Hanoï (VNA) - Les nouvelles taxes douanières américaines pourraient perturber le commerce mondial, mais n’empêcheront pas les flux d’investissements étrangers au Vietnam. De nombreuses sociétés n’ont pas choisi le pays pour des gains immédiats, mais pour établir une présence durable.
La nouvelle grille tarifaire américaine a des implications importantes non seulement pour l’économie vietnamienne mais aussi pour l’économie américaine et les entreprises, a souligné Adam Sitkoff, directeur exécutif de la Chambre de Commerce américaine (Amcham) à Hanoï. Pourtant, “le Vietnam reste une destination attrayante pour les investisseurs étrangers.
De nombreux membres de l’Amcham ont avancé diverses raisons d’y investir. Pour les entreprises ayant mené des projets d’investissement et pris des engagements à long terme au Vietnam, elles continueront à fonctionner, mais cela dépend également du domaine dans lesquels elles s’impliquent“, a-t-il remarqué.
Plateforme stratégique
Selon Adam Sitkoff, en se basant sur le partenariat stratégique global entre les deux pays, entré en vigueur en septembre 2023, les dirigeants vietnamiens et américains auront davantage d’opportunités pour négocier des ajustements tarifaires. “L’Amcham fera tout son possible pour coordonner ses efforts avec les entreprises américaines et vietnamiennes, et avec les dirigeants vietnamiens en faveur des relations commerciales bilatérales“, a-t-il affirmé.
Malgré l’annonce du taux de 46% des droits de douane par les États-Unis pour les marchandises vietnamiennes exportées sur ce marché, de nombreux experts et industriels étrangers continuent de considérer le Vietnam comme une destination stratégique incontournable pour l’expansion de leur production.
D’après David Jackson, directeur général d’Avison Young Vietnam, le pays conserve des avantages compétitifs indéniables : une main-d’œuvre bon marché, une position géographique idéale - à la frontière avec la Chine et au cœur de l’ASEAN - ainsi qu’une politique incitative favorable aux investissements. Il a réaffirme sa confiance dans la capacité du gouvernement vietnamien à surmonter les turbulences commerciales grâce à son habileté diplomatique et à ses talents de négociation. “Le Vietnam excelle dans l’art de maintenir un équilibre entre ses partenaires occidentaux et orientaux, tout en tirant le meilleur parti de nombreux accords commerciaux multilatéraux auxquels il participe“, a-t-il constaté.

Afin de réduire les risques liés à une dépendance excessive vis-à-vis des grandes économies telles que les États-Unis ou la Chine, le Vietnam intensifie ses relations commerciales avec les économies émergentes et renforce sa participation aux blocs commerciaux régionaux. Son succès dans la renégociation de l’Accord de partenariat transpacifique (TPP), après le retrait des États-Unis, illustre sa capacité d’adaptation ainsi que sa détermination à défendre ses intérêts commerciaux.
Au-delà des accords commer-ciaux, les atouts démographiques du Vietnam jouent un rôle central. Doté d’un marché de consommation en pleine expansion, le pays attire des investissements considérables de la part d’entreprises multinationales telles qu’IKEA, Samsung ou LEGO. Les politiques visant à améliorer la qualité de la main-d’œuvre et des infrastructures contribueront à affermir davantage la position du Vietnam en tant qu’acteur clé dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Dan Martin, conseiller en commerce international chez Dezan Shira & Associates, a prévenu que la taxe américaine pourrait affecter sérieusement les importants secteurs de l’exportation vietnamienne, notamment le textile et la chaussure. Ces industries, historiquement tournées vers le marché américain, pourraient voir leurs marges se réduire et leurs carnets de commandes ralentir.
Cependant, au cours de la dernière décennie, le Vietnam a progressivement conclu des accords de libre-échange avec la plupart des grandes économies mondiales, dont l’Union européenne, le Japon et la République de Corée, ainsi que des membres de l’ASEAN. Les États-Unis restent l’un des rares marchés avec lesquels le Vietnam ne dispose pas encore d’accord bilatéral, bien que les échanges commerciaux vietnamo-américains aient connu une croissance soutenue - preuve de l’attractivité du pays.
Le gouvernement vietnamien a pris ces derniers mois des mesures concrètes pour aligner ses intérêts sur ceux des États-Unis : réduction des droits de douane sur de nombreux produits américains, ouverture de secteurs nouveaux comme les services satellitaires ou le gaz naturel liquéfié. Ces actions ne sont pas de simples réactions à une menace tarifaire, mais s’inscrivent dans une stratégie de long terme visant à renforcer les relations bilatérales.
Sur le plan industriel, aucun exode massif n’est à prévoir. Les entreprises n’ont pas choisi le Vietnam pour des gains immédiats, mais pour établir une présence durable en Asie. Pour beaucoup, le pays constitue une plateforme stratégique, soutenue par des coûts compétitifs, une main-d’œuvre abondante et une intégration solide aux chaînes d’approvisionnement mondiales. Si certains opérateurs pourraient reconsidérer leurs modes d’acheminement vers les États-Unis, la majorité des entreprises s’adapteront sans pour autant quitter le pays.
Défis actuels, levier de transformation
Nguyên Thi Bich Ngoc, Pdg du groupe immobilier Sen Vàng, reconnaît que la taxe américaine pourrait peser temporairement sur le marché de l’immobilier industriel. Toutefois, elle voit également une opportunité de réorganisation stratégique, en appelant les autorités à renforcer l’attractivité du pays pour les investisseurs étrangers. Elle souligne que le Vietnam doit capitaliser sur ses forces structurelles : stabilité politique, qualité de la main-d’œuvre, coûts compétitifs et capacité à s’intégrer dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. C’est également le moment opportun pour le pays de redéfinir et de planifier à nouveau ses secteurs clés et ses priorités stratégiques.
Une participation active aux accords de coopération bilatéraux et multilatéraux ouvrira de nouvelles perspectives, permettant au Vietnam de renforcer sa position tant sur la scène régionale qu’internationale. Il est essentiel de tirer parti des défis actuels comme levier de transformation, en vue d’un développement durable à long terme. - CVN/VNA