Ce début de mois dejuillet, un médecin américain a fait un étrange cadeau à un anciensoldat vietnamien : les os de son bras amputé pendant la guerre duVietnam, qu’il avait conservés précieusement pendant près de quaranteans.
Souvenir de guerre morbide ou conscience professionnelle àtoute épreuve ? Près de quarante ans après la fin de la guerre duVietnam, le docteur Sam Axelrad a rendu à un soldat vietnamien le brasqu’il avait amputé en 1966. Le bras, dont il ne reste que les osattachés ensemble après l’opération chirurgicale, a été remis à NguyênQuang Hùng chez lui à An Khê, dans la province de Gia Lai (Hautsplateaux du Centre).
«J’ai le cœur léger»
Le docteurSam Axelrad, 75 ans, a déclaré avoir désormais le coeur léger aprèsavoir pu enfin rendre ce macabre souvenir de guerre à son propriétairelégitime. M. Hùng, ancien soldat, était arrivé moribond dans la base dumédecin américain en 1966, après avoir été touché par balle et atteintpar la gangrène. Sam Axelrad était à cette époque-là chef de cette basemédicale américaine au service du camp militaire Radcliff, près du cheflieu d’An Khê.
« Quand j’ai amputé son bras, nos médecins l’ontpris, ont enlevé la chair, l’ont réassemblé parfaitement avec des fils,et me l’ont donné », a expliqué le médecin. « Quand j’ai quitté le payssix mois plus tard, je n’ai pas voulu jeter le bras, je l’ai mis dans mamalle et l’ai emporté chez moi. Et toutes ces années, il est resté dansma maison », a-t-il ajouté.
Sam Axelrad a donc gardé le brasde Nguyên Quang Hùng et une centaine de documents dont des photosprises au Vietnam, notamment les clichés avec M. Hùng. Ce n’est qu’en2010 qu’il a ouvert sa malle, dans l’intention de retourner au Vietnam. «Comme 90% des G.I., nous sommes obsédés par la guerre et subissons cequ’on appelle le syndrome vietnamien », a confié Sam Axelrad. «J e nevoulais pas me rappeler ces douloureux souvenirs de guerre et ne voulaisles partager avec personne », a-t-il expliqué sur ce choix d’avoir misde côté sa malle des décennies durant.
Sam Axelrad est retournéau Vietnam pour la première fois en 2012, avec l’espoir de retrouverl’ancien soldat vietnamien. Lui et ses proches ont arpenté le pays duSud au Nord en passant par le Centre, où l’ancien docteur a montré à sesproches ses souvenirs et cherché à retrouver Nguyên Quang Hùng. Durantson séjour, il a rencontré par hasard un collaborateur du journal ThanhNiên (Les jeunes), dont l’histoire a fait le sujet d’un article publiéen novembre 2012 dans ce journal.
Difficultés administratives
Sam Axelrad a finalement découvert par la suite que M. Hùng étaittoujours vivant et a finalement pu lui rendre son bien après quelquessoucis logistiques et des mois de discussions avec le consulatvietnamien aux États-Unis et les autorités américaines des transports. «Vous ne pouvez prendre des os dans votre valise », a noté le médecin,qui a donc tout simplement mis le bras dans ses bagages en soute.
NguyênQuang Hùng, 74 ans, père de sept enfants, s’est réjoui de cesretrouvailles un peu particulières. « J’étais touché d’apprendre savenue» , a-t-il dit. Quelques jours avant la rencontre avec sonbienfaiteur, Nguyên Quang Hùng avait toutes les peines du monde àtrouver le sommeil. « J’étais si heureux de pouvoir revoir Sam Axelrad !J’ai appelé mes enfants et petits enfants pour que l’on se retrouvetous à la maison pour le rencontrer et le remercier », a-t-il raconté.Et d’ajouter : « Je vais garder ces os dans ma maison, dans une vitrine,et demander à mes descendants de les enterrer avec moi après ma mort ».- VNA