Hô Chi Minh-Ville, ville «caféinée»
Le
café de Saigon - au sens d’établissement où l’on sert des boissons -
est devenu singulièrement une sorte de mythe qui facilite l’adaptation à
la vie trépidante des Saigonais, mais fait paradoxalement découvrir
aussi une sorte de langueur si particulière et souvent nécessaire pour
vivre sous ces latitudes.
Contrairement à leurs homologues
Hanoïens, les cafés de Saigon sont souvent spacieux, bien aérés. On s’y
prélasse, on rêve, on drague, on se chambre, on discute «business»...On
retrouve à Hô Chi Minh-Ville tous les styles. On peut véritablement
parler d’embarras du choix : luxe ou « boui-boui » de trottoir, ambiance
feutrée ou plus délurée, décor épuré ou luxuriant «façon jungle»,
musique légère ou tapageuse...
Les Saïgonnais dirons qu’il
n’y pas d’heure pour prendre un café. Même le soir... et n’espérez pas
vous rabattre sur un «déca»! Après le déjeuner, beaucoup de
fonctionnaires se retrouvent au café pour s’informer des derniers potins
et se donner un bon coup de caféine, histoire de ne pas piquer du nez
sur les dossiers en milieu d’après-midi.
Le matin à
l’aube, ils sont nombreux à prendre le café au parc Tao Dàn. La place
idéale pour profiter de l’air pur et jouir sous les frondaisons des
premiers rayons du soleil. Pour beaucoup, le réveil caféiné, couplé ou
non à un réveil sportif, est un véritable rituel.
Beaucoup
moins bucolique mais tout aussi «couleur local» : le trottoir. À la
différence des grandes villes européennes où le trottoir n’est qu’un
lieu de transit et où il est très mal vu de prendre ses aises, au
Vietnam, c’est aussi un lieu où l’on s’arrête, et parfois longtemps...
Il faut dire que les commerçants ambulants sont légions, et que la
tentation est grande là d’acheter un sandwich, là-bas de boire un thé
glacé ou un café. «J’aime boire le café sur le trottoir car c’est aéré
et le prix convient bien au budget serré d’un étudiant comme moi, confie
Son, de l’université d’Économie. Ici, je peux bavarder tranquillement
avec mes amis, tout en regarder les jolies filles qui passent !». Et
rassurez-vous ; ces gargottes sont loin de proposer du jus de chaussette
!
Les Saïgonnais ont l’habitude d’avaler un café le matin
avant d’entamer leur journée de travail... Un bout de trottoir et des
clients tenant une tasse de café de la main gauche et le journal de
l’autre ! C’est une image emblématique de la vie à Saigon.
Les
rues Nam Ky Khoi Nghia, Nguyên Van Trôi, Hoàng Hoa Tham, Trân Cao Vân
regorgent de cafés. Leur densité est parfois telle que l’on dirait de
véritables villages, par exemple au quartier Bac Hai, à la cité
universitaire de Thu Duc…. Mais chacun à sa propre clientèle, et la
musique y est pour beaucoup. Car rien n’est plus barbant que de déguster
son « petit noir » dans une atmosphère musicale désagréable. Les cafés
sans caractère résonnent de la pop vietnamienne et chacun y trouve plus
ou moins son compte. Les établissements plus typés proposent de la
musique «révolutionnaire» ou «rouge», le répertoire de Trinh Công Son,
du jazz et même du disco ! Certains se transforment le soir en
café-concert avec du «live», et parfois de grands noms à l’affiche comme
Tuân Ngoc, Khanh Hà…
Bref, vous l’aurez compris, aller au
café est pour beaucoup de Saïgonais un véritable art de vivre. Retrouver
des amis, se retrouver soi-même, réfléchir à des projets, simplement se
détendre..., chacun a ses propres motivations.
Un héritage de la période coloniale certes, mais un bel exemple d’interculturalité... -AVI