La musique traditionnelle cherche à exploiter la mondialisation
Plus que jamais, la
musique traditionnelle est menacée par la diversité du marché musical
actuel comme par les nouvelles tendances artistiques contemporaines
qu’il propage.
Le Vietnam présente des musiques
traditionnelles très variées, originales et diverses. La nha nhac
(musique de Cour) de Huê, les gongs du Tây Nguyên (hauts plateaux du
Centre), le quan ho (chants alternés) de Bac Ninh, le ca trù (chants des
courtisanes), le hat xoan (chants printaniers) de Phu Tho et, plus
récemment, le don ca tài tu (musique des amateurs du Sud), ont été
reconnus patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Pourtant, la musique traditionnelle peine à se faire entendre ces
derniers temps et suscite peu d’intérêt du public, en particulier des
jeunes. La directrice du Centre d'étude, de préservation et de
valorisation de la musique folklorique Mai Tuyêt Hoa le reconnaît : "La
plupart des jeunes ne comprennent pas la musique folklorique. Ils
préfèrent la musique étrangère. Ce qui rend la tâche d’autant plus
difficile pour les intermittents travaillant dans le domaine de la
musique traditionnelle".
En effet, le processus
d’intégration au monde et d’ouverture à l’étranger qui prévaut à l’heure
actuelle pousse les jeunes à s’intéresser à la culture d’autres pays.
Ils aiment particulièrement la musique étrangère. Celle-ci est davantage
diffusée que les musiques traditionnelles, ce qui crée un déséquilibre.
Au lieu de prendre part activement à la préservation de ces
patrimoines, bon nombre de jeunes préfèrent les genres étrangers qui
dominent désormais la vie artistique du pays.
L’invasion
des courants culturels étrangers influence l’identité culturelle
vietnamienne. Le professeur Hoàng Chuong, directeur général du Centre de
préservation et de valorisation de la culture populaire, s’inquiète du
désintérêt croissant de la population pour la musique traditionnelle.
Pour les attirer, il faudrait la renouveler, mais au risque d’altérer
les traditions léguées par nos ancêtres depuis des siècles.
Une voie difficile
La question de la préservation et de la valorisation de la musique
folklorique n’est pas nouvelle. Elle est évoquée depuis des années à
diverses occasions, notamment au sein de colloques. Diverses mesures ont
été proposées mais de la théorie à la pratique, le chemin est encore
très long et nécessite un réel investissement des services et organismes
compétents.
Des programmes d’actions
concrets sont nécessaires pour empêcher l’apparition de musiques
hybrides. "Si la musique traditionnelle n’est pas populaire auprès des
jeunes, c’est aussi par manque de moyens", s’inquiète le professeur et
musicologue Trân Van Khê. Il faudrait enseigner la musique
traditionnelle dans les écoles. Le directeur de l’Académie de la
musique, Lê Van Toàn, partage l’avis du professeur Trân Van Khê : "en
réalité, on manque encore d’investissement pour former des gestionnaires
ou des artistes dans ce domaine".
"Pour que les jeunes
s’intéressent plus à la musique folklorique, il faut leur donner des
opportunités de découvrir ces arts", souligne Trân Van Khê. Or, peu de
représentations sont organisées. Il est important d’enseigner ces arts
dans les écoles et de les diffuser sur les médias. Les radios, les
télévisions et les autres grands médias sont des moyens efficaces pour
introduire et présenter davantage la musique traditionnelle au public.
Une oeuvre musicale diffusée sur les ondes à la radio ou à la télé
dispose d’une audience de plusieurs millions de personnes. En parallèle
des mesures d’introduction des musiques traditionnelles dans les écoles,
il est nécessaire d’organiser des festivals, de promulguer des
politiques pour mieux rémunérer les artistes populaires et, bien sûr,
tenir compte du rôle important des médias.
"Une
hirondelle ne fait pas le printemps", explique Trân Van Khê. "L’heure
est venue de nous donner la main pour préserver et valoriser la musique
folklorique", c’est l’avis partagé par les chercheurs, les gestionnaires
et les compositeurs ayant récemment participé à une conférence sur "La
musique traditionnelle à l’époque contemporaine" organisée par le Centre
d’études pour la préservation et la valorisation de la musique
folklorique et l’Académie de musique de Hô Chi Minh-Ville. On espère que
ceux qui s’intéressent à un nouvel essor de la musique traditionnelle
prendront part plus activement à sa promotion, car la situation est
devenue urgente. -VNA/CVN