Le pont Long Biên - anciennement pont Paul Doumer - et haut-lieu de la capitale Hanoi a souffert des aléas du temps et de l’histoire. S’il est encore debout aujourd’hui, il n’en demeure pas moins en piteux état. Et, patrimoine oblige, son devenir déchaîne les passions. Restaurer, reconstruire, déplacer ? Le point.

Le directeur adjoint du Service municipal des transports et des communications de Hanoi, Nguyên Xuân Tân, a fait part de la nécessité de rénover le pont Long Biên, long de 1.681m, en augmentant sa capacité de trafic théorique sans pour autant procéder à quelconque destruction ou nouvelle construction. Une solution jugée viable par bon nombre de responsables de ce service et du ministère des Transports et des Communication (MTC), même si, aujourd’hui, trois scénarios sont en discussion (voir encadré).

Construit de 1889 à 1902 par la France, le pont Long Biên (baptisé à l’origine pont Paul Doumer – du nom du Gouverneur général de l’Indochine) revêt une valeur historique indéniable.

Raison pour laquelle, selon Nguyên Xuân Tân, procéder à sa restauration en conservant son identité est un problème compliqué, eu égard à l’aspect historique donc, mais aussi aux standards techniques et à la question du déplacement des riverains, qui doivent être les moins importants et contraignants possibles. Le MTC a ainsi avancé trois possibilités sensées respecter ce cahier des charges. À savoir restaurer le pont sur sa base actuelle, le déplacer, ou le reconstruire intégralement à l’identique.

Reconstruction ?

Après que ces trois solutions ont été rendues publiques, bon nombre d’architectes y ont fait écho, dont Trân Huy Anh. «Le pont Long Biên, dit-il, est un ouvrage à la symbolique historique et culturelle forte pour la capitale Hanoi qu’il est impératif de conserver». Lui propose, pour satisfaire aux exigences, de combiner deux des trois solutions avancées par le MTC : construire un nouveau pont tout en respectant son architecture d’origine et en allégeant sa charge, ce en autorisant la circulation de trains touristiques au gabarit adapté à la structure, des piétons (sur les voies latérales) et des deux roues, avec des sorties menant aux lais au milieu du fleuve Rouge pour les touristes. Cet ouvrage serait à environ de 85 m en amont de l’actuel.

Ou restauration ?

Nguyên Xuân Tân a souligné qu’après plus d’un siècle d’exploitation, le pont Long Biên était dans un état de dégradation avancé : neuf des 19 travées principales ont été détruites en 1972 par les bombardements des B-52 américains et 9 autres ont simplement souffert du temps. La réfection de ce pont et la réduction de sa charge se posent comme un impératif. Dans cette optique, la voie ferrée centrale et les deux voies de circulation qui la borde pourraient être simplement ôtées, ce qui n’aurait aucune incidence esthétique sur l’ouvrage. «Ce scénario a été choisi et approuvé par le président du Comité municipal populaire de Hanoi et le ministre des Transports et des Communication à l’issue de leur dernière réunion», a indiqué le directeur adjoint du Service municipal des transports et des communications de Hanoi.


Le maître de conférence Nguyên Phi Lân, président de la Section des ponts et chaussées de l’Université de construction, estime de son côté qu’il serait «préférable» de refaire l’ancien pont Paul Doumer à son emplacement originel. Le déplacer en amont n’en ferait plus qu’une simple ossature ferrée. Ôtée de son âme, sa valeur historique et culturelle s’envolerait avec elle...

Pour lui, la solution - même si elle s’avère plus onéreuse qu’une reconstruction en bonne et due forme - réside dans la restauration de l’ouvrage. Ses arguments sont que cette solution permettra de conserver ses valeurs traditionnelles, historiques et esthétiques, doublée d’une exploitation plus solide et durable.

Autre point de vue d’architecte : construire un nouveau pont, au même endroit, en partant d’une feuille blanche. L’ancien serait ainsi démantelé et l’armature métallique pourrait servir de pièce de musée géante ! Mais est-ce raisonnable de tout sacrifier sur l’autel de la modernité, surtout pour une ville dont la personnalité a été forgée par son passé ? Rien n’est moins sûr..

Trois solutions envisagées :

• Primo, déplacer les neuf premières travées de l’actuel pont Long Biên à 85 m en amont du fleuve Rouge et construire à la place un nouveau pont ferroviaire aux techniques du XXIe siècle et conforme aux normes internationales. Le budget prévisionnel est de 8.849 milliards de dôngs, dont 867 milliards de dôngs consacrés au déplacement des riverains.

• Secundo, construire un pont flambant neuf en lieu et place de l’ancien en se conformant au projet architectural initial de 1902 (voie ferroviaire centrale, deux voies latérales réservées aux deux roues, véhicules rudimentaires et bordées à leur extrémité d’un trottoir pour les piétons). Ce projet nécessiterait 9.961 milliards de dôngs, dont 867 milliards consacrés à l’évacuation des zones habitées en contrebas.

• Tertio, reconstruire la partie principale du pont en conservant, telles quelles, les 19 anciennes travées, notamment les neuf partant du centre-ville. L’investissement s’élèverait au total à 10.378 milliards de dôngs, dont 989 milliards pour le déplacement des habitants. -VNA