KOTO, un centre d'apprentissage professionnel pour jeunes déshérités
"KOTO est ma seconde famille, elle m'a offert un avenir", lance dans un
sourire Nguyên Thi Thuy, 11 ans. Domiciliée dans la province de Hà Nam
(Nord), Thuy a vu son père aller en prison pour violences familiales
avant de participer à la "grande famille" du KOTO.
Pour
leur part, Ly A Pao et Lô A Plây, venus des villages lointains de la
province de Lào Cai (Nord), expliquent que leur famille est très pauvre
et qu'ils n'ont pas eu l'occasion d'être scolarisés. "L'apprentissage
professionnel à KOTO nous permettra d'avoir un emploi dans l'avenir et
d'aider nos familles", ajoutent-il.
Les apprentis de
KOTO habitent actuellement dans quatre logements situés dans
l'arrondissement de Tây Hô (Hanoi) sous l'égide d'une mère ou d'un père
adoptif. Ils y habitent pendant 18 mois. Les apprentis sont ensuite
encouragés à vivre de façon indépendante durant les six derniers mois
de chaque promotion.
Pour les diplômés, le centre KOTO
demeure un "souvenir joyeux". Nguyên Thi Trinh, ex-élève de la 7e
promo, originaire de la province de Bac Giang (Nord), était pourtant
mal partie dans la vie, après un séjour au centre de rééducation de
Ninh Binh (Nord). Elle dit qu'elle fut très chanceuse le jour où KOTO
l'accepta en son sein. Ici, elle apprit non seulement un travail mais
aussi la vie.
Hoàng Thi Hanh, ex-élève du centre KOTO,
est actuellement une enseignante dudit établissement. "De famille très
pauvre, je me suis inscrite en 2001 au centre KOTO qui a changé ma vie.
À la fin de ma promo, je suis devenue enseignante au centre. C'est mon
rêve depuis l'enfance", raconte-elle. Elle explique que chaque
promotion dure 24 mois au cours desquels les apprenants sont initiés
gratuitement au métier d'hôtellerie et de restauration. Pendant la
première année, les apprentis suivent des cours théoriques et de
pratiques. Durant la 2e année, ils suivent des stages dans des
restaurants à Hanoi ou à Hô Chi Minh-Ville.
Outre les
connaissances en spécialité et en savoir-vivre, KOTO dispense également
des cours d'anglais. Auparavant, les enseignants étaient des amis de
Jimmy Pham, surtout des Australiens volontaires qui assuraient les
cours de cuisine et sur le service à table selon les critères
internationaux. "À leur sortie, beaucoup d'apprentis KOTO sont recrutés
par les hôtels cinq étoiles à Hanoi comme Intercontinental, Sheraton,
Hilton, etc., voire même ceux à Dubaï et Macao (Chine)", confie Hoàng
Thi Hanh. Les programmes de formation ont été reconnus par Box Hill
Tafe - système australien des écoles publiques d'apprentissage
professionnel.
Une méthode qui fait ses preuves puisque
la totalité des diplômés de KOTO trouve par la suite des emplois dans
des restaurants et hôtels, avance Hoàng Thi Hanh. "Je suis très heureux
d'avoir été formé à KOTO. Je remercie toujours les enseignants et le
grand frère Jimmy", déclare Nguyên Thành Trung, un ex-élève de la 7e
promo.
Certains apprentis à KOTO ont été formés à
l'étranger. Nguyên Thi Thao, une ex-élève, en est un bon exemple. Elle
a reçu le titre d'"Ambassadrice de bonne volonté de KOTO". Cette jeune
femme symbolise le travail de l'association. Elle vendait dans le passé
des cartes postales autour du lac de l'Épée restituée. Douée en anglais
et en gestion, elle a achevé des études en Suisse. Pour ces gamins sans
avenir, Koto est un rêve. Une formation gratuite, subventionnée qui
plus est. Grâce à l'altruisme de Jimmy Pham.
Né en 1972
à Saigon (Hô Chi Minh-Ville actuellement), ce Viêt kiêu, résidant en
Australie depuis 1980, rentre au Vietnam pour la première fois en 1996.
Il est choqué de voir ces nombreux "gavroches" qui squattent les rues
de la capitale. Il les aide comme il peut, en leur offrant de l'argent
et en leur achetant de quoi manger. Des quatre premiers qu'il assiste
s'en rajoute une soixantaine au bout de deux semaines.
Il revient une seconde fois au Vietnam et aide encore comme il peut, à
l'aveuglette. Jusqu'à ce qu'un adolescent lui confie que les besoins
des enfants des rues ne sont pas dans une aide financière
occasionnelle. Jimmy dresse l'oreille. Le jeune assure qu'il
préférerait être formé à avoir un métier stable. Naquit de cette
discussion le projet de restaurant.
Pendant toute
l'année 1999, Jimmy Pham fait la navette entre l'Australie et le
Vietnam pour s'occuper des formalités administratives. En juin, le
restaurant KOTO ouvre ses portes dans la rue Van Miêu, située tout près
du Temple de la littérature. Un an après, grâce à des donations, Jimmy
Pham peut se consacrer à son centre d'apprentissage qui ouvre en 2000.
C'est le premier établissement de formation et de pratique en faveur
des enfants de la rue au Vietnam. Vingt gamins au début, plus de 330
formés dix ans plus tard. Jimmy est fier d'avoir réalisé 19 cours à
Hanoi et trois autres à Hô Chi Minh-Ville.
"Le plus
important pour KOTO c'est de voir nos élèves démarrer dans la vie avec
des aptitudes professionnelles ", indique Jimmy. Il parle correctement
le vietnamien, sa mère le lui ayant transmis dès son plus jeune âge. Il
garde de bons rapports avec ses apprentis, "même sortis du centre",
poursuit-il.
Il espère que d'ici 2020, KOTO aura
inauguré une vingtaine de centres au Vietnam et à l'étranger. Dans
l'immédiat, un centre KOTO devrait voir le jour au Cambodge,
expose-t-il. Selon lui, KOTO, c'est le moyen de sortir de la pauvreté,
d'acquérir des connaissances professionnelles et de créer des emplois.
Dans la salle située en face du Temple de la littérature, la décoration
est saisissante. Au premier étage, les photos de plusieurs élèves ont
été encadrées. De la lueur de leurs yeux à leurs sourires, il est dur
de les soupçonner d'avoir été dans le passé des vendeurs à la sauvette,
des cireurs de chaussures, des vendeurs de journaux, tous SDF. Aux
étages supérieurs, un grand format présente les serveurs de KOTO en
compagnie de certains hommes politiques étrangers. C'est dire l'aura
dont bénéficie ce centre.
Grâce à ses contributions,
Jimmy Pham devrait recevoir en septembre prochain le prix intitulé
"Jeune dirigeant global", dans le cadre du Forum économique
international, prévu du 12 au 16 septembre à Dalian (Chine). -AVI