‘‘Mieux que tous, le Chapi reflète l’âme des Raglai”

Chamaléa Âu, le veilleur mélomane des montagnes

Si la chanson «Le rêve du Chapi» du compositeur Trân Tiên est connue et aimée par nombre de Vietnamiens, peu connaissent au fond cet instrument familier aux Raglai, des montagnards vivant à Ninh Thuân.

Ninh Thuân (VNA) - Si la chanson «Le rêve du Chapi» du compositeur Trân Tiên est connue et aimée par nombre de Vietnamiens, peu connaissent au fond cet instrument familier aux Raglai, des montagnards vivant à Ninh Thuân. Rencontre avec son gardien.

Chamaléa Âu, le veilleur mélomane des montagnes ảnh 1 M. Chamaléa Âu est le meilleur joueur de Chapi. Photo : Archives/CVN

Le village de Do, commune de Ma Noi, district de Ninh Son, dans la province de Ninh Thuân (Centre), se situe dans une vallée au milieu des futaies et des montagnes qui se succèdent sans fin. Peuplé par des Raglai, une ethnie minoritaire, le village se distingue par des chaumières modestes installées ici et là. C’est là le pays originaire du Chapi, un instrument de musique propre aux montagnards. «M. Chamaléa Âu ? Oui, il joue bien le Chapi. Lui seul est capable de le fabriquer. Il habite au milieu du village…», bredouillent des enfants quand ils sont questionnés par les visiteurs.

La maison de Chamaléa Âu est nichée à l’ombre des manguiers. Un homme de 65 ans, efflanqué, cheveux poivre et sel, teint légèrement foncé, est en train de tailler un tube de bambou dans la cour. À l’arrivée des visiteurs, il se lève et souhaite la bienvenue avec un large sourire. «Je vais terminer ce nouveau Chapi. Je dois encore ajuster quelques détails», explique-t-il avant d’inviter les visiteurs à boire du thé. Les murs de la maison sont couverts d’innombrables certificats d’honneur que divers services artistiques et culturels locaux ont offerts à «l’artiste amateur Chamaléa Âu pour son mérite de conservation du Chapi», selon les termes écrits.

Le Chapi, ou l’image d’une famille Raglai

Le sexagénaire revient avec un beau Chapi dans la main. Il s’agit d’un grand tube de bambou non laqué, façonné artisanalement. «Venez ! Je vais vous montrer mon Chapi et la façon d’en jouer. Savez-vous que ses airs sont plus mélodieux lorsqu’on en joue à l’extérieur ?». Assis par terre à côté d’un grand manguier, l’artiste amateur relève les pans de sa chemise jusqu’à la poitrine, puis appose un bout du Chapi sur son ventre nu. «Comme ça, les sons vont retentir plus loin», explique-t-il. Prenant l’instrument dans ses mains, il pince avec les deux pouces les cordes du Chapi. Résonnent des sons étranges, très graves, semblables aux cris d’animaux sauvages, ceux de la grenouille ou de la tourterelle.

«Le Chapi est lié étroitement depuis belle lurette à la vie des Raglai. Loin d’être savants, les airs du Chapi racontent des choses familières, les activités quotidiennes de notre communauté», confie Chamaléa Âu. Selon lui, il y a une multitude de mélodies, interprétée chacune pour une circonstance spécifique. L’air baptisé «Grenouille» est d’ordinaire exécuté quand il pleut la nuit, celui du culte des ancêtres exécuté lors des cérémonies culturelles, et il en existe bien d’autres encore pour les mariages, les funérailles ou les adieux. «Dans l’ensemble, les morceaux sont exécutés dans un tempo adagio, à l’image du rythme de vie si lent, posé et pondéré des montagnards», relate l’artiste amateur.  

Le Chapi est d’une forme simple. Il comprend une boîte de résonance et huit cordes disposées en quatre paires aux sons différents, allant du plus au moins grave. «Imaginez une famille Raglai dans cet objet chantant. La première paire au son le plus grave s’appelle Corde mère ; la deuxième, Corde père; la troisième, Corde aîné et la dernière, Corde cadet», explique le sexagénaire.

Chamaléa Âu, le veilleur mélomane des montagnes ảnh 2Mieux que tous, le Chapi reflète l’âme des Raglai. Photo : TN/CVN

La fabrication de cet instrument musical demande «un travail minutieux qui dure parfois des mois». Tout commence par la recherche du bambou le plus approprié. La plante doit être âgée de 2 ans environ, ni trop vieille, ni trop jeune. Elle doit également avoir un tronc suffisamment grand (quelques 15 cm de diamètre), et un entre-nœud long (40 cm et plus). Mais il n’est possible de trouver ce bambou rare que dans la haute montagne, dans une forêt touffue. Après avoir été abattu, on en coupe quelques entre-nœuds. Ces derniers sont ensuite séchés au soleil, avant d’être longuement fumés sur l’étagère au-dessus du foyer de la cuisine. «Cela les rend plus résistants aux perce-bois et termites», détaille-t-il.

Le rêve mélodieux d’un vieux Raglai

Avec un couteau mince et pointu, on pratique des incisions sur la partie externe tout autour du tube de bambou pour enlever huit fils (dont les deux bouts restent toujours liés aux deux nœuds de bambou) et pour en faire quatre paires de cordes. Ces dernières sont liées l’une à l’autre par quatre barres de bambou minces, sur chacune desquelles on perce un trou pour émettre des sons. Alors que chaque paire de cordes est soutenue au-dessous par deux gâchettes en bambou (pour rajuster les sons). Aux deux bouts du tube de bambou on perce aussi deux trous pour en faire la caisse de résonnance. Reste donc l’étape de rajustement de sons, qui demande un savoir-faire artisanal proche de la perfection.

«Mieux que tous, le Chapi reflète l’âme des Raglai», confie Chamaléa Âu. Enthousiaste, il entonne la chanson romantique et émouvante du compositeur Trân Tiên, Le rêve du Chapi, créée en 1993. «C’est en haut, sur la montagne, je trouve deux personnes qui s’aiment …C’est en haut, sous le toit de leur chaumière, les gens vivent une vie paisible … Et tout le monde, y compris les pauvres, possède chacun un Chapi…  Quand retentissent les sons du Chapi, on se sent emporté dans un rêve …»     

Un instant de silence. La tristesse se dessine sur le visage refrogné du sexagénaire. «C’est regrettable qu’à présent, les jeunes Raglai ne s’attachent plus au Chapi mais à la musique exotique», soupire-t-il. Dans le rythme accéléré de la vie moderne, les airs si lents du Chapi risquent de tomber dans l’oubli, paraît-il.

Soucieux d’une perte éventuelle de cet art de musique ancestral, depuis des années, Chamaléa Âu se donne de la peine pour le conserver. L’artiste amateur garde jalousement son «trésor», une quinzaine d’airs de Chapi qu’il a pris soin de dénicher chez les vieux autochtones. Lui seul dans cette région est capable d’en exécuter avec brio, et enseigne volontiers à ceux qui le souhaitent. Malgré les tâches quotidiennes, il fabrique continuellement cet objet sacré  pour offrir à ses amis. «Je ne peux pas me souvenir du nombre de Chapi que j’ai pu tailler, et combien de fois je suis invité à venir me produire dans toute la région Centre et même à Hanoi. Je ne sais qu’une chose : j’en suis content», sourit-il.

Pour le Docteur Phan Quôc Anh, directeur du Service de la culture, des sports et du tourisme de la province de Ninh Thuân, «Chamaléa Âu est le meilleur joueur de Chapi. Prochainement, la province procèdera à l’enregistrement de tous les airs exécutés par cet artiste amateur. C’est un trésor artistique qu’il faut sauvegarder». C’est aussi le rêve du vieux Raglai. – CVN/VNA

Voir plus

L'actrice japonaise Akari Nakatani joue dans le court métrage «A Taste Like Nothing » du jeune réalisateur vietnamien Phan Bao Tuân. Photos : gracieuseté de Phan Bao Tuân

Le court-métrage vietnamien savoure une saveur internationale au Japon

Suscitant un vif intérêt et un avant-goût de succès, le court-métrage «A Taste Like Nothing» du jeune réalisateur vietnamien Phan Bao Tuân a été sélectionné et récompensé par un Prix d’excellence lors de la compétition du Festival international du film de Shinshu Suwa à Nagano, au Japon.

Valoriser le patrimoine culturel pour un avenir durable

Valoriser le patrimoine culturel pour un avenir durable

Plus de 4.000 ans d’histoire ont légué au peuple vietnamien un patrimoine culturel d’une richesse exceptionnelle et d’une grande diversité. Il constitue non seulement un bien précieux de la nation, mais aussi une ressource essentielle pour le développement durable du pays.

Kenshin Mizushima franchit la ligne d'arrivée du BIM Group IRONMAN 70.3 Phu Quoc 2025. Photos : Sunrise Events Vietnam

Mizushima et Ling gardent leur titre au BIM Group IRONMAN 70.3 Phu Quoc

Kenshin Mizushima et Ling Er Choo ont une fois de plus décroché leurs titres, remportant des victoires décisives lors du BIM Group IRONMAN 70.3 Phu Quoc 2025 qui a accueilli plus de 2.000 athlètes de 60 pays et territoires, marquant ainsi la plus grande course de l’histoire de l’événement.

En exposition, la statue de Tara Laksmindra-Lokesvara, vieille de 1.200 ans, un des 30 premiers objets reconnus comme trésors nationaux. Photo : SGGP

Dix-neufs trésors nationaux dévoilés au Musée de la sculpture cham à Dà Nang

Le Musée de la sculpture cham, situé dans la ville de Dà Nang (Centre), a inauguré mercredi 19 novembre une exposition spéciale intitulée « Trésors nationaux – Patrimoine au cœur de Dà Nang », dans le cadre des activités marquant le 20e anniversaire de la Journée du patrimoine culturel du Vietnam (23 novembre 2005 – 2025).

Ouverture de l'exposition « Trésors nationaux – patrimoine au cœur de Da Nang » à Da Nang. Photo: VNA

Da Nang présente 16 Trésors nationaux au public

À l'occasion du 20e anniversaire de la Journée du patrimoine culturel du Vietnam (23 novembre), le Musée de la sculpture cham de Da Nang a inauguré, dans l’après-midi du 19 novembre, l’exposition thématique « Trésors nationaux – patrimoine au cœur de Da Nang ».

Les premiers Championnats nationaux de kendo se dérouleront du 20 au 23 novembre à Ninh Binh. Photo : VKF

Ninh Binh accueillera les premiers Championnats nationaux de kendo

Organisés par la Fédération vietnamienne de kendo (VKF), ces championnats proposent un programme complet comprenant des stages de perfectionnement, des examens de passage de grade accrédités par la Fédération internationale de kendo (FIK) et des compétitions de combat.