Un Vietnam de plus en plus mâle
Selon le vice-ministre de
la Santé, Nguyên Viêt Tiên, il y a quelques décennies, le taux de filles
à la naissance était de 52% à 53%. Mais ces dix dernières années, le
déséquilibre des sexes n’a cessé de se creuser. Le sex-ratio à la
naissance était de 113,8 garçons pour 100 filles en 2013, contre 106
garçons sur 100 filles en 2000. Si ce déséquilibre se poursuit, en 2050,
le Vietnam devrait connaître un surplus de 2,3 à 4,3 millions d’hommes
et il faudra s’attendre à de graves conséquences sociales et sur le
développement durable du pays.
Le nombre de provinces et
villes connaissant un déséquilibre élevé augmente aussi : 40 en 2014
contre 28 en 1999. Le sex-ratio à la naissance atteignait 122,4 garçons
sur 100 filles dans le delta du fleuve Rouge en 2011, et 130,7/100 dans
la province de Hung Yên, 120,2/100 à Hai Duong, 119,4/100 à Bac Ninh. Et
il n’a cessé de se creuser depuis.
Causes et explications
Des experts estiment que cette hausse de la proportion des naissances
masculines est liée à la sélection sexuelle prénatale en liaison avec le
développement rapide de l’usage de l’échographie qui permet de
déterminer le sexe d’un fœtus de sept à huit semaines.
De nombreuses femmes se font avorter en raison d’une conception arriérée
sur la nécessité d’avoir un garçon pour continuer la lignée. Un
avortement sélectif extrêmement répandu, bien qu’interdit par la loi, en
théorie.
Les femmes vietnamiennes s’efforcent de
légitimer leur statut en donnant naissance à un fils, qui est le seul
habilité à rendre le culte aux ancêtres de la famille, garantissant
ainsi la cohésion de la famille et la stabilité de la société
vietnamienne.
Les familles rurales tendent aussi à
privilégier un enfant de sexe masculin parce que dans un pays où le
système de retraite et protection sociale est peu développé, les parents
comptent sur leurs fils pour leur venir en aide, alors que la fille,
une fois mariée, les quitte pour la belle-famille.
Quelles solutions pour endiguer ce phénomène?
Selon le Fonds des Nations unies pour la population, ce déséquilibre
des sexes à la naissance affectera sérieusement la structure de la
population et aura de graves conséquences sociales comme augmentation de
l’inégalité des sexes au travail, abus sexuels, traite des femmes...
Face à cette situation, de nombreuses solutions ont été proposées par
les décideurs politiques. Pourtant, les spécialistes estiment que ces
solutions ne répondent pas encore aux demandes malgré de premiers
résultats encourageants.
L’interdiction ou la limitation
de l’utilisation des appareils échographes et de l’avortement sélectif
n’est qu’une mesure technique dont la faisabilité n’est pas élevée.
D’après Arthur Erken, représentant en chef du Fonds des Nations unies
pour la population au Vietnam, il est nécessaire d’éduquer les petites
filles sur l’égalité des sexes et de renforcer les activités de
sensibilisation auprès des habitants.
Il faut établir un
réseau d’informations, faire des études sur le déséquilibre des sexes à
la naissance afin de proposer des solutions adéquates d’ici 2020. En
outre, des contrôles devront être menés dans les librairies et les
maisons d’édition afin de limiter les imprimés incitant à la sélection
prénatale des sexes, de même que dans les établissements médicaux privés
pour une application stricte des règlements concernant l’interdiction
de l’avortement sélectif basé sur le sexe du fœtus.
Un
représentant du Département de la démographie et du planning familial
(ministère de la Santé) a fait savoir que ce ministère a élaboré et
soumis au gouvernement un projet de surveillance du déséquilibre des
sexes à la naissance d’ici 2020. Dans les mois et années à venir, le
secteur de la santé continuera de renforcer les activités de
communication auprès des habitants sur les effets néfastes du
déséquilibre des sexes à la naissance et sur l’immoralité de
l’avortement sélectif. - CVN/VNA