Hanoi (VNA) - Le Vietnam prend des mesures concrètes pour établir un marché du carbone, visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) et à respecter son engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
La feuille de route pour ce marché est de plus en plus claire : des cadres réglementaires clés sont en cours d’élaboration et une plateforme pilote d’échange de droits d’émission de carbone devrait être lancée en juin de cette année.
Le vice-Premier ministre Trân Hông Hà a signé le 25 janvier une décision approuvant le plan de création et de développement du marché du carbone au Vietnam. Selon ce plan, le Vietnam établira et développera proactivement un marché centralisé du carbone, garantissant le respect des principes du marché, sous la gestion et la supervision de l’État.
Le fondement juridique du marché du carbone vietnamien repose principalement sur la Loi amendée sur la protection de l’environnement (2020) et le décret gouvernemental de juin 2022, qui définit la gestion des émissions de GES et le fonctionnement des marchés de crédits carbone. Ce décret impose l’établissement d’un inventaire national des GES et d’un système d’allocation de quotas d’émission.
Afin de faciliter le commerce du carbone, le ministère des Ressources naturelles et de l’Environnement, en collaboration avec le ministère des Finances et d’autres organismes compétents, élabore une réglementation détaillée sur l’émission, la négociation et la vérification des crédits carbone.
Le Service des transactions boursières de Hanoi (HNX) a été désigné comme opérateur de la plateforme nationale d’échange de carbone, garantissant des transactions réglementées et la stabilité du marché.
Mécanismes d’échange de quotas d’émission de carbone
Le marché du carbone vietnamien comprendra deux volets principaux. Le premier est le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), dans lequel le gouvernement attribue des quotas d’émission de GES aux industries réglementées, leur permettant d’échanger des quotas en fonction de leurs émissions réelles.
Dans un premier temps, ces quotas pourront être attribués gratuitement, puis seront progressivement mis aux enchères pour améliorer l’efficacité du marché.
Le deuxième volet est le marché volontaire de crédits carbone, qui permet aux entreprises de générer des crédits carbone grâce à des projets de réduction des émissions de GES tels que le boisement, le développement des énergies renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Ces crédits peuvent être échangés aux niveaux national et international, grâce aux mécanismes prévus à l’article 6 de l’Accord de Paris et aux collaborations avec des pays comme le Japon via le Mécanisme conjoint de crédits (MCC).
De grandes entreprises vietnamiennes telles que Vingroup, Vinamilk et Masan ont déjà pris des mesures proactives pour intégrer l’échange de crédits carbone à leurs stratégies de développement durable. Ces entreprises investissent dans des technologies bas carbone et des projets d’énergies renouvelables afin de tirer parti des nouvelles opportunités de crédits carbone.
Déclaration des émissions, attribution de quotas

En vertu d’une décision du Premier ministre du 13 août 2024, plus de 2.166 entreprises ont été tenues de réaliser des inventaires de GES et de déclarer leurs niveaux d’émissions en 2024 dans le cadre du Projet de création et de développement du marché du carbone au Vietnam.
Ces entreprises comprenaient des centrales thermiques, des installations de production industrielle consommant au moins 1.000 tonnes d’équivalent pétrole (TEP) par an, des entreprises de transport de marchandises consommant au moins 1.000 TEP par an, des bâtiments commerciaux consommant au moins 1.000 TEP par an et des installations de traitement des déchets solides traitant au moins 65.000 tonnes par an.
D’ici fin 2028, des quotas d’émissions seront attribués aux industries à fortes émissions, telles que l’énergie thermique, la production d’acier et la fabrication de ciment, sur la base d’un plafond global approuvé par le Premier ministre. Les entreprises participant à ce programme seront autorisées à acheter et vendre des quotas et des crédits carbone pour compenser les émissions dépassant les limites fixées.
L’une des avancées les plus importantes du marché du carbone vietnamien sera le lancement d’une plateforme pilote d’échange de droits d’émission de carbone en juin de cette année. Cette initiative vise à tester les mécanismes d’échange, la conformité réglementaire et la stabilité du marché avant sa mise en œuvre complète. La phase d’essai se concentrera sur les secteurs à fortes émissions tels que l’énergie, l’industrie manufacturière et les transports.
Malgré ces avancées prometteuses, des défis subsistent. L’absence d’un cadre juridique pleinement établi, la nécessité d’une vérification standardisée des crédits carbone et la sensibilisation limitée des entreprises à l’échange de droits d’émission constituent des obstacles importants.
Par ailleurs, le Vietnam n’a pas encore mis en place de politiques fiscales spécifiques pour l’échange de droits d’émission de carbone, bien que le ministère des Finances envisage des exonérations fiscales sur les crédits carbone afin d’encourager la participation au marché.
À l’échelle mondiale, plus de 70 mécanismes de tarification du carbone, dont les systèmes d’échange de droits d’émission et les taxes carbone, couvraient environ 23 % des émissions totales de GES d’ici 2023, selon le rapport de la Banque mondiale sur l’état et les tendances de la tarification du carbone en 2023.
L’Union européenne (UE) a déjà mis en œuvre le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), exigeant que les importations à forte teneur en carbone, comme l’acier et le ciment, soient conformes à la réglementation européenne sur les émissions. Si le Vietnam ne développe pas efficacement son marché du carbone, les exportateurs nationaux pourraient se heurter à d’importantes barrières commerciales.
À l’avenir, le marché du carbone vietnamien pourrait générer jusqu’à 57 millions de crédits carbone par an, dépassant les projections initiales de 40 millions par an. Si sa mise en œuvre est réussie, ce marché pourrait générer environ 300 millions de dollars de recettes annuelles, réinvesties dans des projets de développement vert. – VNA