"Pour moi, le Général Giap est celui qui a ouvert les yeux à beaucoup de peuples au monde, montrant que ce n’est pas la force qui compte mais la foi dans un idéal. Son idéal est dans celui de la libération de son pays, de l’indépendance et la liberté du peuple. Quand on croit en cela, on renverse des montagnes. C’est ce qu’a fait le Général Giap, il a cru en son idéal et a renversé des montagnes".

C’est en ces termes que le réalisateur français Daniel Roussel a parlé du Général Vo Nguyen Giap dans son entretien avec le correspondant de l’Agence vietnamienne d'Information (VNA) à Paris.

Daniel Roussel raconte : "J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs fois et très longuement le Général Giap. Je dis que j’ai eu la chance parce que je savais déjà en 1980 lorsque je le voyais à Hanoi en tant que correspondant du journal de l’Humanité, que j’étais en face de l’histoire, d'un grand homme. Au début, je disais que c’est quand même un général. On imagine que c’est comme tous les généraux du monde, c’est quelqu’un d'un peu sec, pesant, autoritaire. Là, j’ai rencontré un homme qui avait le verbe vif quand il fallait, et surtout, j’ai découvert aussi l’homme politique, l’homme privé, l’homme de culture, le francophone, ayant des connaissances dans la littérature aussi bien française qu’américaine, chinoise aussi, et qui pratiquait du sport, jouait du piano. J’ai longuement parlé avec lui de la littérature, pas seulement de la guerre. Il était content parce qu’il disait: « vous me présentez comme un général, celui qui fait la guerre, alors mais je suis un homme de paix, je veux bien être un général, mais un général de la paix".

"Le Général Giap a été fortement influencé, imprégné des liens étroits qu’il a eu avec le Président Ho Chi Minh. Il est à mes yeux, quelqu’un qui après la mort du président, a le mieux poursuivi le combat de Ho Chi Minh. Sur la bataille de Dien Bien Phu, le Général Giap nous a raconté : Il était alors maquisard dans la forêt, le Président Ho Chi Minh lui avait donné une consigne : "Toi, tu es commandant en chef, c’est toi qui va mener la bataille. Voilà, il faut engager le combat que si tu est sûr de vaincre. Il n’a pas dit : si tu n’es pas sûr, tu n’engages pas le combat.

Evidemment, Giap savait ce qu’il devait faire. Il n’a pas écouté les conseils de mener des attaques rapides dans les quelques jours. Lui a décidé de ne pas attaquer le 25 janvier 1954 et a engagé la bataille deux mois après avoir eu tous les moyens logistiques et militaires, ce pour mener un combat susceptible de durer plusieurs mois, y compris pendant la saison sèche. C’est là le génie de Giap. En bref, il a su prendre le meilleur de toutes les stratégies du monde pour en faire sa propre stratégie".

"Les spécialistes de la guerre française sont des gens qui ont fait l’école de guerre. Mais, ce n’est pas le cas du Général Giap, parce qu’il n’a pas appris à faire la guerre, il l’a appris sur le terrain. Au début, ces généraux et officiers français sous-estimaient le Général Giap et disaient : il n’a pas fait d’études militaires, c'est un professeur, quelqu’un qui écrit, qui ne manipule pas le fusil, donc ce n’est pas un général sérieux en quelque sorte. Et là, ils ont été très surpris par le général Giap, la stratégie et la tactique militaires qu’il a mis en place, ce à quoi ils n'avaient absolument pas pensé. C’est pourquoi, ils l’ont respecté. C’est le respect d’un adversaire, un adversaire de taille", a-t-il conclu.

Le réalisateur Daniel Roussel était correspondant de l’Humanité de 1980 à 1986 au Vietnam. Il est revenu au Vietnam plusieurs fois pour interviewer les témoins et faire des films documentaires sur le Vietnam. Dans le film "La bataille du tigre et de l’éléphant", il a décrit la bataille de Dien Bien Phu avec au centre l’image du Général Giap, un homme à la vision militaire extraordinaire. Il a confié: "J’ai choisi ce titre là, parce qu’il est la métaphore que Ho Chi Minh utilisait pour parler des armées vietnamienne et française". "Le tigre vit, tapi dans la forêt. Quant l’éléphant arrive, si le tigre ne bouge pas, l’éléphant va le transpercer de ses puissances défenses. Mais le tigre se déplace sans cesse, tapi le jour, il attaque la nuit, arrache par lambeaux le dos de l’éléphant, puis repart se cacher dans la forêt. Il attaque de nouveau jusqu’au jour où l’éléphant meurt d’épuisement et d’hémorragie. Dien Bien Phu a été le tombeau de l’éléphant ». Voilà ce qui explique la manière que l’armée du Général Giap a mené la bataille de Dien Bien Phu, un combat de longue haleine, où elle a attaqué piton par piton, autrement dit avec anéantissement par partie, avant d’arriver à détruire tout le camp retranché de Dien Bien Phu. -VNA