"Je suis un voyageur qui traverse le siècle," s'exclame-t-il un jour au début de l'année 2001. Vo Nguyên Giap est né le 25 août 1911, dans le village d’An Xa, district de Lê Thuy, province de Quang Binh (Centre).

Enfant d’une famille pauvre, il grandit sur une terre aride fouettée par un vent chaud et sec, venant du Laos . Adulte, il prend part aux activités révolutionnaires et devient un général hors pair. Sa vie et son oeuvre sont liées à la guerre de libération nationale, à l’histoire de la formation et de la croissance des forces armées populaires. Il est un brillant et proche disciple du Président Hô Chi Minh, le compagnon d’armes des dirigeants du Parti communiste et de l’Etat du Vietnam.

Le général Giap aime évoquer les souvenirs de l’ancienne cité impériale de Huê, où il a fait ses études au Collège national. Là, il s'est lié d'amitié avec Nguyên Chi Diêu, Hai Triêu, Nguyên Khoa Van, qui deviendont plus tard de grands révolutionnaires, cause de sa participation à la grève scolaire d’avril 1927, de son renvoi du collège. Autodidacte, il écrit des articles pour le journal "La voix du peuple" fondé par le patriote Huynh Thuc Khang, puis adhéra au parti Tân Viêt (Nouveau Vietnam).

En 1930, il est arrêté, jugé et placé sous surveillance administrative, dans son village natal. Un jour, le révolutionnaire Nguyên Chi Diêu vient le chercher à bord d’un bateau. À partir de ce moment, il entre dans la vie révolutionnaire. À Hanoi, il continue de s'instruire par lui-même. Premier lauréat au concours général des meilleurs élèves de toute l’Indochine, il passe avec succès son bac philo, puis la licence en droit.

Tout en menant des activités révolutionnaires, il enseigne à l'école Thang Long, écrit des articles en vietnamien ou en français pour les journaux "Le Travail", "Les Nouvelles", "Notre voix". À cette époque, avec Truong Chinh (futur secrétaire général du PCV), il rédige "La question paysanne" sous deux pseudonymes: Qua Ninh et Van Dinh. Militant dans le mouvement Dông Duong Dai Hôi (Congrès indochinois), il est élu président du comité de presse du Tonkin.

Un jour, Vo Nguyên Giap et Pham Van Dông (futur Premier ministre) ont pour mission de se rendre à Kunming (Chine) pour rencontrer le leader du PCV à l’étranger. Au bord du lac Thuy, ils se trouvent en présence d'un homme d’âge mûr, aux vêtements simples de type Sun Yat-Sen. Il s’agit de Nguyên Ai Quôc, de l’Internationale communiste, le futur Président Hô Chi Minh. Cette rencontre a laissé au général une profonde impression dans sa vie révolutionnaire. Il n’oubliera jamais les recommandations du leader: "Pour faire la révolution, il faut placer les intérêts publics au-dessus de tout".

En mai 1941, dans les forêts de Pac Bo (district de Nguyên Binh, province de Cao Bang), la 8e Conférence du Comité central du PCV (premier Congrès) présidé par Hô Chi Minh, décide de créer la Ligue pour l’Indépendance du Vietnam ou le Viêt Minh. Vo Nguyên Giap est nommé responsable de la Commission militaire du Viêt Minh, chargé d'organiser les forces armées en vue de l’insurrection générale et de la conquête du pouvoir. Un tournant de sa carrière est la naissance de la Brigade de propagande pour la libération, le 22 décembre 1944, embryon de l’actuelle Armée populaire du Vietnam. Sous son commandement, deux jours après sa création, cette jeune armée remporte deux victoires à Phay Khat et à Na Ngân (Cao Bang).

Vo Nguyên Giap devient membre du Comité militaire révolutionnaire du Tonkin, membre du commandement provisoire de la zone libérée du Viêt Bac et commandant en chef des Brigades de libération du Vietnam. Le Congrès national de Tân Trào l’élit au Comité de libération nationale du Vietnam. Au nom du Comité militaire, il signe l’ordre d’insurrection générale. Le soir du 16 août 1945 se clôture le Congrès.

De Tân Trào, une unité de l’armée de libération commandée par Vo Nguyên Giap marche sur le chef-lieu de Thai Nguyên occupé par les troupes japonaises. "L’occasion favorable se présente. Même s'il nous faut tout sacrifier, même si nous devons brûler toute la cordillère Truong Son, nous sommes résolus à conquérir l’indépendance." C es recommandations personnelles du Président Hô Chi Minh, alors gravement malade, résonne aux oreilles du chef militaire en route vers Hanoi.

La Révolution d’Août a triomphé, le Gouvernement provisoire de la République démocratique du Vietnam est formé. Vo Nguyên Giap, ministre de l’Intérieur et vice-ministre de la Défense, pour tâche de défendre et d'édifier le jeune pouvoir révolutionnaire. Les troupes françaises, sous la protection des Anglais, tentent de réoccuper le Vietnam.

Le 19 décembre 1946, la résistance anti-française éclate. Vo Nguyên Giap est désigné commandant en chef de l’Armée nationale et des milices populaires. Il donne l’ordre à toutes les villes et tous les chefs-lieux occupés par l'ennemi de déclencher l'attaque. Les 60 jours et nuits de combat dans Hanoi constituent une page glorieuse de la longue guerre de 9 ans, du peuple vietnamien. Le 2 janvier 1948, sur décret du Président Hô Chi Minh, Vo Nguyên Giap est promu général quatre étoiles.

Dans les premières années de la résistance, il a mis en pratique une méthode de combat permettant en même temps d’anéantir l'ennemi et d'édifier les forces armées, d'intensifier la guérilla. Cette méthode de combat a évité à la jeune armée d’être anéantie par un adversaire beaucoup plus puissant. Ordre secret du général Vo Nguyên Giap: Fleurs à son anniversaire.

"Rapidité, encore plus de rapidité et encore plus de hardiesse, profitez de chaque instant, de chaque minute pour vous élancer vers le front et libérer le Sud. Soyez déterminés à combattre et à remporter la victoire totale." Durant 9 années de résistance, l’Armée populaire n’a cessé de se développer et a défait la stratégie "Attaquer et vaincre rapidement" des colonialistes français. Elle a pris l'initiative sur les principaux champs de bataille, mené des offensives et contre-offensives de plus en plus importantes, ce qui a conduit à la campagne de Dông Xuân (hiver-printemps) 1953-1954 qui culmine avec la bataille de Diên Biên Phu, sonnant le glas du colonialisme dans le monde.

Dans la guerre de résistance contre les colonialistes français, deux décisions d'une importance vitale ont marqué la carrière des armes du général. Il s’agissait de changer l’objectif d’attaque: Dông Khê au lieu de Cao Bang, lors de la bataille des frontière en 1950 et de modifier la devise opérationnelle du "combattre et vaincre rapidement" en "combattre et avancer sûrement" à Diên Biên Phu. "Ce furent les moments les plus difficilles dans ma vie de commandant en chef" dit-il souvent.

Dans la longue guerre anti-américaine, en tant que membre du Bureau politique, secrétaire du Comité militaire central du PCV, ministre de la Défense, il a contribué à former une armée régulière et moderne qui a servi de soutien à la lutte pour la libération du Sud du pays, ouvert la fameuse route Truong Son reliant le Nord et le Sud et vaincu la guerre de destruction, par l'aviation et la marine des Etats-Unis.

Au printemps 1975, la campagne Hô Chi Minh se solde par une victoire éclatante. Le gouvernement fantoche de Saigon doit se rendre sans conditions. Comme une traînée de poudre, les nouvelles de la victoire arrivent au quartier général à Hanoi. Le vieux général des deux guerres de libération nationale se rappelle: "À ce moment-là, tout le monde sautait, criait, s’embrassait... un spectacle de joie indescriptible. Les membres de l’Etat-Major serraient les soldats dans leurs bras. Tous avaient la voix étranglée par l'émotion. Certains pleurent. Cela a été un instant unique dans la vie. La guerre la plus longue du siècle prenait fin".

Vo Nguyên Giap n'est pas seulement un grand général, c'est encore un scientifique, un pédagogue expérimenté. En 1978, vice-premier ministre, il s’occupait des domaines de la science et de l’éducation. Son livre "Certaines questions sur la science et l’éducation" est une oeuvre d'une grande valeur idéologique dans la période de Renouveau. Assimilant et appliquant la pensée de Hô Chi Minh, avec tout le PCV et le peuple, il a réalisé des exploits glorieux. En retraite, il consacre son temps et sa force à rédiger: "La pensée de Hô Chi Minh et la voie révolutionnaire du Vietnam", un ouvrage théorique d'une grande profondeur. Il est aussi l’auteur de livres connus, à savoir "La guerre du peuple, l’Armée du peuple", "Guerre de libération nationale et Guerre de défense nationale" et de bien d’autres, soit plus de 70 oeuvres. Nombre de ces livres ont été traduits en plusieurs langues étrangères, notamment ceux sur ses " Mémoires de guerre ". Il est un des grands hommes de culture du Vietnam, au 20e siècle.

À propos de la force du Vietnam qui a vaincu tous les envahisseurs, il explique: "Grâce à la force de la culture traditionnelle, les Vietnamiens ont su associer la volonté de combattre pour la sauvegarde du pays à l’art de la stratégie. Ils ont créé une doctrine militaire originale". Il parle souvent de ses Mémoires portant sur la naissance et la croissance des forces armées populaires, et intitulées "Issues du peuple" . Lui-même est un général issu du peuple.

Liant toute sa vie à l’armée, le général Giap conserve toujours une âme pure, poétique et pleine d’amour de l’homme. Il aime la poésie, la musique, les airs militaires qui règlent le pas des combattants tout au long des guerres pour l’indépendance et la liberté. Sa vie est aussi une marche à travers le siècle. Elle retentit avec le temps et règle le pas des générations qui se succèdent. – VNA