Elle a tiré le portrait de 1.300 Mères Héroïnes vietnamiennes
Dang Ai Viêt vit dans la rue Binh
Loi, arrondissement de Binh Thanh, Hô Chi Minh-Ville. À l’heure de la
rencontre, elle se prépare à partir dans le Nam Bô oriental. Depuis cinq
ans, l’artiste peintre sillonne le pays pour croquer le portrait de
Mères Héroïnes. Pour l’heure, elle en a peint près de 1.300, dont 300
sont exposés au Musée des femmes vietnamiennes, à Hanoi.
"Je ne vends pas mes œuvres aux enchères. Elles sont là pour que le
public puisse les admirer. Je le fais pour montrer ma reconnaissance aux
Mères Héroïnes", affirme-t-elle.
Plus de 35.000 km parcourus à moto
Dang Ai Viêt peint depuis plus de 40 ans. Jeune volontaire pour la
Patrie dès l’âge de 14 ans, elle a vécu la période difficile de la
guerre. Une expérience qui se ressent nettement dans ses tableaux. Elle
et ses camarades ont promis qu’à la fin du conflit, si l’un d’entre eux
survivait, il devrait parcourir le pays. Elle ambitionne donc de le
faire depuis longtemps. Lorsqu’en 1994, l’État promulgue le décret de
reconnaissance du titre "La Mère Héroïne vietnamienne", elle se lance
dans un périple à travers toutes les provinces du pays pour brosser les
portraits de ces femmes courageuses, témoins historiques du pays. Son
projet "Hành trinh net thoi gian" (Itinéraire sur les traces du temps) a
débuté en janvier 2010.
Sa petite moto de marque Chaly,
renforcée, a déjà été son fidèle compagnon sur plus de 35.000 km. "Dans
le Centre, la chaleur est parfois étouffante. Dans le Nord-Est, les
routes sont très sinueuses, partage celle qui parcoure entre 200 et 300
kilomètres quotidiennement. Un jour, alors que je traversais à moto un
ruisseau en aval de la rivière Noire (Nord), le courant, violent et
rapide, m’a emportée. Quand j’ai rencontré la Mère Héroïne que je venais
voir, tous mes mauvais souvenirs se sont envolés". Et d’ajouter : "J’ai
toujours avec moi des outils pour réparer mon véhicule. Je m’occupe de
tout, des chambres à air crevées, des bougies encrassées, etc.". Pour
Dang Ai Viêt, peindre les Mères Héroïnes est une course contre la
montre. La plupart des femmes ayant entre 80 et 100 ans, voire plus.
Plusieurs fois, elle n’a pas pu les rencontrer. Comme par exemple
lorsqu’une Mère Héroïne de Lào Cai (Nord) est décédée peu avant sa
venue. "J’étais désespérée et me sentais fautive".
Chaque
portrait a son émotion propre Lors de chaque voyage, Mme Viêt consigne
ses impressions dans son journal intime. "Chaque expérience est unique,
dit-elle. À chaque rencontre, j’ai un sentiment et une émotion propre.
Il m’est arrivée plusieurs fois de verser des larmes".
Cependant, elle ne tire jamais le portrait de Mères Héroïnes
vietnamiennes qui pleurent. Elle souhaite les montrer au monde sous leur
meilleur jour. Les protagonistes ont parfois l’air pensives, mais
jamais tristes.
L’artiste a déjà organisé quatre
expositions. Mais elle continue à parcourir le pays, principalement les
provinces du Centre et du Nord. Chaque année, elle y consacre six mois.
Ses enfants se font du souci pour elle, pour sa santé, sa sécurité.
Pourtant, ils savent qu’elle ne s’arrêtera pas. Ce projet lui tient trop
à cœur. Alors, ils l’encouragent. -CVN/VNA