fansipan. Pour les puristes, départ de Cát Cát à 1.250 m d'altitude.
Sacré dénivelé au menu (pas loin de 2.000 m !), donc attention à ne pas
avoir les yeux plus gros que les mollets ! L'autre possibilité est de
partir du col de Tram Tôn, à 1.900 m d'altitude. Dans les deux cas, un
bivouac est prévu à 2.800 m d'altitude, avant l'assaut final.
La longue montée, le plus souvent "droit dans la pente" (ne comptez
pas sur des sentiers sinueux épousant fidèlement les courbes de niveau
comme dans les Alpes !), met le corps à rude épreuve. Mieux vaut avoir
les jambes solides et être endurant. Si votre seul exercice physique
régulier est d'aller promener Médor le soir, le mieux est de vous
abstenir. Des touristes qui avaient pris l'affaire trop à la légère y
ont laissé des plumes. "Un bel exploit que je n'aurait pas pu réaliser
sans mon porteur, avoue un touriste américain. Vraiment, les porteurs
méritent un sacré coup de chapeau". De petite taille et très endurants
comme leurs homologues du Népal (les fameux sherpas, du nom d'un peuple
montagnard, qui ont accompagné toutes les grandes conquêtes
himalayennes), très jeunes (entre 14 et 20 ans), ils ont une bonne
connaissance de la montagne, de ses sautes d'humeur, de ses pièges, de
ses habitants à poils et à plumes... Chargés d'une hotte en bambou de 30
à 50 kg arrimés sur le dos avec des sangles de fortune qui cisaillent
les épaules, ils avalent avec un visage impassible des pentes qui
obligent parfois à s'aider des mains. Ils doivent souvent attendre des
clients bien moins affûtés qu'eux mas, pourtant bien mieux chaussés et
vêtus. "Pour être porteur, il faut être en bonne condition physique,
courageux, fort mentalement, connaître les chemins et les reliefs très
compliqués de la montagne", explique Vàng A Toai, le plus jeune du
groupe. Il faut faire attention à chaque pas, car les pistes peuvent
être très glissantes et il est facile d'être déséquilibré. Le danger
guette là où l'attend le moins. "Se casser une jambe ou un bras font
partie des risques du métier", confie-t-il, résigné.
Fardeau lourd, rémunération légère. En dépit d'un fardeau qui fait
presque son poids, le porteur avance toujours d'un pas sûr, et soutient
même ses compagnons. "Le fardeau paraît plus lourd encore lorsqu'on doit
s'arrêter pour attendre un retardataire", explique A Lu. Selon lui, ce
job est bien plus que celui d'un simple porteur. Il doit en effet
accomplir bien d'autres services au service des clients, lors du bivouac
du soir surtout : préparer le repas, planter la tente, soigner les
petits bobos… À potron-minet, lorsque les clients sont encore bien au
chaud dans leur sac de couchage, les porteurs vont chercher de l'eau,
préparent le petit déjeuner qui n'a rien à envier à un banquet au
restaurant : poulet cuit à l'eau ou grillé, bœuf sauté aux champignons,
soupe de vermicelle, de pousses de bambou, salade de légumes…, sans
oublier fruits frais en dessert.
"Notre
responsabilité est lourde : amener les clients au sommet, assurer leur
sécurité, de bons services en matière de repas, de boissons et de
nuitée… Parfois, sur le chemin du retour, nous devons porter un client
exténué ou blessé", explique A Lu. Son groupe de porteurs travaille pour
une compagnie touristique de Sa Pa. En haute saison, on lui confie deux
groupes par semaine, voire dix par mois.
Questionné
sur la rémunération, le porteur pousse un long soupir qui en dit long :
200.000 dôngs (environ dix dollars) par jour pour un chef d'équipe
comme lui, et 150.000 dôngs pour les autres. "Cela n'a pas changé depuis
des années", déplore-t-il. Et d'ajouter d'un ton optimiste : "Notre
joie est d'être en contact avec les clients. Les voir heureux à la fin
du voyage, c'est aussi pour nous une récompense".
Il paraît que l'ascension du Fansipan attire de plus en plus d'adeptes.
De nouvelles opportunités pour les jeunes H'Mông de Sa Pa, qui
mériteraient vraiment de voir leur salaire revalorisé...
Située aux alentours de Sa Pa, la chaîne de Hoàng Liên Son, surnommée
les "Alpes tonkinoises" par les Français, comprend le point culminant du
pays - et même de toute l'Indochine -, le Fansipan (3.143 m). Sa cime,
parfois enneigée l'hiver et fréquemment noyée dans le brouillard, domine
Sa Pa. Le Fansipan est accessible toute l'année, et son ascension
requiert une bonne forme physique et un équipement adéquat. Ne
sous-estimez pas la difficulté et préparez-vous à affronter l'humidité
et le froid ! La meilleur période s'étend de mi-octobre à mi-décembre,
puis en mars. Les grimpeurs sont presque exclusivement des étrangers
"Tây ba lô" (routards occidentaux), mais de plus de plus de jeunes "Viêt
ba lô" tentent aussi l'aventure.
Accessible
seulement à pied, le Fansipan se dresse à 9 km de Sa Pa. En dépit de
cette proximité, le circuit aller-retour demande habituellement de deux à
quatre jours - selon le point de départ et l'itinéraire. Après la
première matinée, vous ne verrez plus de villages, uniquement des
forêts, de magnifiques panoramas et peut-être des animaux sauvages si
vous avez de la chance - car malheureusement, ici comme ailleurs au
Vietnam, compte tenu du braconnage, la faune a tendance à "raser les
murs".
On ne trouve aucun refuge sur le parcours ni
balisage, et vous devez être autosuffisants. Pour des renseignements sur
les guides, porteurs et l'équipement, adressez-vous aux agences de
voyage de Sa Pa. Vous avez l'embarras du choix... - AVI