La vie du général Vo Nguyên Giap, une marche à travers le siècle
Enfant d’une famille pauvre, il grandit sur une terre aride fouettée
par un vent chaud et sec, venant du Laos . Adulte, il prend part aux
activités révolutionnaires et devient un général hors pair. Sa vie et
son oeuvre sont liées à la guerre de libération nationale, à l’histoire
de la formation et de la croissance des forces armées populaires. Il est
un brillant et proche disciple du Président Hô Chi Minh, le compagnon
d’armes des dirigeants du Parti communiste et de l’Etat du Vietnam.
Le général Giap aime évoquer les souvenirs
de l’ancienne cité impériale de Huê, où il a fait ses études au Collège
national. Là, il s'est lié d'amitié avec Nguyên Chi Diêu, Hai Triêu,
Nguyên Khoa Van, qui deviendont plus tard de grands révolutionnaires,
cause de sa participation à la grève scolaire d’avril 1927, de son
renvoi du collège. Autodidacte, il écrit des articles pour le journal
"La voix du peuple" fondé par le patriote Huynh Thuc Khang, puis adhéra
au parti Tân Viêt (Nouveau Vietnam).
En 1930, il
est arrêté, jugé et placé sous surveillance administrative, dans son
village natal. Un jour, le révolutionnaire Nguyên Chi Diêu vient le
chercher à bord d’un bateau. À partir de ce moment, il entre dans la vie
révolutionnaire. À Hanoi, il continue de s'instruire par lui-même.
Premier lauréat au concours général des meilleurs élèves de toute
l’Indochine, il passe avec succès son bac philo, puis la licence en
droit.
Tout en menant des activités
révolutionnaires, il enseigne à l'école Thang Long, écrit des articles
en vietnamien ou en français pour les journaux "Le Travail", "Les
Nouvelles", "Notre voix". À cette époque, avec Truong Chinh (futur
secrétaire général du PCV), il rédige "La question paysanne" sous deux
pseudonymes: Qua Ninh et Van Dinh. Militant dans le mouvement Dông Duong
Dai Hôi (Congrès indochinois), il est élu président du comité de presse
du Tonkin.
Un jour, Vo Nguyên Giap et Pham Van
Dông (futur Premier ministre) ont pour mission de se rendre à Kunming
(Chine) pour rencontrer le leader du PCV à l’étranger. Au bord du lac
Thuy, ils se trouvent en présence d'un homme d’âge mûr, aux vêtements
simples de type Sun Yat-Sen. Il s’agit de Nguyên Ai Quôc, de
l’Internationale communiste, le futur Président Hô Chi Minh. Cette
rencontre a laissé au général une profonde impression dans sa vie
révolutionnaire. Il n’oubliera jamais les recommandations du leader:
"Pour faire la révolution, il faut placer les intérêts publics au-dessus
de tout".
En mai 1941, dans les forêts de Pac Bo
(district de Nguyên Binh, province de Cao Bang), la 8e Conférence du
Comité central du PCV (premier Congrès) présidé par Hô Chi Minh, décide
de créer la Ligue pour l’Indépendance du Vietnam ou le Viêt Minh. Vo
Nguyên Giap est nommé responsable de la Commission militaire du Viêt
Minh, chargé d'organiser les forces armées en vue de l’insurrection
générale et de la conquête du pouvoir. Un tournant de sa carrière est
la naissance de la Brigade de propagande pour la libération, le 22
décembre 1944, embryon de l’actuelle Armée populaire du Vietnam. Sous
son commandement, deux jours après sa création, cette jeune armée
remporte deux victoires à Phay Khat et à Na Ngân (Cao Bang).
Vo Nguyên Giap devient membre du Comité militaire révolutionnaire du
Tonkin, membre du commandement provisoire de la zone libérée du Viêt Bac
et commandant en chef des Brigades de libération du Vietnam. Le Congrès
national de Tân Trào l’élit au Comité de libération nationale du
Vietnam. Au nom du Comité militaire, il signe l’ordre d’insurrection
générale. Le soir du 16 août 1945 se clôture le Congrès.
De Tân Trào, une unité de l’armée de libération commandée par Vo
Nguyên Giap marche sur le chef-lieu de Thai Nguyên occupé par les
troupes japonaises. "L’occasion favorable se présente. Même s'il nous
faut tout sacrifier, même si nous devons brûler toute la cordillère
Truong Son, nous sommes résolus à conquérir l’indépendance." C es
recommandations personnelles du Président Hô Chi Minh, alors gravement
malade, résonne aux oreilles du chef militaire en route vers Hanoi.
La Révolution d’Août a triomphé, le Gouvernement provisoire de la
République démocratique du Vietnam est formé. Vo Nguyên Giap,
ministre de l’Intérieur et vice-ministre de la Défense, pour tâche de
défendre et d'édifier le jeune pouvoir révolutionnaire. Les troupes
françaises, sous la protection des Anglais, tentent de réoccuper le
Vietnam.
Le 19 décembre 1946, la résistance
anti-française éclate. Vo Nguyên Giap est désigné commandant en chef
de l’Armée nationale et des milices populaires. Il donne l’ordre à
toutes les villes et tous les chefs-lieux occupés par l'ennemi de
déclencher l'attaque. Les 60 jours et nuits de combat dans Hanoi
constituent une page glorieuse de la longue guerre de 9 ans, du peuple
vietnamien. Le 2 janvier 1948, sur décret du Président Hô Chi Minh, Vo
Nguyên Giap est promu général quatre étoiles.
Dans
les premières années de la résistance, il a mis en pratique une méthode
de combat permettant en même temps d’anéantir l'ennemi et d'édifier les
forces armées, d'intensifier la guérilla. Cette méthode de combat a
évité à la jeune armée d’être anéantie par un adversaire beaucoup plus
puissant. Ordre secret du général Vo Nguyên Giap: Fleurs à son
anniversaire.
"Rapidité, encore plus de rapidité et
encore plus de hardiesse, profitez de chaque instant, de chaque minute
pour vous élancer vers le front et libérer le Sud. Soyez déterminés à
combattre et à remporter la victoire totale." Durant 9 années de
résistance, l’Armée populaire n’a cessé de se développer et a défait la
stratégie "Attaquer et vaincre rapidement" des colonialistes français.
Elle a pris l'initiative sur les principaux champs de bataille, mené
des offensives et contre-offensives de plus en plus importantes, ce qui
a conduit à la campagne de Dông Xuân (hiver-printemps) 1953-1954 qui
culmine avec la bataille de Diên Biên Phu, sonnant le glas du
colonialisme dans le monde.
Dans la guerre de
résistance contre les colonialistes français, deux décisions d'une
importance vitale ont marqué la carrière des armes du général. Il
s’agissait de changer l’objectif d’attaque: Dông Khê au lieu de Cao
Bang, lors de la bataille des frontière en 1950 et de modifier la devise
opérationnelle du "combattre et vaincre rapidement" en "combattre et
avancer sûrement" à Diên Biên Phu. "Ce furent les moments les plus
difficilles dans ma vie de commandant en chef" dit-il souvent.
Dans la longue guerre anti-américaine, en tant que membre du Bureau
politique, secrétaire du Comité militaire central du PCV, ministre de la
Défense, il a contribué à former une armée régulière et moderne qui a
servi de soutien à la lutte pour la libération du Sud du pays, ouvert la
fameuse route Truong Son reliant le Nord et le Sud et vaincu la guerre
de destruction, par l'aviation et la marine des Etats-Unis.
Au printemps 1975, la campagne Hô Chi Minh se solde par une victoire
éclatante. Le gouvernement fantoche de Saigon doit se rendre sans
conditions. Comme une traînée de poudre, les nouvelles de la victoire
arrivent au quartier général à Hanoi. Le vieux général des deux guerres
de libération nationale se rappelle: "À ce moment-là, tout le monde
sautait, criait, s’embrassait... un spectacle de joie indescriptible.
Les membres de l’Etat-Major serraient les soldats dans leurs bras. Tous
avaient la voix étranglée par l'émotion. Certains pleurent. Cela a été
un instant unique dans la vie. La guerre la plus longue du siècle
prenait fin".
Vo Nguyên Giap n'est pas seulement un
grand général, c'est encore un scientifique, un pédagogue expérimenté.
En 1978, vice-premier ministre, il s’occupait des domaines de la science
et de l’éducation. Son livre "Certaines questions sur la science et
l’éducation" est une oeuvre d'une grande valeur idéologique dans la
période de Renouveau. Assimilant et appliquant la pensée de Hô Chi Minh,
avec tout le PCV et le peuple, il a réalisé des exploits glorieux. En
retraite, il consacre son temps et sa force à rédiger: "La pensée de Hô
Chi Minh et la voie révolutionnaire du Vietnam", un ouvrage théorique
d'une grande profondeur. Il est aussi l’auteur de livres connus, à
savoir "La guerre du peuple, l’Armée du peuple", "Guerre de libération
nationale et Guerre de défense nationale" et de bien d’autres, soit
plus de 70 oeuvres. Nombre de ces livres ont été traduits en plusieurs
langues étrangères, notamment ceux sur ses " Mémoires de guerre ". Il
est un des grands hommes de culture du Vietnam, au 20e siècle.
À propos de la force du Vietnam qui a vaincu tous les envahisseurs, il
explique: "Grâce à la force de la culture traditionnelle, les
Vietnamiens ont su associer la volonté de combattre pour la sauvegarde
du pays à l’art de la stratégie. Ils ont créé une doctrine militaire
originale". Il parle souvent de ses Mémoires portant sur la naissance
et la croissance des forces armées populaires, et intitulées "Issues du
peuple" . Lui-même est un général issu du peuple.
Liant toute sa vie à l’armée, le général Giap conserve toujours une âme
pure, poétique et pleine d’amour de l’homme. Il aime la poésie, la
musique, les airs militaires qui règlent le pas des combattants tout au
long des guerres pour l’indépendance et la liberté. Sa vie est aussi une
marche à travers le siècle. Elle retentit avec le temps et règle le pas
des générations qui se succèdent. – VNA