Hanoi (VNA) - Les villages de métiers traditionnels du Vietnam constituent un secteur non négligeable avec ses 3 milliards de dollars d’exportations et les près de 14 millions de personnes qu’ils emploient. Néanmoins, leur préservation et leur développement s’imposent aujourd’hui au point de devenir une urgence.

Autrefois, les productions des villages de métiers traditionnels étaient particulièrement réputées : on pense, ici, à la soie du village de Van Phuc, aux objets plaqués-or du village de Kiêu Ky, aux meubles et accessoires en rotin et en bambou du village de Phu Vinh, à la poterie de Bat Tràng, ou encore aux papiers votifs de Nghia Dô. Mais, ces dernières années, leur réputation et leur image se sont ternies.

Aujourd’hui, lorsque l’on visite le village de Vong, producteur de côm (jeunes grains de riz gluant légèrement aplatis), on ne retrouve plus les images d’antan, mais plutôt de grandes maisons modernes. Cette production s’est «assoupie». Des villageois expliquent que la préparation du côm n’est plus intéressante économiquement, car la demande est peu élevée.

Les villages de metiers traditionnels en quete de synergie hinh anh 1Le village de poterie de Bat Tràng. Photo: VNA
Non loin de là, le village de La Khê, au chef-lieu de Hà Dông, était admiré auparavant pour ses tissus employés pour les costumes d’apparat. Là aussi, la production s’est arrêtée. Il faut dire que ses étoffes sont plus chères que celles d’autres villages ou de leurs concurrentes importées. En outre, les difficultés d’accès au marché ont condamné la consommation de ces produits traditionnels. Les villageois se sont donc tournés vers d’autres activités. D’autres villages sont également en péril, comme Ngu Xa pour la fonte du bronze, Phu Vinh pour les meubles en rotin et en bambou, ou encore Phu Lang pour les poteries.

La dégradation et la disparition des métiers traditionnels résultent essentiellement de l’évolution des modes de production imposée par une économie moderne, et de l’urbanisation qui s’approche de ces villages. Des facteurs de perte des traditions comme des usages. La plupart des villages ne peuvent plus se développer. Les artisans ont peu à peu changé de carrière afin de pouvoir vivre plus décemment. On constate aussi que la transmission des savoirs entre générations n’a pas été satisfaisante : les successeurs n’ont pas parfaitement assimilé les valeurs traditionnelles, ou s’en sont désintéressés pour une autre profession. Enfin, la question financière, le manque de modèles économiques crédibles, des stratégies inadaptées à une économie de marché moderne, achèvent progressivement un artisanat traditionnel. Bref, les villages de métiers traditionnels sont  dans une impasse !

Changer pour mieux agir

Pour sortir de cette situation, il est essentiel que les villages d’artisanat traditionnel élaborent des stratégies de développement durable. Le village de poterie de Bat Tràng l’a bien compris. Face à de nombreuses difficultés, Bat Tràng a cherché par lui-même des solutions pour pérenniser sa production et poursuivre son développement. Il est aujourd’hui un nom célèbre, d’une forte visibilité, au Vietnam, mais aussi à l’étranger.

Trân Quang Dao est un des artisans de Bat Tràng : «Pour renforcer les importations, notre village a dû choisir de nouvelles technologies pour améliorer la qualité des produits».  La céramique emploie désormais des matériaux spécifiques et sa cuisson est effectuée à des températures supérieures à 1.200°C. C’est ainsi qu’elle a conquis le marché, grâce à sa qualité, demeurant ses valeurs artistiques. À côté de ses produits traditionnels, le marché de Bat Tràng vend des pièces de décoration et d’architecture, mais aussi des laques associées à de la poterie, des oeuvres de peintures sur céramique, des carillons éoliens, voire des jouets en céramique.

Les villages de metiers traditionnels en quete de synergie hinh anh 2Des décorations en rotin et en bambou de Phu Vinh sont appréciés à l’étranger. Photo: CVN

Les artisans de Bat Tràng ont bien senti l’air du temps ! Leurs gammes de prix sont vastes, de quelques dizaines de milliers de dôngs à plusieurs dizaines de millions de dôngs. Et ils ont également su combiner traditions et tourisme pour mieux présenter la culture et les produits de Bat Tràng aux visiteurs vietnamiens comme étrangers.

Le village de Phu Xuyên est aussi un exemple pour avoir suivi une évolution semblable. Il a lancé de nombreuses activités promotionnelles pour affirmer son image. Récemment, Phu Xuyên a organisé une exposition sur l’élite des villages de métiers traditionnels d’autrefois et d’aujourd’hui, avec plus de 200 stands. Cet événement a permis d’instituer une nouvelle relation entre produits d’artisanat et tourisme.

Entraide entre villages

Concernant les villages de métiers traditionnels de la capitale Hanoi, leurs progrès réalisés sont d’ores et déjà significatifs, même si certains de leurs objets passent pour de pâles copies, ou si l’esthétique de ceux-ci n’est pas toujours au rendez-vous. Les villages se doivent, encore, de retrouver leur niveau pour conserver l’essence de la culture traditionnelle, comme pour satisfaire une clientèle toujours plus labile sur le plan des goûts.

Ces dernières années, le développement d’un tourisme des et avec les villages de métiers traditionnels a connu un essor considérable. Le rôle des autorités locales y est important, notamment dans l’étude de marché et l’organisation des formations en marketing et en investissement. Compte tenu de la complexité de cette tâche et de la spécificité économique comme sociale et culturelle des villages, une planification stratégique de leur développement est nécessaire.

Luu Duy Dan, président de l’Association des villages de métiers traditionnels : «Pour les villages de métiers qui ont échappé à la précarité, il est important d’élaborer une stratégie de développement durable en veillant à associer ce dernier au tourisme afin d’être plus visibles et attractifs dans un monde toujours plus communicatif, notamment sur le plan visuel. Les potentiels des villages de métiers traditionnels de Hanoi sont importants». Et de souligner que  pour subsister, faire appel à l’État ou à la communauté n’est pas suffisant : les villages et leurs artisans doivent d’abord se prendre en charge eux-mêmes. – CVN/VNA