Le mouvement de calligraphie en quôc ngu (écriture vietnamienne latinisée) a connu ces dernières années un certain engouement. Jusqu’à faire de l’ombre à la calligraphie en caractères chinois et nôm (écriture démotique).

Ces dernières années, à l’occasion du Têt, nom donné au Nouvel An lunaire traditionnel vietnamien, nous avons vu réapparaître des images du temps passé, celles des «lettrés» installés dans les rues et proposant aux passants des calligraphies tracées sur du papier pourpre. Depuis sa création en avril 2005, le club Viêt tâm but (littéralement : écriture vietnamienne - âme et pinceau) se réunit chaque dimanche au salon de thé Lu Trà Quan, au 456, rue Hoàng Hoa Tham, Hanoi.

Viêt tâm but est un des 12 clubs de calligraphie que compte le pays. «Lors des 2es Rencontres nationales des calligraphes tenues en début d’année à Vung Tàu (province de Bà Ria-Vung Tàu, Sud), notre club a remporté le record national +van phong tu buu+ (littéralement: style de calligraphie et quatre outils précieux, à savoir : pinceau, encre, soucoupe à encre et cachet - ndlr)», s’enorgueillit Kiêu Quôc Khanh, président du club.

Renaissance d’une tradition

De nombreux Vietnamiens demandent, à l’occasion du Têt, une calligraphie. Tombée dans l’oubli durant des décennies, cette noble tradition renaît de ses cendres. Les calligraphes sont, dans une certaine mesure, des humanistes qui offrent des présents sous formes de lettres, que les gens choisissent. «Cœur», «bonheur», «vertu», «intelligence» ou «réussite» sont les préférés. Ces calligraphies sont auréolées d’une sorte de pouvoir magique qui, pensent-ils, les aideront à concrétiser leurs rêves.

La technique du calligraphe implique une connaissance parfaite de son matériel. Aucune retouche n’est possible. D’où l’importance de la préparation psychologique du calligraphe et même les effets de mise en scène qui l’accompagnent parfois. C’est la vigueur du coup de pinceau qui compte. Bien plus qu’une technique de peinture, c’est le perfectionnement moral et culturel que le calligraphe cherche à atteindre dans la pratique de cet art.

«Des membres du club sont présents les jours précédents et durant le Têt. Ils font revivre cette tradition féodale», se félicite le président de Viêt tâm but. Selon lui, outre la dextérité, le calligraphe doit montrer des qualités de pureté, de personnalité, de savoir-vivre, de connaissances socio-culturelles. «En calligraphiant, j’ai l’impression de m’instruire davantage. La pratique de cet art demande patience et créativité. C’est à travers les calligraphies que je peux affirmer ma personnalité», confie un jeune calligraphe.

D’âges différents, les membres du club viennent aussi d’horizons divers : peintre, médecin, homme d’affaires, ingénieur, enseignant, étudiant… Mais, tous partagent le même amour pour cet art exigeant. «Le rendez-vous du club nous rend la joie de vivre. Des moments de relaxation après des heures de travail. Nous échangeons des expériences, nous nous extasions devant une telle ou telle œuvre, nous discutons d’un nouveau projet», révèle un calligraphe.

Quinze cours et 300 élèves

Viêt tâm but a diverses activités : expositions, création, recherche et aussi cours de calligraphie. Sa plus importante exposition de calligraphies de l’année se tient lors de la Journée nationale des enseignants, le 20 novembre, à Lu Trà Quan, avec la participation de calligraphes de Hanoi et des environs. Le club a ouvert une quinzaine de cours totalisant 300 élèves, dont des étrangers. Parmi eux le Japonais Eri Yosino, étudiant de vietnamien à l’Université de Hanoi : «J’aime la calligraphie vietnamienne. Le club +Viêt tâm but+ me permet de rencontrer des personnes ayant le même goût, et de mieux comprendre l’âme vietnamienne». Pour Hoàng Nhi, médecin : «Plus on est passionné de calligraphie, plus on découvre la quintessence de la culture nationale. Et il me semble que la calligraphie rend la vie plus belle».

La calligraphie en quôc ngu n’est pas récente, elle a connu un essor à la fin du XXe siècle. Nombreuses sont les œuvres célèbres calligraphiées qui ont fait parler d’elles, notamment un Truyên Kiêu (Histoire de Kiêu) de 300 pages, exposé au Festival culturel de Huê en 2002, la Proclamation de l’Indépendance du Vietnam gravée sur bois, de 400 kg (de Trinh Tuân), le poème Luc Vân Tiên, de 120 mètres de long (de Vinh Tho).

La calligraphie en quôc ngu est née au XXe siècle. La calligraphie est, étymologiquement, l’art de bien former les caractères d’écriture. Ce mot provient des radicaux grecs κάλος/kálos (beau) et γράφειν/gráphein (écrire). Presque toutes les civilisations qui pratiquent l’écriture ont développé un art de la calligraphie. Venue de Chine, la calligraphie s’est bien développée au Vietnam, où c’était l’apanage des lettrés. Un art millénaire. La calligraphie vietnamienne a fortement été influencée par celle de Chine. Néanmoins, au fil des siècles, le Vietnam a développé ses propres styles de calligraphie en han nôm (écriture démotique sino-vietnamienne). À la période moderne, la calligraphie a été réalisée principalement dans le script quôc ngu, en alphabet latin, et le nôm. Les caractères chinois sont largement tombés en désuétude. Le quôc ngu calligraphié a gagné en popularité au cours du mouvement Tho moi (Poésie nouvelle). La calligraphie vietnamienne moderne est sans conteste influencée par le style cursif latin moderne, mais est tracée avec le pinceau et non à la plume comme dans la calligraphie occidentale. -VNA