Muté il y a près d’une trentaine d’années sur le Tây Nguyên (Hauts plateaux du Centre), Lê Huu Phong, enseignant, originaire du delta du fleuve Rouge, s’est entiché de la culture Ba Na. Son souhait : transmettre à ses élèves les valeurs traditionnelles des minorités ethniques des hauts plateaux du Centre.

Il est né et a grandi dans la province de Hung Yên (Nord). Mais c’est à Huê (Centre) qu’il a fait ses études à l’École secondaire de pédagogie. Une fois diplômé en 1986, le jeune Lê Huu Phong, alors plein d’enthousiasme, a été envoyé à Kon Chiêng, une commune du district de Mang Yang, province de Gia Lai (hauts plateaux du Centre). Il est devenu ainsi enseignant dans cette localité reculée, un lieu tellement difficile que nombre de ses confrères, dont le directeur adjoint de l’école, ont dû abandonner leur poste.

Un nouveau modèle éducatif


«Au moment où j’ai commencé mon travail d’enseignement, Kon Chiêng manquait gravement d’enseignants», partage Lê Huu Phong. C’est ainsi que, malgré son jeune âge et sa méconnaissance de la langue Ba Na, il a été nommé directeur du collège de Kon Chiêng. Une école vétuste, qui avait peu d’élèves. «Frustré, j’ai voulu tout arrêter», confie-t-il. Le hasard jouant en sa faveur, Lê Huu Phong a rencontré un vieil enseignant qui lui a appris la langue locale. Au fil du temps, le jeune s’est pris de passion pour la culture Ba Na et a décidé de rester à Kon Chiêng.

Investi dans son travail, l’enseignant a proposé que ses élèves soient nourris chez l’habitant pour leur permettre d’aller en cours toute la journée. Une initiative d’emblée acceptée par M. Zek, alors secrétaire de l’organisation du Parti de la commune : «Continuez de vous impliquer comme vous le faites et ne vous inquiétez pas de l’alimentation ! La commune mobilisera chaque famille». Un peu plus tard, deux grands entrepôts du riz ont ainsi été construits au collège. «Dix-neuf élèves ayant suivi ce modèle sont devenus des cadres actifs de la commune et du district», affirme-il fièrement.

La culture Ba Na au programme scolaire


En dehors des heures d’enseignement, cet homme part régulièrement en vadrouille dans le district pour en apprendre plus sur les us et coutumes des minorités ethniques. Les chansons folkloriques, les informations sur la fête de l’abattage du buffle, la cérémonie «bỏ mả» (l’abandon de la tombe, ancien rite funéraire consistant à rompre le lien entre les vivants et le défunt quelques années après sa mort), la fête de la nouvelle récolte du riz…, tout l’intéresse. «J’ai déjà porté le langouti et joué du gong lors de fêtes», assure-t-il. 

Huu Phong, un enseignant mordu de culture Ba Na hinh anh 1
M. Phong (droite) apprend le gong à des élèves de l’École-internat de Mang Yang.

Actuellement directeur de l’École-internat de minorités ethniques du district de Mang Yang, Lê Huu Phong s’intéresse toujours de près à la culture Ba Na. En 2008, il a publié un lexique de référence vietnamien-bana. Un texte très utile pour les gens en mission dans le Tây Nguyên, ainsi que pour les chercheurs en anthropologie ou en sociologie. Plus tard, il s’est vu confier la rédaction générale d’un document d’apprentissage de la langue Ba Na pour l’École normale supérieure de Gia Lai.

Dès sa nomination au poste de directeur d’école il y a quelques années, Lê Huu Phong a collecté des fonds pour acheter un ensemble de gongs. Puis, il a invité des artistes à apprendre à ses élèves à en jouer. «Nos budgets sont limités. Les artistes de gongs initient donc les élèves de la 9e classe (correspondant à la dernière année du collège - NDLR), qui l’enseignent ensuite aux plus petits», confie-t-il. Bien que créée depuis peu, la troupe de gongs de l’École-internat de Mang Yang est connue dans l’ensemble de la province de Gia Lai et présente dans les fêtes locales. «Pour que les élèves soient plus conscients de la nécessité de préserver les valeurs culturelles de leur ethnie, j’ai souvent organisé des concours de chant folklorique dans l’école», ajoute-t-il.

Depuis 1986, cet enseignant a aussi collecté des centaines d’objets de grande valeur culturelle, dont 40 gongs. Parmi eux, deux ensembles de plus de 100 ans.

«Je me promets de consacrer toute ma vie à la transmission à mes élèves des valeurs traditionnelles des minorités ethniques du Tây Nguyên». C’est en ces termes que Lê Huu Phong «résume» sa carrière d’enseignant. -VNA