Dang Ai Viêt, 67 ans,les cheveux poivre-sel, a les yeux brillants et l’allure vive. Artistepeintre, elle parcourt le pays sur sa moto Chaly pour tirer le portraitdes Mères Héroïnes.
Dang Ai Viêt vit dans la rue BinhLoi, arrondissement de Binh Thanh, Hô Chi Minh-Ville. À l’heure de larencontre, elle se prépare à partir dans le Nam Bô oriental. Depuis cinqans, l’artiste peintre sillonne le pays pour croquer le portrait deMères Héroïnes. Pour l’heure, elle en a peint près de 1.300, dont 300sont exposés au Musée des femmes vietnamiennes, à Hanoi.
"Je ne vends pas mes œuvres aux enchères. Elles sont là pour que lepublic puisse les admirer. Je le fais pour montrer ma reconnaissance auxMères Héroïnes", affirme-t-elle.
Plus de 35.000 km parcourus à moto
Dang Ai Viêt peint depuis plus de 40 ans. Jeune volontaire pour laPatrie dès l’âge de 14 ans, elle a vécu la période difficile de laguerre. Une expérience qui se ressent nettement dans ses tableaux. Elleet ses camarades ont promis qu’à la fin du conflit, si l’un d’entre euxsurvivait, il devrait parcourir le pays. Elle ambitionne donc de lefaire depuis longtemps. Lorsqu’en 1994, l’État promulgue le décret dereconnaissance du titre "La Mère Héroïne vietnamienne", elle se lancedans un périple à travers toutes les provinces du pays pour brosser lesportraits de ces femmes courageuses, témoins historiques du pays. Sonprojet "Hành trinh net thoi gian" (Itinéraire sur les traces du temps) adébuté en janvier 2010.
Sa petite moto de marque Chaly,renforcée, a déjà été son fidèle compagnon sur plus de 35.000 km. "Dansle Centre, la chaleur est parfois étouffante. Dans le Nord-Est, lesroutes sont très sinueuses, partage celle qui parcoure entre 200 et 300kilomètres quotidiennement. Un jour, alors que je traversais à moto unruisseau en aval de la rivière Noire (Nord), le courant, violent etrapide, m’a emportée. Quand j’ai rencontré la Mère Héroïne que je venaisvoir, tous mes mauvais souvenirs se sont envolés". Et d’ajouter : "J’aitoujours avec moi des outils pour réparer mon véhicule. Je m’occupe detout, des chambres à air crevées, des bougies encrassées, etc.". PourDang Ai Viêt, peindre les Mères Héroïnes est une course contre lamontre. La plupart des femmes ayant entre 80 et 100 ans, voire plus.Plusieurs fois, elle n’a pas pu les rencontrer. Comme par exemplelorsqu’une Mère Héroïne de Lào Cai (Nord) est décédée peu avant savenue. "J’étais désespérée et me sentais fautive".
Chaqueportrait a son émotion propre Lors de chaque voyage, Mme Viêt consigneses impressions dans son journal intime. "Chaque expérience est unique,dit-elle. À chaque rencontre, j’ai un sentiment et une émotion propre.Il m’est arrivée plusieurs fois de verser des larmes".
Cependant, elle ne tire jamais le portrait de Mères Héroïnesvietnamiennes qui pleurent. Elle souhaite les montrer au monde sous leurmeilleur jour. Les protagonistes ont parfois l’air pensives, maisjamais tristes.
L’artiste a déjà organisé quatreexpositions. Mais elle continue à parcourir le pays, principalement lesprovinces du Centre et du Nord. Chaque année, elle y consacre six mois.Ses enfants se font du souci pour elle, pour sa santé, sa sécurité.Pourtant, ils savent qu’elle ne s’arrêtera pas. Ce projet lui tient tropà cœur. Alors, ils l’encouragent. -CVN/VNA