Le village d’An Hôi répondaujourd’hui au nom de Go Vâp, dans l’arrondissement éponyme à Hô ChiMinh-Ville. Au fil des ans et des bouleversements historiques, cevillage de fondeurs de bronze a été contraint de restreindre sesactivités, avec notamment la fermeture ou la reconversion d’un grandnombre d’ateliers. Ce métier perdure néanmoins, avec une dizained’ateliers encore sur pied et qui fonctionnent à plein régime pendantles quelques mois précédant le Têt traditionnel.
«À sonapogée, le village d’An Hôi comptait 40-50 ateliers avec des fourstoujours allumés. Ses brûle-parfums en bronze étaient vendus partoutdans le Sud et également exportés vers le Cambodge, le Laos et leMyanmar», rappelle, quelque peu nostalgique, Trân Van Thang, un artisanfort de 50 années d’expérience professionnelle et gérant de l’atelierHai Thang. Mais d’après ce sexagénaire, au fil du temps, du fait de labaisse de la demande, de nombreux ateliers ont dû mettre la clé sous laporte ou procéder à leur reconversion.
Un travail d’orfèvre
L’artisan Trân Van Thang raconte que sa famille pratique cette activitédepuis quatre générations. Un métier exigeant qui demande beaucoupd’efforts et de patience, ainsi que de l’habileté de la part desfabricants: «L’important pour un fabricant est d’avoir desprédispositions pour ce métier, en plus de faire montre de persévéranceet de patience», précise-t-il.
À propos des techniquesde fabrication, Mme Liên, gérante aussi d’un grand atelier, explique quele métier se divise en une dizaine d’étapes minutieuses. De manièregénérale : «On commence par le mélange des matériaux, la fabrication desmoules, le moulage, la sculpture et le polissage», détaille-t-elle.L’étape la plus longue et difficile est la fabrication du moule.L’argile est acheminée depuis la province de Binh Duong (Sud), à unetrentaine de kilomètres de Hô Chi Minh-Ville. Viennent ensuite le calculdes proportions, la mise en place des détails et des motifsornementaux, avant de procéder à la coulée du métal en fusion.
«Au total, il nous faut au minimum une quinzaine de jours pour sortirentre 50 et 70 pièces. Une production considérée comme réussie et dequalité doit donner des brûle-parfums tirant vers le jaune-rouge»,estime Mme Liên. Il n’est pas difficile de distinguer un brûle-parfum demarque An Hôi des produits réalisés en série car il garde toujours sonbrillant. Il arbore un style sophistiqué, solennel et antique.
Préserver le métier coûte que coûte
Le brûle-parfum en bronze est l’un des objets trônant sur les autels des Vietnamiens.
Leur prix dépend de la minutie des décorations, des gravures ou desornements. Les brûle-parfums d’An Hôi se négocient en général entre 3 et8 millions de dôngs la pièce, voire 12 millions pour ceux arborant unesculpture spéciale. À l’instar d’autres secteurs de production, cemétier nécessite de gros investissements, notamment pour la recherchedes matières premières. De plus, en raison du travail essentiellementartisanal et manuel, beaucoup de familles songent à se tourner versd’autres secteurs d’activité, même s’il reste - et heureusement -quelques irréductibles. «Je vais tout faire pour préserver l’artisanat»,assure M. Thang en montrant un jeune homme concentré sur sa tâche :«Ça, c’est mon fils. Il pratique aussi ce métier familial».
Pour préserver le métier ancestral, la plupart des artisansexpérimentés et âgés cherchent à le transmettre à leur descendance. TrânCao Tri, 29 ans, le fils de Mme Liên, est un exemple. Avec sa mère, ilpratique ce métier depuis qu’il a 17 ans. Cao Tri affirme que ce métierest très dur et demande un grand savoir-faire: «Mais je continue danscette voie et cherche des fonds pour développer cette activité. Hors dequestion d’abandonner !», promet-il. -VNA